Pourquoi le Pape n’a pas choisi un Evêque dans l’Eglise de Guadeloupe ?
Cette question ne relève d'aucune provocation,ni de lar echerche du sensationnel. Nous la posons parce que nous nous intéressons depuis longtemps à notre Eglise de Guadeloupe et parce que dans cette Eglise catholique et romaine se retrouvent entre 80 à 90% deGuadeloupéens. C'est de loin la première Eglise en Guadeloupe en nombre de fidèles,de missions,et de par sa présence sur le territoir e. L'Eglise c atholique est, en f ait, une véritable institution qui jouit d'une influence cer taine dans la société guadeloupéenne. Vous voyez le fondement de la question ?
Il est important, pour les Chrétiens certes, mais aussi pour tous ceux qui s'inté- ressent à l'avenir du pays, de connaître le pasteur qui reçoit la charge de conduire une telle institution et de comprendre les raisons qui ont motivé ce choix.
UN NOUVEL EVEQUE NOMME EN GUADELOUPE
Après quatre années d'adminis- tration du diocèse de Guadeloupe, le père Jean Hamot qui assurait la charge de pasteur depuis le départ à la retraite de Monseigneur Ernest Cabo en 2008, va passer la main. En ef fet, le Pape vient de nom - mer un nouvel Evêque pour le diocèse de Basse-Terre / Pointe-à Pitre, Monseigneur Jean-Y ves Riocreux. Il vient du diocèse de Pontoise, dans la régionparisienne. Nous ne le connaissons pas enco- re. Il ne fait pas partie des prêt- res de l'Eglise de Guadeloupe, il n'est pas Guadeloupéen. Ce constat ne doit pas être considéré comme un juge- ment de valeur. Nous n'avons aucune compétence pour cela, ni aucune responsabilité dans l'Eglise de Guadeloupe
. Comme l'a reconnu le père Jean Hamot, lui-même, cette nomi- nation soulève quelques interrogations parmi les Chrétiens. Il y a, dit-il, ceux qui espraient, ceux qui interprètent, d'autres, qui sont déçus.
COMMENT COMPRENDRE CES RÉFLEXIONS ?
Après 42 ans de magister pasto- ral par des prêtres guadelou - péens, on a, Chrétiens ou non, le sentiment qu'un coup d'arrêt est porté à ce projet pastoral inspiré du concile V atican II en marche depuis la nomination du premier Evêque guadeloupéen,Monseigneur Siméon Oualli (19701984), poursuivi par Monseigneur Ernest Cabo (1984-2006 et assumé par l'administrateur diocésain, le père Jean Hamot. La question qui est sur toutes les lèvres est celle-là : Pourquoi, après quatreannes d'attente, le Pape n'a pas choisi le nouvel Evêque parmi les prêt - res guadeloupéens ? Nous savons que ce choix relève du pouvoir discrétionnaire du Pape qui nourrit sa réflexion des appréciations qui lui sont fournies à partir des enquêtes menées dans le plus grand secret. Mais, tout de même, nous savons que, sur la cinquantaine de prêtres en activité dans le diocèse, il y a 1/3 de Guadeloupéens et que la moyenne d'âge serait de 55 ans. Il y a tout de même une petite marge lorsque l'on se rappelle que la limite d'âge pour exercer la charge d'Evêque, est de 76 ans. Nous savons par ailleurs que l'Eglise de Guadeloupe compte des prêtes de grandes compé- tences, d'expériences et de hautes qualités humaines. Certes, il y a parmi eux, ceux qui sont malades mais, certains ont- ils refusé ? On ne saura jamais le fond du dossier qui a déterminé le choix du Pape. On peut seulement espérer qu'il s'agit d'une transition en attendant l'é - closion des bonnes semences. Cette nomination nous renvoie à une question de fond : la crise des vocations. Pourtant l'administrateur diocésain avait déjà allumé la lampe témoin en poussant ce cri d'impuissance. Nous sommes dans «une Eglise bancale», avaitil asséné à l'Eglise Saint-Pierre et Saint-Paul, le jour de l'ordonnan- cement
du dernier prêtre guadeloupéen. Les églises sont pleines, les fidèles participent à tous les sacrements, mais les séminaires sont vides. Les parents n'encouragent pas leurs enfants sur le che - min des vocations. Ce cri laissait entendre, naturellement, que pour avoir des Evêques guadeloupéens demain, il faudrait avoir des prêtres guadeloupéens. Cette crise des vocations qui ne touchent pas seulement l'Eglise de Guadeloupe, méri- te d'être examinée.Ce sera dans un autre article.
