Quarantième anniversaire de l’université aux Antilles Trêve ou paix

Cette quarantième année d’existence de l’université des Antilles françaises fera date dans son histoire.

C’est en effet en 1982 que, par décret, allait voir le jour, l''université des Antil-les et de la Guyane (UAG), une université à part entière, à la suite de différentes réformes régissant l’enseignement supérieur en Guade-loupe, Martinique et Guyane.
Depuis cette date, s’il est vrai que des hommes et des femmes doivent leur formation et leur réussite professionnelle et sociale à cette université, il n’est pas moins vrai que l’institution a connu beaucoup de soubresauts, de turbulences, de velléités, qui n’ont pas été toujours dans l’intérêt des trois régions et surtout des étudiants. Il faut dire et reconnaître que tout cela découle surtout du fait colonial que les gouvernements successifs entendent maintenir, sous une forme ou une autre, alors que des voix s’élèvent de plus en plus pour réclamer justice, réparation et responsabilité.
A l’heure du quarantième anniversaire, célébré le jeudi 15 décembre 2022 sur le campus de Schoelcher à Martinique, plusieurs des personnalités présentes n’ont pu passer sous silence ces regrettables moments qui ont eu, entre conséquences, l’éclatement de l’UAG, par la création, en 2014, de l''université de Guyane. Fort heureusement, les opposants à cet éclatement, tant sur le plan politique, universitaire et gouvernemental, ont été suffisamment clairvoyants pour mener une concertation intelligente afin de maintenir une entité non étriquée pouvant s’ouvrir sur la Caraïbe et le monde. L''université des Antilles (UA) était née. Elle allait aussi connaître beaucoup de difficultés, de tergiversations dues sans doute à des malentendus, des incompréhensions, tant dans sa présidence administrative, que dans sa gestion, d’autant plus qu’il ne lui a pas été facile de se purger du passif hérité de l’UAG. On doit reconnaître qu’au fil du temps, la raison l’a emportée.
Hommage a été rendu à tous les bâtisseurs qui ont oeuvré pour que la jeunesse antillo-guyanaise ne soit plus dans l’obligation de s’expatrier systématiquement pour la poursuite des études. Des réalisations ont été soulignées, des projets présentés, y compris avec les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Des souhaits ont été formulés pour encore enrichir l’offre de formation.
Jean Raphael Gros Désormeaux maître de cérémonie, Docteur en géographie de l’université des Antilles et de la Guyane : «…Il s’agit de cette génération qui aujourd’hui s’est engagée à poursuivre cette Université des Antilles et à assumer l’héritage, quel que soit le contenu».
Michel Geoffroi président de l’université des Antilles : «Votre présence à l’université, messieurs les présidents, (NDLR : de la Collectivité de Martinique et de la Région Guade-loupe) démontre l’intérêt accordé à la formation de la jeunesse de ces territoires et de l’amitié entre les peuples de Martinique et de Guadeloupe… Nous affirmons aboli les logiques étriquées, les volontés de domination d’un territoire sur un autre».
Romain Manyri vice-président du pôle universitaire régional de la Martinique : «L’université est prête à innover et à relever des défis… Il faut maintenir cette université vers l’excellence et atteindre nos objectifs».
Jean-Georges Chali doyen de l’UFR des Lettres et Sciences humaines : Après avoir retracé l’histoire de l’enseignement supérieur en Guadeloupe et Martini-que depuis 1970, a déclaré «Avec courage et énergie nous avons fait face aux difficultés… En 40 ans, nous avons su mettre en place de nombreuses formations, dans pratiquement tous les domaines».
Patricia Donatien Professeur chercheuse à l’UA, Docteure : Après avoir précisé avec beaucoup de fierté qu’elle a obtenu tous ses diplômes à l’UA et donné quelques informations sur sa formation et son parcours professionnel, a déclaré : «Jeune étudiante, on manquait de tout. L’absence d’éclairage sur le campus avait occasionné l’assassinat sauvagement, en 1979, d’une jeune étudiante. Nos revendications identitaires que nous inspirait Frantz Fanon ont permis des luttes communes : étudiants, enseignants ; parents».
Ary Chalus, président du Conseil Régional de la Guade-loupe : Saisissant l’opportunité pour faire le bilan de sa contribution pour l’université, depuis son élection comme maire en 2001, il a déclaré : «La région Guadeloupe s’engage pour la mobilité de la jeunesse au sein de la Caraïbe. Nous devons établir des relations avec les ambassades et les consulats».
Serge Letchimy, président du Conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Martinique : «C’est à travers l’université que s’expriment les forces vives pour l’émancipation de chacun dans sa liberté et aussi l’émancipation collective… L’objec-tif est d’avoir une université très forte dans la Caraïbe pour être très fort dans le monde… Se battre pour installer dans la Caraïbe un des premiers pôles de la mer». Il formule aussi le voeu de la création d’une école d’architecture à l’UAG. Et comme il fallait s’y attendre, «l’appel de Fort de France» a été évoqué : «Ce n’est pas un cri de douleur ou de crainte. Il faut des compétences accompagnées de pouvoirs, pour ne pas être dans la dépendance. Ce débat est celui de l’université qui doit enseigner l’émancipation».
Gageons que la photo finale symbolique, «la main dans la main» qui a regroupé universitaires et politiques, rappellera aux uns et autres, dans leur domaines respectifs, la voie audacieuse à suivre pour en finir avec une mise sous tutelle, pour ne pas dire en coupe réglée insupportable, depuis des décennies.
Chiche au président Ary Chalus !