Autriche : Elke Kahr, la rebelle rouge de Graz

Les communistes autrichiens ont obtenu presque 20% lors des élections com munales de la ville de Graz, la deuxième ville du pays. Une occasion pour Solidaire d'interviewer la dirigeante communiste locale,Elke Kahr,aussi appelée «la rebelle rouge de Graz».

Comment comprendre ce succès électoral ?
Elke Kahr.Ce qui est apprécié par les gens, c'est que nousnous posons des objectifsréalisables et ne faisons pas depromesses que nous ne pou vons pas tenir . Dans son travail au conseil communal durant ces dernières années, le Particommuniste d'Autriche (KPÖs'est concentré en particuliersur le logement et est parvenuà obtenir une influence certai ne dans ce domaine. Nous avons mis en place une ligne téléphonique d'appels d'ur gences offrant conseil et soutien aux locataires confrontésà des dif ficultés. Suite aux restrictions budgé taires, il était question de pri vatiser les logements commu naux, ce qui a pu être empêché en s'appuyant sur desenquêtes sociales et grâce à lamobilisation du KPÖ de Graz.Dès lors, le KPÖ a pu obtenirune série de victoires. Ainsi,les loyers nets n'ont pas été augmentés, une caisse d'allocation logement a été mise enplace, un fond de soutien a été créé, permettant aux locataires qui cherchent des loge ments dans le secteur privé derassembler la caution dedépart qui constitue souventun frein important à l'accès aulogement, et nous avons pu mettre sur les rails 500 nouveaux logements communaux.Ce sont des résultats concretsque la population a pu consta ter directement.Comment la ville de Graz et ses habitants vivent-ils la crise etavec quel pr ogramme répondez vous à cette situation ?
Elke Kahr. Comme pour l'en semble des pays européens, lasituation en Autriche sedégrade et Graz ne fait pasexception. La politique de l'Union européenne y est pourbeaucoup, mais aussi celle despolitiques au niveau nationalqui enclenchent constamment des plans d'austérité et augmentent de ce fait la pressionsur la population. La répartition du budget au sein d'un État fédéral se faiten défaveur des villes et des communes tout en s'accompagnant d'une augmentation des tâches à accomplir. Nous demandons donc une redistri bution du fédéral vers le com munal. En parallèle, nous demandons une redistribution des richesses des plus fortunés vers les plus démunis, avec notam ment la mise en place d'unimpôt sur la fortune. Même sila redistribution des richesses est évidemment difficile à mettre en place au niveau communal, il est possible deréaliser des investissementsqui aident les gens. Graz étant une ville à la démo graphie croissante, la nécessitéde logement social supplémen taire se fait urgente. Cela fait 15 ans que nous tra vaillons à la mise en place d'un «Pass social» qui permettrait aux personnes à bas reve nus d'accéder gratuitement aux transports publics, à laculture et aux loisirs, de manière à ce que les plus pau vres puissent également participer à la vie sociale de la ville.Cela a été enfin mis en œuvrecette année. Le KPÖ est la seule force poli tique qui s'oppose au désinvestissement dans les servicespublics et, de surcroit, à leur privatisation. Nous en dénonçons aussi les conséquences comme les suppressions d'emploi, l'augmentation du coûtdes services, etc. Nous avonspar exemple récolté plus de 30 000 signatures contre la fermeture d'hôpitaux.L'Autriche est aussi victime de nombreux scandales auniveau national pointant la corruption des partis poli tique. Est-ce que le KPÖéchappe à cette image de politiciens corrompus ? Elke Kahr. Le KPÖ, à Graz, met un point d'honneur à joindre lesparoles aux actes; et le fait qu'ilexiste des hommes politiquesdont l'honnêteté est incontesta ble et qui se positionnent du côté des démunis est très respecté, y compris par des gens qui nesont pas directement touchés par la crise, mais sont simplement mus par des valeurs huma nistes et un certain sens de la jus tice sociale. En tant que conseillère munici pale, je touche un salaire assezélevé de 5 400 euros nets, maisje n'en conserve que 1 800 euros. La différence est desti née à des personnes en difficulté financière, qui ne peuventplus payer leur loyer , qui sont gravement endettées, etc. A ce sujet, nous organisons tous les ans une «journée descomptes ouverts» avec uneconférence de presse, demanière à ce que tout le monde puisse constater comment cet argent a été utilisé.Comme voyez-vous le danger de la montée de l'extrême droite avec la crise en Europe ?
Elke Kahr. Les arguments xénophobes comme « les étrangers volent notre boulot» du FPÖ (parti d'extrêmedroite) sont malheureusement assez efficaces et prennent dans la classe ouvrière. Cela fait longtemps que la social démocratie a cessé de défendre les intérêts des travailleurs et le manque d'esprit combatif des syndicats a accentué cesentiment d'abandon. Donc, iln'est pas étonnant qu'une partie des travailleurs s'oriente vers le FPÖ sous forme devote protestataire. Mais on constate que, là où il existe une alternative de gau che comme ici à Graz, le phénomène est largement atténué. Nous estimons de notredevoir de combattre les idéesracistes du FPÖ, mais il est sansdoute encore plus important de montrer que ce parti est en réalité celui des grands groupes et des capitalistes. Ils n'ont aucune proposition concrète qui va dans le sens des travailleurs ou des bas revenus.Quand le FPÖ a été membredu gouvernement national, ily a eu plus de privatisations etune dégradation de la situation sociale encore bien pire qu'auparavant.DES RÉSULTATS REMARQUABLESLa ville de Graz compte 250 000 habitants et est la deuxième ville d'Autriche. Le KPÖ est devenu le deuxième parti politique (19,8%droite le ÖVP (33,7%le parti social-démocrate (15%te FPÖ (13,7% (12%tant plus remarquables quandon sait que la section du KPÖ de Graz fait partie de l'opposition au sein du KPÖ. Or , le KPÖ national est électorale ment plus faible \(avec des résultats entre les 0,2% et le1%) avec une ligne qu'elleconsidère être «plus réaliste».En ef fet, là où l'opposition dans le KPÖ a comme objectifle socialisme, la directionnationale du parti se limite àpoursuivre «le dépassement du capitalisme vers une société plus solidaire».