La pensée philosophique de Cyril Serva au service de la jeunesse guadeloupéenne

Désespérance ? Rejet de la classe politique locale ? Mise en cause des politiques menées par les gouvernants français, des rapports, existant entre la Guadeloupe et la France ? Autant de questions qui alimentent le débat public en Guadeloupe et appellent des réponses urgentes. Il y a une trentaine d’années, un philosophe guadeloupéen, Cyril Serva (1950-2001), soulevait déjà ces problématiques. Dans la revue «Etudes guadeloupéennes», il proposait des pistes de réflexion permettant à la Guadeloupe de sortir de l’état de «colonie départementalisée». L’article «Le sens du pays» (1994) marqua les esprits par sa pertinence et la finesse de son analyse. Le contexte actuel donne encore plus de vérité et de puissance à la réflexion menée par Cyril Serva. C’est une référence incontournable dans le cadre du débat nécessaire sur le présent et l’avenir de la Guadeloupe. Cet ouvrage regroupe les textes les plus fondamentaux de l’auteur. (Tiré au dos du livre de l’auteur)

Pour sortir de la colonisation, les pays dits du «Tiers-Monde» ont, dès la fin du 19e siècle, construit leurs nations à partir d''idées fortes portées souvent par des philosophes patriotes, teintés pour certains, de cultures religieuses. Beaucoup de solutions, qu''ils préconisaient, ont traversé les siècles parce que leurs peuples les ont suivis.
On pense en simplifiant au Com-munisme, au Socialisme, au Maoïs-me, à l''Islamisme, au Bolivarisme et aujourd''hui au Panafricanisme. Nos intellectuels, ici en Guade-loupe, se sont-ils réveillés pour suivre la voie de ces ainés ? On pourrait l''espérer, quand la pensée de Rosan Girard est remise à l''ordre du jour par Jean-Pierre Sainton ; quand la bibliothèque que nous a laissée Omotundé et dont nous ne mesurons pas la portée historique, est mise à notre service ; quand Beville, Lucie Julia, Nainsouta, voient leurs écrits reconnus.
Voici venue l''heure de remettre entre les mains de la jeunesse du pays, la pensée philosophique et politique de Cyril Serva, malheureusement décédé en 2001. Précisons que c''est son ami frère, Georges Combé, qui a rassemblé dans un ouvrage intitulé «Le sens du pays», les textes écrits par le philosophe et nous vous proposons des extraits de cet ouvrage au cours de cette nouvelle année 2023 :
«La Guadeloupe doit être le fait des Guadeloupéens eux-mêmes. Mais penser ce n''est pas gérer, même si certaine gestion, en ses réalisations décriées, témoigne d''un sens plus aigu du pays qu''on a voulu le croire ; ceux pour qui gérer c''est panser ont une vue à très court terme et vivent dans l''illusion que la Guadeloupe n''est pas un pays, mais un département, une région ordinaire de la France. Quelle bêtise !!
[...] Mais la paresse intellectuelle et le manque d''imagination, le servilisme auquel on ''est même plus tenu, le manque de courage, l''abus de l''autorité, l''avidité dans l''accaparement des biens ou fonds publics prévalent. Penser le pays. Acte de responsabilité, puisque ne pas dénoncer la bêtise quand elle gangrène la vie publique d''un pays, ne pas protester contre les irresponsabilités est la première irresponsabilité qui a pour noms complaisance, démission.
Acte d''amour surtout car : Si l''on est d''un pays, si l''on y est né comme qui dirait natif, natal eh bien on l''a dans les yeux, la peau, les mains, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes : c''est une présence, dans le coeur, ineffaçable comme une fille que l''on aime. On connaît la source de son regard, le fruit de sa bouche, les collines de ses seins, ses mains qui se défendent et se rendent, sa force et sa faiblesse, sa voix et son silence».