Deux dirigeants communistes illustres

Le 3 décembre 1969 pour l'un et 1976 pour l'autre, deux prestigieux dirigeants de notre Parti décédaient. Deux personnalités diffé rentes,mais deux militants exemplaires attachés à la cause du progrès social et à l'émancipation des tra vailleurs.

EUVREMONT GENE : 4 JUIN 1920 - 3 DECEMBRE 1969Il naquit à Anse Bertrand le 4 juin 1920 et mourut à Caracasau V enezuela à l'âge de 49 ans, dans un crash d'avion, celui qui le ramenait du Chili où il avaitreprésenté le Parti à un congrèsdu Parti Communiste Chilien.Aîné de sa fratrie, EuvremontGène, a été, dès le plus jeuneâge, marqué par la violencecoloniale. Son jeune frèreAuguste est abattu froidementdans la répression vichyste qui a suivi les manifestations républicaines de Port-Louis en 1943.9 ans plus tard, il se trouve au Moule dans le cadre de son travail. Il est là encore témoin dugangstérisme politique qui a marqué cette ville où, à nouveau, la violence coloniale tented'imposer un fantoche au lieu et place de Rosan Girard le dépu téMaire communiste démocratiquement réélu par le peuple. Naturellement, la suite de cet épisode connu sousle vocable «la tuerie du Moulede 1952», il rejoint les rangs du Parti, et en devient rapide mentun dirigeant puis, en 1964, le Secrétaire général

.Au cours de cette brève période,qui va de sa première élection à la tête de l'organisation communiste à son décès cinq plus tard,Euvremont Gène met de l'ordreà la direction du Parti, relancel'implantation, l'organisation etle fonctionnement de celui-ci surl'ensemble du pays. Mais, deux axes forts de sa contribution en tant que Secrétaire général qui resteront dans l'his toire de notre Parti, sont enpremier lieu : la mise en relief de l'internationalisme prolétarien, la compréhension del'importance à assumer destâches extérieures, la pratiqueréelle de la solidarité interna tionale et de la coopération avec les partis frères. Dansl'hebdomadaire communiste,la rubrique «Nouvelles inter nationales» al imentée principa lement par ses articles, lesquels, apportaient des informations auxtravailleur s guadeloupéens pour leur montrer que par le monde d'autres l uttes étaient également menées. Mais, il s'était déjà distinguédans ce domaine, tout au longde la guerre d'Algérie durant laquelle il a, malgré les poursui tes judiciaires, constammentmanifesté la solidarité active descommunistes guadeloupéens avec les forces nationales, anticolonialistes de ce pays.Le deuxième axe fort concerne lapolitique de la jeunesse. A lasuite de la première scission quifrappe le Parti en 1966,Euvremont ne perd pas du temps. Il rencontre dans les différentes sections les plus jeunesmilitants et entame avec eux ladiscussion sur le devenir du Parti. Ceci débouche sur la présentation par lui d'un rapport sur lajeunesse au Comité Central duParti qui aboutit avec le soutienprincipalement de Guy Daninthe et de Pierre Tarer à la création del'UJCJ (Union de de la jeunesseCommuniste Guadeloupéenne).Grâce à cette organisation qui aformé de nombreux jeunes,notre Parti a pu résister à ladeuxième scission de 1991.PAUL LACAVE : 13 DECEMBRE 1913 - 3 DECEMBRE 1976Il est né à Capesterre Belle Eau le 13 décembre 1913 et mou rut le 3 décembre 1976 à l'âgede 64 ans.Après des études de pharmacie à Bordeaux, son diplôme obte nu, il installe son officine àCapesterre le 1er août 1939.Il révolutionne le métier depharmacien par l'ouverture de son officine à la sollicitation dela population victime à l'époque de nombreuses maladies endémiques. Il va à la rencontre desgens dans la rue pour les soignergratuitement. Paul Lacavé esttout de suite reconnu comme lemédecin des pauvres et unerelation particulière se noueentre lui et la population qui,dès cette époque lui voue unamour indéfectible.Ces contacts continus avec la souffrance, la misère des travailleurs dans les quartiers de Capesterre emmènent l'humaniste qu'il était naturellement àprendre conscience des méfaitsde l'exploitation des travailleursen œuvre à l'usine Marquisat etdans les champs de canne quiencerclent pratiquement tout lebourg de Capesterre.Dès ce moment, il a choisi soncamp, il est aux côtés des tra vailleurs à qui il prête assistance dans leur confrontation avec lessucreries coloniales et autresplanteurs de la région commefeu V aleau. Lorsqu'en avril 1944 est publié «l'Appel au Peuple» annonçantla création de la première orga nisation communiste en Guadeloupe, il est déjà prêt.A vec les ouvriers du syndicat les artisans de la fortune, ils créent la Section Communistede Capesterre où il va militer jus qu'au dernier jour de sa vie.Paul Lacavé est l'exemple typede l'intellectuel bourgeois qui aréussi à dépasser ses intérêts declasse pour épouser totalementceux de la classe ouvrière et se mettre au service de la libéra tion de la classe et de l'émancipation de tout le peuple.Il a été jusqu'au bout de cetengagement lorsqu'un certain jour du 16 mai 1950, se portant à la tête des travailleurs capesterriens affrontant les forces armées, ouvrit sa poitrine et somma les CRS tétanisés de : «Tirez sur moi, ne tirezpas sur le peuple». Cejourlà, il est rentré dans l'histoire et est devenu le père detous les Capesterriens.Lacavé a été toute sa vie uncombattant intraitable contreles injustices, la pwofitasyon, les atteintes aux droits des travailleurs et des peuples, la fraude électorale. Un élu communiste qui s'est appliqué àlier en permanence l'exercice de ses mandats d'élu aux lut tes des travailleurs et à l'organisation du Parti.Elu maire de la ville deCapesterre à 32 ans, le 3 mai1945, 3 mois après avoir été avec Rosan Girard aux côtés des travailleurs capesterriens quiavaient réalisé la première séquestration d'un patron usi nier, il a été avec les «brigadesrouges» de Capesterre partoutoù le Parti Communiste enga geait le combat. Paul Lacavé a été vraiment unélu très populaire, mais respec tant dans toutes les instances où il a siégé la ligne politique et ladiscipline du Parti.A vant tout le monde, il a associé son nom à la lutte pour la récu pération des terres classées par l'Etat «zone des 50 pas géométriques» en lançant dès sonaccession à la mairie deCapesterre, avec le syndicalisteAuguste Sainte-Luce, les actionsd'occupation de ces bandes deterre occupées par l'usine.Devenu député en 1967, il aporté ce combat à l'AssembléeNationale française. Président de la commissiondépartementale et Maire de Capesterre en août 1976, il aassumé avec un courage et une disponibilité inimagina bles les charges de cette éva cuation catastrophe, parcourant jours et nuits toutes lescommunes de la Guadeloupeoù se trouvaient lesGuadeloupéens déplacés.De retour à Capesterre, minovembre, épuisé, son grandcœur qui avait déjà tantdonné n'a pas résisté.Il est mort debout, au combat ennous laissant un héritage humainet politique inépuisable.