La 5e Grande Marche sur les traces d’Ignace et de ses compagnons (20 et 21 mai 2023)

Au pied du Fort Delgrès, côté Galion, se sont rassemblés près de 300 marcheurs (295 exactement) en signe de reconnaissance envers leurs aïeux et en quête de connaissance de leur Histoire encore mal connue du plus grand nombre.

Beaucoup d’entre eux sont venus de leur propre chef, mais beaucoup également sont venus à l’appel de leur association, qu’elle soit sportive, culturelle, politique ou syndicale (Ang, Les Amis de la Santé, Cipn, Cgtg, Etoile du Carmel, Cereal, Agir en citoyen, Nam, Moun ki ka, Tèt kolé, Voukoum).
Luc Reinette a pris la parole en premier pour rappeler le contexte historique du départ de Delgrès, Ignace, Marthe-Rose et de centaines de Guadeloupéens du Fort Saint-Charles (rebaptisé Delgrès) dans la nuit du 22 mai 1802, par le passage secret constitué par la Poterne du Galion. Ce Fort était alors assiégé par les soldats de Richepance débarqué le 6 mai 1802 à Pointe-à-Pitre et venu rétablir l’ordre colonial et l’esclavage sur ordre de Napoléon.
Il a surtout insisté sur le personnage mal connu de Marthe-Rose, compagne de Delgrès, originaire de Sainte-Lucie, qui blessée à la jambe lors de l’évacuation du Fort, a été faite prisonnière par les Français, jugée le 2 octobre 1802 par un Tribunal Spécial mis en place par Lacrosse et pendue le 5 octobre 1802, non sans avoir maudit ses bourreaux avant son exécution.
C’est pour cette raison que selon Luc Reinette cette marche a été dédiée à arthe-Rose, et c’est pour cette même raison que le premier porteur de drapeau a été une jeune femme nommée Joanne Henry, jeune femme ingénieur qui a fait le choix de rester coûte que coûte au pays. Ce choix a fait l’objet d’applaudissements nourris de la part de la foule des marcheurs.
Le konvwa s’ébranle à 17h45, sur la base d’une organisation bien structurée comprenant 12 voitures numérotées de 1 à 12 et formant la logistique sécurité, ravitaillement, massage et soins. Une voiture avec gyrophare et sono à l’avant, une voiture avec gyrophare pour la voiture fermant la marche et une dernière voiture volante équipée d’un gyrophare pour bloquer par endroits la circulation afin de faciliter le passage des marcheurs.
Voukoum se positionne derrière les 300 marcheurs qu’il va accompagner au son de ses tambours jusqu’à Gourbeyre où le cortège est accueilli par le maire monsieur Claude Edmond.
La seconde étape sera Dolé où Luc Reinette racontera comment au niveau de Pont Soldat les forces guadeloupéennes menées par Palerme et Jacquet ont mis en échec le capitaine Crabe qui voulait rejoindre Basse-Terre par voie terrestre depuis Pointe-à-Pitre.
La troisième étape sera Trois-Rivières où pour la première fois depuis l’instauration de cette Gran-de Marche, la majorité des marcheurs a eu l’opportunité de visiter le seul cachot dit «d’esclaves» situé à Belmont sur un terrain appartenant à un Guadeloupéen qui en a facilité la visite !
Autre étape importante et remplie d’émotion, celle de Trou aux Chiens à Capesterre où les marcheurs ont pu découvrir l’immense Fromager où les Chasseurs des Bois (Corps de Blancs-Pays remis en place par Lacrosse) pendaient les rebelles fugitifs capturés à l’aide de chiens après la fin de Delgrès et des compagnons le 28 mai 1802. Un panneau relatant ces faits à été dévoilé pour la circonstance par deux jeunes. On note par ailleurs une proportion importante de jeunes dans cette édition, bien plus forte que lors des années précédentes, ce qui est de bon augure.
A Petit-Bourg, Ary Broussillon a rappelé qui était Gertrude que les Français avaient surnommée «l’empoisonneuse», et comment comme d’autres, elle utilisait le poison comme une arme contre l’oppression des colons esclavagistes français.
La troupe parvenue à la dernières station essence avant le pont de la Gabarre comptait encore environ 150 marcheurs, légitimement éprouvés par l’effort, au point qu’une seconde personne perdit connaissance, après une première le fit lors de la pause de Goyave. Cela fut heureusement sans gravité, comme pour la troisième qui s’effondra à l’arrivée, mais s’est déclarée heureuse d’avoir rendu hommage à ses ancêtres, en allant jusqu’au bout de ses forces.
Au niveau du port de pêche de Lauricisque, un groupe de tanbouyé de Mario Coco attendait les marcheurs au son du ka, ce qui a eu pour effet de redonner du tonus à une troupe, qui, il faut le reconnaitre était éprouvée, mais tellement fière d’avoir réussi à atteindre Pointe-à-Pitre !
A travers cette marche qui a connu une organisation sans faille soulignée par tous les participants (sécurité, ravitaillements, pédagogie) des centaines de Guadeloupéens ont voulu donner un peu d’eux-mêmes pour montrer leur reconnaissance et leur respect envers les ancêtres combattants qui ont préféré la mort plutôt que le retour à l’esclavage (Libèté ou lanmò !).
Il faut souligner le fait que tous les maires des villes traversées, ont sans exception, porté leur contribution à la réussite de cette Grande Marche.
Pour conclure le témoignage fort d’une marcheuse du nom de Maelle au lendemain de la marche, transmis aux organisateurs de la marche le lundi 22 mai 2023 : «Je tenais vraiment à remercier tous les membres à l’initiative de la Marche Mémorielle du week-end dernier. Bravo pour la démarche ainsi que l’organisation sans laquelle personne ne serait allé jusqu’au bout ! Je n’ai pu aller jusqu’à Sonis (arrêtée à Sainte-Marie) mais grâce à vous j’ai accompli quelque chose d’extraordinaire et de très fort physiquement, psychologiquement et émotionnellement. Malgré mes courbatures ce matin, je me réveille fière de moi, et encore plus fière de mes ancêtres et de ma culture, amoureuse de notre belle Guade-loupe et surtout à mon grand étonnement, motivée pour faire encore mieux à la prochaine édition. Encore bravo à vous et à nous tous qui avons marché, et à nos héros passés, présents et futurs !».