Abolitions arrachées ou octroyées ?

L’abolition de l’esclavage, changement si radical dans l’histoire de l’humanité ne s’est pas faite en un jour. Bien au contraire, elle est l’aboutissement d’un long processus qui s’intensifiera surtout à partir de 1815, date de la chute de l’Empire napoléonien, mais qui s’est mis en place à partir de 1789, dès que les idées de liberté et d’égalité véhiculées par les premières manifestations de la Révolution française ont été connues dans les îles.

On retiendra deux dates capitales pour cette histoire de l’abolition : le 4 février 1794 et le 27 avril 1848.
Evénements clés ayant préparé la «première abolition».
Le 26 août 1789, la Déclaration des Droits de l’Homme proclamait que «les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit». Mais elle n’a jamais été appliquée dans les colonies. Ces dernières sont bien loin, et toutes leurs structures socioéconomiques sont liées à l’existence d’une abondante main-d’oeuvre servile.
A l’Assemblée, chaque fois qu’un député tente d’aborder le problème des droits des esclaves, on lui fait comprendre que la question n’est pas à l’ordre du jour. Nombreux sont ceux qui, en effet, pensent avec inquiétude que changer les choses aux colonies risquerait d’y provoquer la défaite de la race blanche.
Le succès à cette époque, dans différents groupes français, de la Société des amis des Noirs, créée en 1787 à Londres, chez les An-glais, les ennemis de la France, renforce chez certains l’idée que l’émancipation des esclaves serait contraire à l’intérêt de l’Etat.
Au point que l’avocat De Jolly, qui coordonne l’action des «gens de couleur» à Paris en 1789 va jusqu’à déclarer : «tout ce qui paraît bon en philosophie n’est pas bon en politique. Donner la liberté aux nègres, serait détruire les colonies et forcer tous les habitants à les abandonner pour ne pas courir le risque d’être massacrés».
Les mouvements de révolte des esclaves à Saint-Pierre en Martini-que en août 1789 puis à Sainte-Anne en Guadeloupe, le 15 mai 1791 et à Saint-Domingue les 20 et 21 août 1791 qui souvent croient que leur libération a été effectivement prononcée en France, ne feront qu’étayer les idées allant dans le sens d’un conservatisme prudent.
La constituante décide finalement le 24 septembre 1789 de laisser aux Assemblées coloniales locales le soin et la responsabilité de régler les affaires relatives à la colonie, celles qui touchent en particulier à la gestion de l’Etat politique des hommes de «couleur» et des nègres libres.
S’étant donc débarrassée de cet épineux problème de l’émancipation des esclaves dans les colonies, l’Assemblée constituante décide le 28 septembre 1791, que l’esclavage est aboli en France.
Les tensions, parfois contradictoires sont telles dans toutes les colonies, qu’il faut chercher des moyens d’apaisement. Dès le 4 avril 1792, la Législative, appuyée par le roi, déclare que : les «Hommes de couleur» et Nègres libres doivent jouir ainsi que les colons blancs, de l’égalité des droits politiques».
Ainsi, après avoir cherché à rassurer les colons blancs en leur garantissant le droit conventionnel de statuer sur les questions d’émancipation concernant leur territoire, on cherche à rallier les Mulâtres en leur accordant l’égalité des droits politiques.
Quant à l’esclavage, on continue de penser qu’il est «nécessaire à la culture et à la prospérité des colonies et qu’il n’est ni dans les principes, ni dans la volonté de l’Assemblée nationale et du roi de toucher à cet égard aux prérogatives des colons» (déclaration de Ailhaud. Polverel et Son-thonax, les envoyés du pouvoir central à l’Assemblée de Saint-Domin-gue, le 20 septembre 1792).
A suivre…
Extrait du dictionnaire encyclopédique Desormeaux Tome 1