Pas de société civile sans opinion publique
La prétention de faire émer ger une société civile qui agirait en dehors du champ d'action des partis politiques aura tourné court. Les différentes consultations organisées à l'ini tiative du congrès des élus Départementaux et Régionauxpour débattre des problèmes desociété auxquels le pays estconfronté n'ont guère eu de suc cès populaire. Nous ne pourrons pas discuter de la qualité desdébats puisque nous n'y avonspas participé nous-mêmes. Maisles animateurs eux-mêmes, ontconfirmé l'appréciation négativede faible participation d'une denos relations qui voulait, par ellemême, voir de quoi il en était.«Les gens ne se sentent pasconcernés par cette initiative», affirmait-elle. De sorte que lespropositions relevant du bilan de cette démarche de réflexion collective pour l'élaboration d'unprojet dit de société ne sont pasréellement représentatives dupeuple guadeloupéen. Le faitmême que les gens ne se sont pasprononcés sur la question institu tionnelle ou statutaire montrebien les limites de la mission.A la réunion du congrès des élusle 27 décembre 2012, le groupede pilotage de ce projeta étéobligé de concéder que son rap port ne pouvait pas être reçu comme un projet de société.On ne peut pas se réjouir de cette répugnance à l'effort d'aller versl'autre pour confronter ses idéesconcernant le devenir de notrecommunauté. Mais, dès le début,les dés étaient pipés. Il y a unparadoxe à s'appuyer sur desstructures institutionnelles etadministratives de l'Etat (la Région et Département\ ter de promouvoir la société civile. Cette société civile, considérée comme un rassemblement hétéroclite et informe de citoyens,sans ancrage idéologique, nipositionnement politique établi,que l'on oppose à la «sociétépolitique» qui serait les élus dans leurs différentes représentations dans les institutions et aléatoirement les militants politiques dansleurs partis respectifs. Le concept de société civile est devenu le credo de certains,anciens militants en rupture deban qui jouent aux prophètes.Les partis politiques et notam ment ceux du camp patriotiqueet anti capitaliste qui se sont autoaffaiblis par le ferment de ladivision ne semblent pas à leursyeux en mesure aujourd'hui defaire le poids. C'est peut-être vraimais pas définitif. Au lieu de pro poser de travailler à les renforcer sérieusement ou même souhaiteret appeler à ce qu'ils puissentjouer réellement leur rôle, on pré fère les invalider tout simplement et on s'investit dans le champ de la société civile pour tenter de formater les citoyens qui ne font plus confiance à la classe poli tique et pour les entraîner dans son sillage afin d'exister soimême politiquement.Car enfin, la société civile existede fait, dès lors qu'elle constitueune opinion publique capable d'exprimer librement ses propositions et ses choix, en touteconnaissance de cause, sur tousles problèmes relevant de notrevivre ensemble. Et de ce point devue, en tant qu'émanation denotre peuple, elle doit, en mêmetemps que les militants politiqueset le s élus, participer à l'exerci ce du droit à l'autodétermina tion et au choix des fonda tions juridiques et des institu tions statutaires et administratives sur lesquelles doit reposer lamaison Guadeloupe. La formulation de société civile dans le débat politique n'estpas neuve. Elle fait partie de la«Lingua Quintae respublicae»que décode Eric Hazan dans sonlivre : «LQR. La propagande auQuotidien». Elle ressurgit quandle rôle des partis est minoré auprofit de la personnalisation desleaders politiques quand ceux-cigagnent un crédit populaire suffisant pour agir en électron libre ou simplement domestiquer leur parti.Elle est revenue au goût du jourdepuis que le néolibéralisme par l'intermédiaire de ses officines etde ses spécialistes de la propa gande a fait proclamer , avec la mort du communisme, la fin de l'histoire, la fin des idéologies, lafin des partis aussi… la fin de lalutte émancipatrice.Même quand des sondages, nous l'accordons, ne sont que des sondages commandés par la Région,annoncent que plus de 43% des Guadeloupéens, parmi les interrogés, se disent favorables à unchangement de statut, on conti nue dans le même registre qui affirme allègrement que le peuple guadeloupéen n'est pas prêtpour un changement politique de fond. Et on préfère se satisfaire de cette situation et fairede l'agitation souvent stérileau lieu de travailler à montrerle chemin pour qu'une large majorité de nos compatriotes accèdent à la compréhension dela nécessité de changement.On peut mobiliser avec succès les travailleurs à travers leurssyndicats pour l'augmentation de leurs salaires et l'améliora tion de leurs conditions de travail. On peut mobiliser les citoyens contre l'empoisonnement de notre peuple par lachlordécone ou autres produitstoxiques avec l'épandageaérien. On peut mobiliser unepartie de nos compatriotes surmaintes préoccupations (cesont d'ailleurs le plus souventles mêmes militants politiques)que sont le chômage, la viechère, la question du logement, la gestion des ordures ménagères, la violence et toutes sortes de pwofitasyon. Tout cela est bien, mais insuffisant, inopé rant, parce que le système poli tique de la pwofitasyon perdure. Il est grand temps de faireconverger en un seul faisceautoutes ces luttes pour desrevendications partielles, en une seule lutte pour la revendi cation essentielle, fondamentale. Car la seule lutte qui vautd'être réellement menée aujourd'hui, c'est la lutte poli tique pour la décolonisationde notre pays et l'émancipa tion de notre peuple. C'est cette lutte consciente, activeet enthousiaste des forcesanticolonialistes unies dans un large Front qui pourra définitivement mettre un term e à ce système de domination et d'oppression coloniale. C'est l'érection d'un pouvoir poli tique guadeloupéen empruntant la voie d'un développementendogène et responsable quigarantira la construction d'unefondation solide de la maisonGuadeloupe.Chaque militant, de chacune des organisations, de chacun des partis, attaché à cette cause du pro grès réel de notre peuple, doit avoir à cœur sa mission de renforcement de sa propre structurepour une meilleure consolidationde l'instrument commun. Chaque patriote, chaque anticolonialiste sans parti, chaqueGuadeloupéen conscient, a laresponsabilité de se joindre aularge mouvement émancipateur dont les FPAC constitue l'embryon et qui doit devenir l'outilindispensable à l'émancipationde notre peuple.Le pays va trop mal. Cela ne peut plus durer. Les problèmes qui blo quent la société guadeloupéenne sont d'origine politique. Leurs solutions sont dans les changements politiques de fond dont lepays a besoin.