La sécurité routière et l’aménagement du territoire

Face à l’augmentation du nombre de tués sur les routes ces dernières semaines, le préfet de la Guadeloupe a déclenché une mobilisation générale contre l’insécurité routière en Guadeloupe. Des opérations de contrôle sont organisées à différents points stratégiques du réseau routier.

Il faut se rendre à l’évidence les chiffres de l’accidentologie sont mauvais. Au 11 décembre, on dénombrait en Guadeloupe : 422 accidents (433 en 2011 soit une baisse de 3%) ; 45 tués (57 en 2021 soit une baisse de 21%) ; 619 victimes* (676 en 2021 soit une hausse de 7%). *victimes = Tués + Blessés
Si on compare les chiffres des quatre dernières années, on voit qu’ils sont en hausse constante sur tous les plans :
Année Accidents Tués Blessés
2018 340 33 472
2019 359 47 462
2020 375 51 474
2021 455 65 563
IL FAUT S’ATTAQUER GlLOBALEMENT AUX CAUSES
DE L’ACCIDENTOLOGIE
EN GUADELOUPE
Les plans de lutte contre l’insécurité routière misent en oeuvre par l’autorité préfectorale s’appuient sur les statistiques des accidents élaborés par les services concernés qui mettent en avant, ce qu’ils définissent eux-mêmes comme les facteurs aggravants impliqués dans les accidents mortels :
- Circulation à contre-sens ou à gauche : 5%
- Manque de vigilance : 20%
- Non-port de masque : 45%
- Non-port de la ceinture
de sécurité : 31%
- Stupéfiants : 20%
- Alcool : 28%
- Vitesse excessive : 43%
Ces critères imposent l’idée que la cause essentielle des accidents en Guadeloupe, relève du seul comportement des conducteurs.
On ne peut valablement pas nier le fait qu’il y a trop de conducteurs qui ne respectent pas les règles de la circulation routière. Le préfet dont c’est la responsabilité se doit de mettre en oeuvre tous les moyens de prévention et de répressions pour libérer les routes, des chauffeurs «hors la loi» qui sont contrôlés sans permis de conduire et sous l’emprise des facteurs aggravants que nous avons soulignés.
Mais il doit être clair aussi que la lutte contre l’insécurité routière ne peut s’arrêter au seul traitement des facteurs aggravants des accidents.
LES AUTRES FACTEURS
A L’ORIGINE D''ACCIDENTS
Il faut s’attaquer aussi aux causes techniques, physiques, psychiques des accidents de la route. Dans cette approche de la lutte pour la sécurité routière, il y a des éléments essentiels qui ne sont pas pris en compte dans les causes des accidents. Ce sont l’état des réseaux routiers, la densité de la circulation, les infrastructures, l’environnement des routes : canaux d’évacuation des eaux, éclairage, etc.
1- Un réseau routier surchargé
Sur les 2470 km de routes en Guadeloupe, toutes voies confondues circulent environ 150 000 véhicules pour la plupart en direction de l’agglomération Abymes-Baie-Mahaut-Pointe-Pitre. Les em-bouteillages légendaires générés matins et soirs aux points névralgiques de ces réseaux routiers : rond-point Gerty Archimède, la kassaverie, Sainte-Marie, Monte-bello, Jarry, La Boucan, rond-point de Morne-à-l’Eau, Blanchard occasionnent des dégâts considérables sur l’état technique des véhicules et le réflexe des conducteurs.
2- Des chaussées en mauvais état
Les routes guadeloupéennes sont souvent «défoncées», mal calibrées inondées par remontée naturelle des eaux ou par absence de canaux d’évacuation. L’absence d’éclairage dans certains secteurs comme la route de la Traversée ou de barrières de protection comme sur la route conduisant aux chutes du Carbet augmente les risques d’accident.
Ajouter à cela, l’étroitesse et la sinuosité de nos routes, les risques d’accidents graves peuvent intervenir lors de tous déplacements.
3- L’Etat des ponts
La tempête tropicale Fiona a montré la fragilité des infrastructures routières et notamment des ponts. Plusieurs ponts ont été coupés, isolant des populations. Outre le danger que représentent ces ponts vieillis, manquant de suivi et d’entretiens pour les usagers, un pont s’est effondré il y a quelques jours à Mor-ne à Vache à Basse-Terre, la défaillance des ponts qui par la circulation routière relient toutes les parties du territoire guadeloupéen serait une catastrophe dans l’état actuel du schéma de déplacement en Guadeloupe.
PENSER UN PLAN DE MOBILITE QU S’INSCRIT DANS
L’AMENAGEMENT DU
TERRITOIRE POUR LA SECURITE
Les citoyens ont besoin de se déplacer dans le pays pour tous les actes de la vie : santé, étude, travail, culture, famille. L’Etat et les collectivités territoriales doivent garantir la libre circulation des personnes sur le territoire dans des conditions de temps, de sécurité et de coût acceptable et juste.
L’aménagement du territoire ne peut pas ignorer cette problématique qui est au coeur du développement et de la cohésion sociale. Il doit épouser les configurations naturelles du pays. C’est pourquoi, dans le cas de la Guadeloupe, le plan de mobilité doit être repensé dans notre environnement.
Le constat est unanime que la circulation routière en Guadeloupe est un réel souci. Elle pénalise à des niveaux différents toute la population. Il faut repenser le schéma : la voiture individuelle ne peut pas être le seul moyen pour se déplacer en Guadeloupe. Il y a d’autres alternatives à mettre en oeuvre :
- Repenser les tracés et l’environnement des routes en Guadeloupe.
- Réparer et reconstruire les ponts selon les normes et directives du Conseil national de la Sécurité routière.
- Brider à 110km les moteurs des voitures importées en Guadeloupe
- Un véritable service public de transport des passagers qui couvre tout le pays en maillage avec les transports intérieurs.
- La mise en service réel des bus de mer, les infrastructures portuaires existent pour assurer le déplacement par mer.
- La mise en circulation de navettes sur le bras de mer ente les deux rives de la Guadeloupe.
- La réactivation des réseaux aériens pour desservir les îles du Sud.
Ces nouveaux modes de déplacement seront conjugués avec la relocalisation des centres d’intérêts économiques, administratifs, culturels et sportifs sur l’ensemble du territoire.
Une telle conception va baisser la pression sur les réseaux routiers, ce qui fera reculer l’insécurité sur les routes.