DE SIMÉON OUALLI À ERNEST CABO EN P ASSANT P AR LE SYNODE DIOCÉSAIN DE 1995 : NAISSANCE D'UNE EGLISE DE GUADELOUPE
Pour nous la vraie interrogation est celle-ci : cette Eglise de Guadeloupe qui se construit depuis 42 ans, va-t-elle continuer ? Les prêtres, avec qui nous avons parlé, nous disent que oui, et qu’il est impossible de revenir en arrière. On veut bien les croire. Loin de nous l'idée de jeter le trouble chez les Chrétiens, mais le fait pour le nouvel Evêque de n'avoir pas cité, parmi ses réfé - rents : les Evêques Oualli et Cabo nous interpelle. Car, même si ces pasteurs ont toujours parlé d'une Eglise uni - verselle, ils se sont appliqués, entrainés par des prêtres comme Chérubin Céleste, l'apôtre d'une Eglise au service et parmi les hommes, à révolutionner les pratiques liturgiques, les rapports du Chrétien à la société. Ils ont ancré l'Eglise dans le réel guadeloupéen, en faisant entrer le créole, le gwoka, toute la cul - ture dans la vie de l'Eglise deve- nue peuple de Dieu. Cette Eglise de Guadeloupe qui est sortie des murs des édifices abritant les sacrements pour vivre avec les hommes et parti - ciper à la résolution de leurs problèmes, c'est celle-là que nous reconnaissons et que nous voulons voir se développer comme un pôle où se cultive l'aspiration à la justice, à la liberté, à un monde meilleur.
Christian Céleste et Mona Cadoce représentaient le PCG au synode diocésain le 26 novembre 1995. Article publié par christian Celeste
LE SYNODE DIOCESAIN Naissance d'une Eglise de Guadeloupe ?
Avec des milliers de Guadeloupéens, 15.000 d'après la presse, j'ai participé dimanche 26 novembre 1995 à la célé- bration de clôture du synode diocésain au vélodrome de Gourde Liane. Durant plus de trois heures, un souffle nouveau a flotté en permanence sur la tête de tous ceux réunis dans ce lieu d'effort, conçu pour le dépassement de soi et pour la révélation de la vraie valeur de l'Homme relevant les défis du temps. C'est effectivement un défi. Je crois que ces milliers de fidèles, prêtres et laïcs de toutes génération, rassemblés autour de leur Évêque, Monseigneur Ernest Cabo, ont décidé de relever en s'engageant, il y a quatre ans, dans ce synode qui se clô- turait dans la joie, la ferveur difficilement maîtrisable dans les tribunes et sur la pelouse du vélodrome. C'est le défi, je le ressens ainsi, 500 ans après la première messe chrétienne célébrée sur le sol de Guadeloupe par les Espagnols, d'une nouvelle évangélisation, pensée et mise en œuvre par les fils de cette terre à partir des réalités de cette terre. Les conclusions de ce synode contiennent bien des idées neuves. L'église annonce ne plus vouloir s'occuper uniquement de l'âme de ses fidèles et de les préparer seulement à la vie après la mort. En reconnaissant que le "peuple de Dieu" fait partie du peuple guadeloupéen, tout comme l'Eglise n'est que le rassemblement des hommes et des femmes de Guadeloupe unis par la foi en la parole de Dieu, mais confrontés aux problèmes qui rongent la société guadeloupéenne, le synode engage résolument les Chrétiens à vivre leur foi dans les relations de famille et de quartier et à mettre cette foi au service d'une organisation sociale plus juste, en s'engageant dans la vie politique. Acceptant d'être dans la vie, revendi - quant d'être parti de la chair de Guadeloupe, l'Eglise ne peut évacuer de ces pratiques ce qui fait l'identité de notre peuple : c'est pourquoi à Gourde Liane, le créole, le gwoka, la musique noire ont fait une entrée en force, indiquant ainsi le chemin que veut emprunter cette Eglise. Je pense que ces choix qui relèvent d'un long cheminement dans l'Eglise consacrent une rupture avec une Eglise imposée. Est-ce la naissance d'une Eglise de Guadeloupe ? Militant communiste engagé dans la lutte pour changer la société, mais qui n'a pas oublié son passage dans l'Eglise, j'ai communié avec ces milliers de fidèles reprenant en chœur, la suite de leur Évêque la célèbre chanson de Guy Cordoval : "Di moin bon dié qui tan sa ké fini", si longtemps considérée comme subversive et que les Communistes ont été si longtemps seuls à chanter. Je me suis mis à espérer que demain, Chrétiens et Communistes dans le respect de leurs choix, se donneront la main pour lutter ensemble contre l'exploitation, les injustices, la misère et l'exclusion, pour un monde de dignité, de progrès et de responsabilité.
Christian Céleste (L'Etincelle du 2 décembre 1995