L'économie sociale : un bon exemple «durable»

L e fonctionnement de l'entre - prise conditionne la durabilité des activités économiques. C'est ainsi que l'économie sociale incarne une vision plus large de l'économie verte que le seul dévelop - pement de filières vertes. Les plus connues sont les coopératives, les mutuelles et les associations.

Leur éthique de primauté de l'être humain sur le capital correspon- drait mieux à la composante sociale du développement durable que la «responsabilité sociétale des entreprises» (RSE), qui reste basée sur le profit.

En éclaircissant quelque peu les deux concepts,on prend rapidement conscience qu'une entreprise qui s'inscrit dans une stratégie de dura- bilité ne joue pas le même jeu qu'u- ne entreprise d'économie sociale.La première vise essentiellement à maximiser son profit en s'assurant de minimiser son empreinte environne- mentale et en essayant de créer un bon climat social à travers une série de mécanismes de gestion.La secon- de,l'entreprise d'économie sociale, si elle ne se soustrait pas à la concur- rence du marché,travaille essentiel- lement sur la dynamique sociale,la rentabilité financière étant cettefois une condition de réalisation de l'objectif et non plus une fin en soi. Il y a là un monde de différ ence.

Même «verte», l'entreprise n'aura pas comme objectif le plein emploi ou l'intégration des plus défavori - sés. En cas de problème, l'entrepri - se privée supprimera des emplois plutôt que de réduire les bénéfices des actionnaires.

Dans le secteur de l'économie sociale, l'indivisibilité des réservescorr espond mieux au patrimoine collectif et impartageable de l'en vir onnement.

Même quand il ne s'agit pas à proprement parler d'entreprises d'économie sociale structurées, l'invention de solu - tions collectives est un signe par - lant : le covoiturage organisé, les monnaies locales complémentai - res, les groupes d'achat communs, les éoliennes citoyennes… Ce sont aussi des initiatives qui ont aussi l'intérêt de dépasser l'individua - tion de la responsabilité duconsommateur . C'est le cas égale- ment des travailleurs du secteur de l'économie sociale. La finalité explicite au service de la collectivité (intérêt général et utili- té sociale) du secteur de l'écono- mie sociale permet de rencontrer à la fois l'objectif et la méthode. En effet, rien ne vaut l'exercice pra- tique d'une gestion collective pour épouser le contenu éco-systé - mique de l'environnement.

Dès lors, il n'est pas étonnant que des responsables d'économie sociale se soient réunis fin 2011 pour un forum où se sont dégagés 5 projets et 20 propositions pour un changement de modèle, en vue de Rio + 20. Ces recommandations figurent dans une lettre ouverte aux responsables des Nations Unies. Démocratiser l'économie et réguler la finance, promouvoir la gouver- nance collective, des choix sociaux et humains et mieux nourrir la planète sont les priorités.

Le processus de décision démocratique qui sous-tend l'organisation même des entreprises d'économie sociale intègre une des bases du développement durable qu'est la notion de participation.

Il en résulte que la par ticipation ne saur ait se résumer au droit de v ote, mais implique que le cito y en ait le mo y en de f aire entendre sa voix dans toutes les décisions suscepti- bles de l'affecter,et cela à tous les niveaux et dans tous les domaines,y compris l'économique.

En économie sociale, il y a un enjeu politique collectif qui sous-tend l'activité économique.

Concevoir le travail en commun, exprimer son avis en assemblée, gérer l'information, pratiquer la consultation, la concertation et la co-décision, l'évaluation, dégager des mandats opérationnels clairs en groupe sont des pratiques qui for- ment à la complexité des appro- ches. Le concept de développement durable vise aussi un objectif complexe et holistique auquel la pratique de l'économie sociale, en évolution constante, apporte donc des outils essentiels.

L'autonomie de gestion garantit à l'entreprise d'économie sociale une plus grande indépendance vis-à-vis des marchés. Bien que, dans les faits, ces entreprises sont confrontées à l'existence d'un marché, un autre cadre de référence s'interpose entre le marché et elles, surtout si elles se multiplient et collaborent entre elles. La transparence dans les méthodes et les enjeux de l'entre - prise servent aussi l'autonomie de gestion. C'est aussi un secteur qui a précisément vocation d'œuvrer sur base de principes propres.

On peut observer qu'en économie sociale, l'ancrage des entités est davantage sectoriel et territorial et tient donc mieux compte des spécificités locales, aussi importantes en matière de développement que d'environnement. Or, de plus en plus on désigne par «application concrète» de développement durable, les projets locaux ou sectoriels qui font exister le concept plus global auquel le terme fait aussi allusion. En pratique, il s'agit d'entreprises actives dans la ges- tion des déchets, les énergies renouvelables, la vente de consommables, le recyclage…

L'économie sociale invite à dépasser le cadre strict des filières vertes pour emprunter le chemin d'une économie plus équitable . Nous avons montré que ses outils sont plus proches de la finalité du développe - ment durable que les structures d'une entreprise classique. Or le commerce équitable d'écono - mie sociale existe. Il se dif féren - cie des entreprises qui vendent des produits labellisés fairtrade par son mode de fonctionne- ment et ses missions. Pour l'activité de commerce équitable, certaines organisations du Sud sont des coopératives.

Dans l'économie mondiale du début du XXIème siècle,l'enseignement est peut-être la condition préalable la plus importante pour une bonne participation au commerce mondial

On peut développer une économie locale et sociale au Nord comme au Sud, partager les fruits (les produits) et les enseignements (les projets) d'activités croisées.

Puisque nombre d'observateurs s'accordent à dire que nous vivons à l'ère de la mondialisation des échanges mais que les limites à nos projets sont planétaires, pourquoi ne pas socialiser les outils de développement en accord avec une vision universelle des droits humains ? Démocratiser l'économie ? Prôner un modèle et des initiatives qui remettent l'économie au service du citoyen, du pro - ducteur et du consommateur ?

N'est ce pas là l'essence même du modèle de l'économie sociale !