La politique est une activité noble

H ugo Chavez en tant que chef d'Etat aura marqué le 21esiècle de son empreinte. Son action qui a atteint une dimension considérable au plan géo-politique, a été unanimement appréciée. Les gouvernants de la Caraïbe en effet, d'Amérique latine, d'Amérique centrale, d'Europe, du Moyen-Orient, ont salué à juste titre, avec éclat, son passa- ge aux affaires pendant quator- ze ans à la tête du Venezuela. Pourtant c'est un lieu commun que de diaboliser la politique. L'exemple de cet homme d'Etat hors pair prouve amplement, contrairement à l'opinion communément répandue, que la politique n'est pas une option absolument ignoble, pour celui qui y adhère, moyennant abnégation, et désintéressement. L'orientation socialiste qu'il a conférée à sa politique démontre que le socialisme révolution - naire n'en déplaise à ses pourfendeurs, est bien vivant, qu'il constitue une thérapie pour les classes exploitées, ce n'est pas un anachronisme, et que le type d'humanisme incarné par ses devanciers au vingtième siècle qui sont d'ailleurs passées à la postérité, Ex : Ernesto Guevara, Patrice Lumumba, Thomas Sankara, leur conception révolutionnai- re de la société, est effectivement possible au troisième millénaire, aussi surprenant que cela paraisse. Ainsi donc les dirigeants contemporains, n'eût été leurs visées réactionnaires, pourraient sous réserve d'in - tégrité morale, dessiner à l'avantage de leur peuple, les contours d'un monde plus juste, exempt de pwofitasyon, avec une attention particuliè - re pour les déshérités. Cela aura été l'un des traits carac - téristiques du siècle écoulé, et peut l'être également pour le présent comme «lecomandan- te» nous en apporte la preuve.

Il est vrai que la perspective d'un monde débarrassé de l'oppres - sion apparaît impopulaire aux yeux des capitalistes de tous les pays. Ils ne pensent qu'à accroît - re leur marge de profit au détriment des plus humbles, aidés en cela par la mondialisation, der- nière formule de l'ultralibéralisme, dont l'illustration la plus évi - dente est la délocalisation, sans se soucier le moins du monde des conséquences graves qu'entraîne cette recherche ef frénée, anarchique du profit : déstructuration du corps social, chômage, division des foyers, suicides, accroissement du paupérisme qui affecte l'humanité actuelle. Le développement de «l'homme total» comme dirait Fanon, étant entravé dans un monde où le mobile essentiel de l'ac - tion politique n'est point l'é - panouissement de l'homme, en dépit de la formation morale des gouvernants. Ainsi, lorsqu'un dirigeant du Tiers-Monde s'engage aux côtés des masses laborieuses en vue de réduire les inégalités sociales, les magnats de la finance, les adep- tes de l'ethnocentrisme euro- péen, au nom de la morale occidentale considèrent cette straté - gie comme attentatoire aux droits de l'homme dont le respect selon eux consiste dans le pillage des richesses des pays sous-développés, et leur mépris vis à vis des classes défavori- sées vouées au dénuement et à la déshumanisation. Et ici nous rejoignons Engels lorsqu'il prétend que «ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur être social, mais c'est leur être social qui détermine leur conscience». Au fait les idéologues bourgeois consécutivement à l'effondrement du mur de Berlin avaient triomphalement conclu à «la fin de l'histoire». Il se trouve que curieusement la condition humaine n'a guère changé depuis en Europe de l'Est, nonobstant la disparition de l'U.R.S.S, pas plus qu'aux Etats- Unis bastion du capitalisme, où la promotion sociale de l'homme nord-américain est toujours remise en cause, le nombre de chômeurs y atteignant un niveau non négligeable.

Une autre question non moins brûlante d'actualité agite socio- logues, politologues, anthropologue, religieux, c'est la faim dans le monde. Des millions d'ê- tres humains meurent quotidiennement de faim.

À cet égard Chavez fidèle aux idéaux de fraternité, de solidarité, en employant le socialisme révolutionnaire comme méthode de gouvernement, s'est inscrit par le fait même dans le giron de son prédécesseur Simon Bolivar.

Ici en Guadeloupe aucun élé- ment de comparaison n'est possible entre nous et les politiciens d'Amérique Centrale et d'Amérique latine qui ont fait l'expérience de la souveraineté depuis des décennies. C'est le poids de la tutelle qui nous rend indécis, nous empêche d'aller de l'avant. L'éventualité d'une quelconque évolution institu - tionnelle a fortiori statutaire nous met dans l'embarras. Il n'est que de se référer au congrès du 15 mars dernier pour s'en convaincre; alors que le département du Haut-Rhin qui est d'une composante ethno- historique différente revendique une collectivité unique. Comprenne qui pourra : quator - ze congrès en l'espace de dix ans pour n'aboutir à rien de positif. Pourtant nous ne sommes ni plus bêtes, ni plus incapables que les autres. Cet état d'esprit qui prévaut chez nous n'est pas étranger à l'emprise de la domination coloniale révélatrice de complexes, d'inhibition, chez l'homme guadeloupéen.

À l'évidence on s'aperçoit qu'un peu d'audace et de courage politique pourrait nous permettre de renverser la vapeur . Ainsi en est-il des partisans du statu quo farouchement opposés à toute aspiration au changement. Cependant nos aînés qui sont entrés dans la postérité et qui n'ont pas démérité, constituent une sérieuse référence pour nos élus. Ex : Girard, Archimède, Lacavé, Hégésippe, Ibéné, Herman, Songeons, Amédée Adélaïde. Sans doute n'étaientils pas obnubilés par le confort matériel qui fausse l'idéal, para- lyse toute initiative. D'ailleurs l'affiliation pour la majorité des politiques actuels aux organisa - tions politiques françaises (UMP, PS, PR etc...) est la preuve éclatante de leur incapacité à penser et agir en Guadeloupéen, et par suite, à s'affranchir de la peur qui les habite, cette peur de ne plus s'en remettre aux autres -si ils y étaient contraints- du soin de décider pour eux, et qui nous empêche d'être nous mêmes. Les responsables politiques accu- sent un déphasage avec le pré- sent. Ils ne tiennent pas compte de l'accélération de l'histoire; parce que s'alignant désespérément sur des schémas qui ne cadrent pas avec nos réalités. Dans cette perspective nous ne pouvons nous défendre de penser aux pays environnants de la Caraïbe, Trinidad excepté, qui ont fait l'apprentissage de la responsabilité, et figurent en bonne place dans le concert desnations.

En somme la politique quoi qu'on pense est une activité noble; qu'autant qu'on puisse faire preuve de sincérité, de loyauté, toutes voies propres à se transcender, en faisant prévaloir l'intérêt général, sans préoc - cupation de carrière, ni enrichis - sement personnel.

Puissent les responsables poli- tiques se remettre en question, et se pénétrer enfin de l'idée que l'accession par exemple à un poste ministériel ou à la prési- dence d'une collectivité majeure, quelque prestigieux que cela puisse être, n'enlève rien à notre statut de colonisé. Ceci devrait guider nos conduites. C'est de la poudre aux yeux. Retenons en un mot que les artifices de toutes sortes qui agré - mentent nos vies en pays colonisé, ne suppriment pas pour autant la relation coloniale; car de quelque moralité que soit lecolonisateur , le colonisé demeu- re malgré tout dans l'imaginaire de celui-ci un sous-homme, à quelque classe sociale qu'il appartienne. Il en ira ainsi tant que le colonialisme qui pérennise les rapports de domination, d'inégalité entre les deux protagonistes n'aura pas disparu.