Le sens du pays

Le sens du pays exige une véritable prise de conscience de l’homme guadeloupéen de son identité, de ses droits légitimes sur cette terre de Guadeloupe et aussi un sursaut de dignité pour rompre avec toute forme de mimétisme, d’identification aux valeurs de ceux qui nous oppriment.

Le professeur de philosophie retraité Georges Combé a publié récemment un ouvrage qui rassemble les principaux textes écrits en 1994 pour la revue guadeloupéenne par son condisciple Cyrille Serva, hélas, trop tôt parti en 2001.
Ces textes développent une pensée philosophique et politique qui a donné naissance au concept : Le sens du Pays.
Dans une société guadeloupéenne aujourd’hui à la recherche, malheureusement, d’une voie de sortie à crise structurelle qui la paralyse et dans laquelle un débat «flouté», vide de sens, aux perspectives brouillées s’est installé, cela peut être salutaire de repenser le pays avec Serva.
Le mérite du Philosophe, c’est de nous renvoyer à nous-mêmes, nous obliger à réfléchir à la question existentielle de savoir qui nous sommes, d’où nous sommes, comment nous occupons notre place au monde. Les réponses à ces questions sont déterminantes pour penser la vie, l’évolution, le progrès, l’avenir que nous voulons.
En effet, la question première qui ouvre les portes de notre existence, c’est que nous ne sommes pas des électrons libres, des ovnis. Nous sommes des hommes et des femmes enracinés dans un territoire géographique aux frontières bien définis, héritiers en commun d’un passé historique, économique, social et culturel ce qui fait de nous un pays.
La notion de pays exprime la relation entre le territoire géographique et ceux qui l’habitent et qui y vivent.
Penser le sens du pays c’est d’abord comprendre que nous les premiers héritiers de la Terre que nous habitons, que le pays Guadeloupe constitue un pays unique englobant le territoire et le peuple guadeloupéen.
Alors s’impose cette vérité opposable à tous, la Guadeloupe n’est pas un territoire français, c’est un pays différent de la France comme l’affirment depuis 1955 les communistes guadeloupéens.
A partir de ce postulat, se pose la question incontournable son administration, de son développement, l’épanouissement de ses ressortissants, ses relations au monde qui doit relever de la seule responsabilité des Guadeloupéens.
Le sens du pays commande d’abord, d’agir pour soustraire le pays à toute tutelle et domination étrangère.
Comme écrit Cyril Serva, il faut une Constitution propre à la Guadeloupe, un Etat, un statut politique qui rompt avec la départementalisation colonisée. Mais, il a la sagesse du philosophe, de renvoyer le choix à la volonté démocratiquement par ceux qui font le pays.
Avoir le sens du pays, c’est comprendre qu’il est de notre devoir à nous et à nous seuls, de bâtir notre pays dans l’intérêt du peuple.
Nous devons ensuite être acteurs de notre développement. Retroussons-nous les manches, recommençons à travailler, réinvestissons tous les secteurs d’activités que nous avons laissés à d’autres ! Soyons les bâtisseurs, mais aussi les propriétaires chez nous. Arrêtez d’être ceux qui ne bénéficient que des miettes et qui s’en accommodent.
Le sens du pays exige une véritable prise de conscience de l’homme guadeloupéen de son identité, de ses droits légitimes sur cette terre de Guadeloupe et aussi un sursaut de dignité pour rompre avec toute forme de mimétisme, d’identification aux valeurs de ceux qui nous oppriment.
Pour aller dans le sens du pays, il faut que l’homme guadeloupéen se change lui-même, change son regard sur son pays et sur le monde extérieur, rompt avec des idées imposées par plusieurs siècles de domination coloniale et d’assimilation.
Avoir le sens du pays Guadeloupe pose aussi l’exigence d’une véritable révolution culturelle telle qu’elle a été conceptualisée par le dirigeant communiste Rosan Girard depuis 1978.
Il s’agit d’une révolution qui s’adresse à l’esprit, à la conscience et qui doit viser un changement de mentalité et de comportement de l’homme guadeloupéen.
Tout d’abord, l’homme guadeloupéen doit avoir confiance en lui, dans sa capacité à réaliser les meilleures performances dans tous les domaines d’activités. Il doit croire dans le riche potentiel de son pays qui dispose des atouts pour lui permettre d’y vivre décemment, l’aimer et le défendre.