PROJET DE LOI LUREL : La montagne a accouché d'une souris

«Il y a donc depuis des années dans les outre- mer des prix anorma- lement élevés par rapport à ceux pratiqués dans l'Hexagone. Cette situation, qui pèse sur les ménages les plus modestes, sur nos compa - triotes les plus fragiles, quelques parlementaires des outre-mer -et j'en fus- l'ont dénoncée. Mais trop seuls, ils n'ont pas été écoutés». Cet extrait du discours de présentation de son projet de loi au Sénat du Ministre Victorin Lurel, le 26 septembre dernier, a pu laisser croire à sa volonté politique de s'attaquer véritablement à la pro- blématique de la vie chère, main- tenant que le député Victorin Lurel est Ministre, qu'il n'est plus seul, disposant d'une majorité tant au Sénat qu'à l'Assemblée Nationale pour voter son projet de loi. Au vu des déclarations et des prises de position antérieures du député Lurel, on était pour le moins, en doit d'attendre du Ministre Lurel les mesures qu'il réclamait au gouvernement précédent. En ef fet, lors de la discussion sur le projet de loi de la LODEOM, à la séance du 7 avril 2009 consacré à l'examen de l'article 1 A, le député Victorin Lurel faisait les déclarations suivantes : «…Je suis assez étonné par les arguments et par l'exemple utilisés pour justifier l'inertie du gouvernement». Nous sommes moins exigeants que l'article L. 410-2 du Code de commerce, qui prescrit de régle- menter. Vous remplacez ce que j'appellerai un «impératif» par un «facultatif». Nous ne comprenons pas la frilosité du gouvernement, à moins que ce refus de contrôler des marges ne procède d'une position idéologique. «….Sans contrôle des prix et sans réglementation impérative au moins pour ces centaines de produits, pour ces familles de produits, comment les décisions prises à l'Assemblée Nationale pourrontelles être respectées et exécutées ?». «Seule une réglementation, conformément aux prescriptions du Code de commerce, me semble être de nature à répondre à l'objectif du législateur». «Selon l'économie générale de ce texte, nous allons réglementer et, peut-être, contrôler -cela reste une faculté, quelque chose de «platonique». Bref, nous contrôlerons peut-être une centaine de produits et vous me demandez, comme j'en ai pris l'engagement devant la population de mon département, de faire des baisses sur des milliers de produits, qui ne feront l'objet d'aucun contrôle ? Cela signifie la poursuite de la «profitasyon» et l'explosion des marges des distributeurs. Pourriez-vous, monsieur le Secrétaire d'État, m'aider à résoudre cette contradiction ?». Dans un document du Parti Socialiste de janvier 2012 intitulé :«Outre-Mer , le vrai bilan de Nicolas Sarkozy» et préfacé par le même député Lurel, on peut lire : «L'Etat refuse, par connivence et clientélisme, de faire tomber les barrières à l'entrée et d'ouvrir vraiment les espaces ultramarins à une véri- table concurrence en faveur des consommateurs. Un seul exem - ple : la possibilité of ferte désor- mais au gouvernement par la LODEOM de réglementer certains prix utre-mer n'a toujours pas été utilisée tout simplement parce que la Ministre de l'outre-mer ne le considère pasnécessaire…». Loin, très loin de la dénonciation (pawol an bouch pa chaj «monopoles arrogants qui exploi- tent sans scrupule la population», le Ministre des outre-mer du gouvernement socialiste français nous explique sans honte bue : «Nous ne voulons pas réglementer. Nous voulons réguler. Nous ne voulons pas d'économie administrée, nous voulons davantage de concurrence. Ce projet de loi cher - che simplement à créer des instru - ments nouveaux de régulation qui n'ont vocation à n'être utilisés qu'en cas de besoin et au cas par cas, secteur par secteur, territoire par territoire». Tout est dit, voilà à quoi se résume ce projet de loi. On comprend pourquoi ce «texte ambitieux et à certains égards, révolutionnai- re», a été adopté au Sénat à l'unanimité sans opposition de la droite dont on connaît l'engage - ment révolutionnaire. Le fait est qu'aucune des dispositions contenues dans ce projet de loi ne remet en cause le sys - tème de l'exclusif colonial qui garantit les superprofits réalisés sur le dos des peuples des dernières colonies françaises. La montagne a accouché d'une souris, cela ne nous surprend pas de la part des socialistes français qui n'ont jamais fait mystère de leur adhésion et de leur soumission aux thèses du libéralisme économique, néanmoins nous voudrions poser à Victorin Lurel la question suivante : La situation sociale de la Guadeloupe, caractérisée entre autre par un taux de chômage d'au moins 30%, un nombre gran- dissant de personnes vivant avec des revenus en dessous du seuil de pauvreté ou avec des revenus de solidarité, ne constituet-elle pas une situation excep - tionnelle, justifiant ainsi la mise en œuvre de prix administrés ? Ce projet de loi de régulation économique est un leurre de plus, une loi de plus de l'arsenal juridique des différents gouvernements français chacun son tour depuis plus de 60 ans. Comme ses devancières, cette loi ne changera rien à la situation, les mesures qu'elle édicte ne sont que cautères sur des jambes de bois et ne concernent qu'un aspect de la cherté de la vie celui de certains produits manu- facturés, et n'aborde pas la question du prix de l'eau, des loyers, du foncier, des télécommunications, des services bancaires, des carburants… qui grèvent le budget déjà exsangue des familles. En tout état de cause, il faut bien comprendre que la cherté de la vie en Guadeloupe comme dans les autres colonies françaises est d'a - bord et avant tout une probléma - tique politique, elle est consubstantielle à notre relation coloniale avec la France, la fonction d'une colonie étant d'assurer un débouché aux produits de la métropole coloniale, et d'assurer à ses entreprises capitalistes la rente coloniale qui garantit leurs profits. Les causes de la cherté de la vie sont dans la nature du système économique lui-même, une économie de rente basée sur la consommation de produits importés et qui bénéficie aux entreprises qui contrôlent l'importation et la distribution au détriment de la production et du développement endogènes. Il nous faut rompre avec le modèle économique basé sur le marché ouvert, la concurrence libre et non faussée, et mettre en place une autre orientation économique fondée sur la production et la maitrise publique des secteurs stratégiques de l'économie à partir d'une planifi - cation élaborée par le pouvoir politique guadeloupéen dont la mission sera d'assurer l'intérêt général de la Guadeloupe et du peuple guadeloupéen. C'est l'objectif du combat politique que nous menons pour une large autonomie de la Guadeloupe.