Il faut endiguer la violence

La violence qui alimente chaque jour la une des médias et qui fait réagir aujourd'hui des élus guadeloupéens,n'est pas un phénomène nouveau,elle s'est inscrite durablement dans le fonctionnement de notre société depuis près d'une trentaine d'années.

C ette violence qui menace l'intégrité physique, la vie des gens, est insupporta- ble, inexcusable et inacceptable et doit être combattue parce qu'elle traumatise, elle blesse, elle mutile, elle tue. C'est un drame pour nos familles, c'est un drame pour notre pays, c'est un drame pour la Guadeloupe que de voir ses enfants s'entretuer. Cette violence qui se déroule en Guadeloupe n'est pas le fruit d'une malédiction ou le produit d'une mutation génétique des Guadeloupéens, elle est la consé - quence, le résultat d'un modèle social, d'un système politique, économique et social né et nour - ri par la violence. Il faut mettre un terme à l'ir - responsabilité et à la démagogie de ceux des élus qui, pour apaiser les angoisses de la population, réclament à l'Etat l'augmenta- tion de ses effectifs et de ses moyens de police au lieu de mettre en place et d'exiger des moyens, pour notre développement économique, pour la for - mation de nos jeunes, pour la prévention et l'insertion sociale. Il faut cesser de tromper la popu - lation, lui dire la vérité. La violen- ce ne va pas s'estomper tant que nous continuerons à évoluer dans cette société d'exploitation, d'injustices et d'inégalités, qui produit la misère, l'exclusion, les frustrations qui sont les berceaux dans lesquels naît cette violence. Ce n'est là ni l'expression d'un fatalisme ou d'un renoncement ni une justification ou une banalisation de la violence, mais une exhortation à appréhender cor- rectement les causes qui la génèrent pour mieux la combattre. La violence est inhérente au système capitaliste, fondé sur l'exploitation de l'homme, l'exploitation des plus faibles économiquement par les plus forts, un système qui a pour seule finalité : le profit à tout et à n'importe quel prix. Dans ce système, l'homme n'est rien d'autre qu'un outil, un objet destiné à produire des richesses pour les capitalistes et dont ils se débarrassent après usage. La violence est inhérente à cette société qui met les hommes en concurrence, en com - pétition, une société dans laquelle l'homme n'a de valeur qu'en proportion de son compte en banque, des biens qu'il possède, de sa capacité à consommer. La violence fait son lit dans notre pays de Guadeloupe. Un pays, dans lequel le système économique prive plus de 30% de la population active de la possibilité de vivre par le travail dont des milliers de jeu - nes de 16 à 30 ans. Un pays où 20% de la population vit dans la pauvreté et qui n'offre d'autre alternative et perspective à sa jeunesse que l'exil ou la précarité. Un pays, dans lequel le système scolaire en place produit 25% d'illettrés, des milliers d'élèves sans diplôme, sans formation. Un pays, où la majorité de ceux qui sont diplômés sont contraints à l'exil où à des emplois en dessous de leur niveau de compétences. Un pays où l'emploi précaire, la violation des droits élémentaires des travailleurs, le paiement de leurs salaires, leur non déclara - tion à la sécurité sociale, le non versement des cotisations socia- les, sont le lot quotidien de dizai- nes de milliers de travailleurs qui subissent en permanence l'o - dieux chantage du licenciement. Un pays dans lequel une certaine catégorie d'entreprises en réseau, s'empif fre des subven - tions publiques, des exonérations de charges fiscales et sociales tan - dis qu'une majorité d'artisans de travailleurs indépendants, de petits entrepreneurs sont asphyxiés par un système fiscal social et bancaire inadapté à leurs réalités économiques. Dans cette Guadeloupe qui prive le Guadeloupéen de son droit au travail, la délinquance est deve - nue «une activité économique» qui assure des revenus substan - tiels à ses acteurs, une activité qui participe donc au fonctionnement du système économique global, qui blanchit et recycle l'argent de la drogue, du vol et des trafics en tous genres. Il faut cesser de tromper la population, lui dire la vérité. La violence continuera à sévir en Guadeloupe tout autant que, nous Guadeloupéens, continue - rons à accepter la violence du système politique, économique, social et sociétal qui exclut des dizaines de milliers de Guadeloupéens de l'emploi, de l'activité économique et nous contraint à survivre d'assistanat, de mendicité et de toute sorted'expédients. Soyons clairs, tout comme on n'enraye pas la fièvre en cassant le thermomètre, il est vain de prétendre endiguer la violence sans une rupture avec le système colonial et capitaliste qui violente notre pays et le modèle de société qui en est la cause.