Les politiciens veulent nous «enfumer» sans moral

L' affaire Cahuzac qui n'est qu'une de ses af faires de la République arrivées sur la scène publique, il y a celles qui n'arrivent jamais, n'a d'ex - ceptionnelle que le comportement de parjure de son auteur. Les relations incestueuses entre la politique, l'argent et le pouvoir sont dans les gènes du capitalisme par nature associale et dans une démocratie défigurée. Il n'y a donc rien d'étonnant à voir éclater périodiquement des scan - dales politiques, financiers, sexuels et autres, au plus haut niveau de l'appareil de direction, dans des pays où règnent sans contrepartie, ces normes de gouvernances. C'est pourquoi, nous trouvons suspects toutes ces indignations, ces hauts le cœur et ces anathèmes exprimés par les dirigeants politiques qui feignent de découvrir qu'ils sont les acteurs d'un système qui se nourrit de racket, de détournement, de fraude, de fonds secrets, de gains illicites. Un système de libertinage entre les institutions de l'Etat, les grandes administrations, les banques et les entreprises privées. Un système que l'alternance gauche- droite, qui est loin de symboliser la démocratie, ne change pas. Le gouver - nement Sarkozy est sorti avec son lot de scandales et Hollande commence avec le sien, comme tous les autres gouvernements qui les ont précédé ont compté les leurs. Le Président François Hollande qui s'est proclamé, un «Président normal» et qui a promis une République irrépro- chable pour échapper aux dégâts collatéraux que pourrait entraîner la «chute» de son ministre du Budget entraîne son gouverne- ment dans un grand exercice de nettoyage ou de transparence. Alors, les annonces gouvernementales d'une loi de moralisation de la vie publique, la publication par les minist - res sommés par le Président de publier leur patrimoine, s'apparentent fort à une démarche d'instrumentalisation de l'opinion pour sauver les meubles. Car, en dehors de l'aspect communication, on ne voit pas trop l'intérêt pour les citoyens écœurés par les mensonges et le mépris de Cahuzac de recevoir comme un hochet la déclaration des patrimoines des élus. D'autant plus qu'ils n'ont aucun moyen de contrôles ur la réalité des choses déclarées, et surtout, ce qui paraît le plus important, sur la «traçabilité», la provenance des patrimoines affichés, leur évolution avec la carrière politique de ses ministres. En réalité, les politiciens veulent nous «enfumer» sans moral. Ils refusent d'aborder de front, le vrai problème de la morale en poli - tique qui est impensable sans le respect de l'acteur principal qui confère aux politiques et surtout aux élus leur légitimité : le peuple. C'est la question de la démocratie qui est posée là. Comme on le voit, ces questions sont absentes des propositions qui sont avancées par le gouvernement pour la moralisation de la vie publique. Il faut bien sûr traquer les sources de conflits d'intérêts, lutter contre les paradis fiscaux, mais, il doit être reconnu le droit du citoyen qui donne mandat à l'élu de le représenter, d'agir en son nom, de le contrôler et de le sanctionner en cours d'exécution de ce mandat. En clair , le droit de le révoquer sans attendre une prochaine élection toujours polluée par l'argent et les pressions sociales. De cela, il n'y a aucune trace dans les propositions du gouvernement, jamais vous n'entendrez évoquer cette propo- sition dans les débats de «chiffonniers» sur la moralisation politique au parle- ment français. Droite et gauche, ils sont tous d'accord pour s'affranchir du contrôle populaire, pour utiliser en fonction de leurs intérêts politiciens les suffrages des électeurs. Une analyse comparative des propo- sitions faites par le Parti Communiste Guadeloupéen en 1992 et celles fai- tes par le Premier ministre Marc Ayrault montre le fossé qui sépare le capital et le travail.

Les dix pr opositions du gouver nement

1) Création d'une Haute autorité admi - nistrative, indépendante pour la transparence. 2) Les principaux responsables poli- tiques et administratifs devront trans- mettre à ce comité une déclaration du patrimoine et une déclaration d'inté- rêts, ainsi qu'une déclaration sur l'hon- neur de l'exhaustivité et de la véracité des informations transmises. 3) Les déclarations de patrimoine et d'intérêts des membres du gouverne- ment, des parlementaires nationaux et des principaux responsables exécutifs locaux seront rendues publiques. 4) Le gouvernement proposera au parlement d'interdire le cumul de mandat de parlementaire avec l'exercice de toute activité professionnelle, sauf exceptions mentionnées dans la loi. 5) Le gouvernement proposera égale- ment aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat que le parlement interdise le cumul des fonctions de col - laborateur parlementaire avec toute activité professionnelle rémunérée de lobbying ou de conseil. 6) Suppression du droit à l'indemnité des anciens ministres. 7) Renforcement de moyens de lut- tes contre la grande délinquance économique et financière et les paradis fiscaux. 8) Un parquet spécialisé ayant une compétence nationale sur les af faires de grande corruption et de grande fraude fiscale sera créé. 9) Un of fice central de lutte contre la fraude et la corruption sera institué au sein de la Direction centrale. 10) La liste des paradis fiscaux fixée par le gouvernement sera revue chaque année.

ETHIQUE ET POLITIQUE

LES 10 PROPOSITIONS DU PARTI COMMUNISTE GUADELOUPEEN

1) Organiser la participation du citoyen à la vie publique en lui donnant la possibilité juridique de révoquer un élu en cours demandat.

2) Etablir réellement la sépara- tion du pouvoir politique et du pouvoir judiciaire, pour faciliter le règlement des scandales politico-financiers.

3) Mettre à la tête des collectivi- tés locales un véritable exécutif collégial pour lutter contre le pouvoir personnel.

4) Elargir et appliquer partout le principe du non-cumul des man- dats pour éviter l'irresponsabili- té, les magouilles et autres gabegies.

5) Limiter dans le temps l'exerci - ce de tout mandat électif exercé par un citoyen, pour empêcher le népotisme et les conséquen - ces de l'usure du pouvoir.

6) Instaurer une plus grande transparence dans la situation de richesse de tous les élus, en exigeant la déclaration publique de leur patrimoine au début et à la fin de leur mandat, pour empêcher les combines, les rac - kets et les pots-de-vin.

7) Modifier la loi sur le finance- ment des partis politiques pour soustraire les partis de la domi - nation des élus et éviter l'éclo- sion de multiples groupes poli- tiques bidons par les parlementaires attirés par l'appât du gain.

8) Simplifier la procédure judi - ciaire pour permettre à tout citoyen d'ester en justice quand il estime les intérêts de la collec - tivité lésés par une décision quelconque des élus.

9) Mettre en place un véritable statut de l'élu qui lui donne des garanties sur le plan profession - nel, social et de sa formation, pour limiter les compromissions et le carriérisme coupable.

10) Soumettre à la justice tous les cas connus de scandales politico-financiers.

Pointe-à-Pitre, 19 janvier 1992