A propos de la laïcité
C ' est la Révolution française qui fait apparaître en France, dans sa netteté entière, l'idée de l'Etat laïque, de l'Etat neutre par rap - port à tous les cultes, indépendant de tout clergé, dégagé de toutes les conceptions théologiques.
L'égalité de tous les Français devant la loi, la liberté de tous les cultes, la constitution de l'état civil et du mariage civil, l'exercice de tous les droits civils assurés en dehors de toutes conditions religieuses.
Si la laïcité est vécue en France comme un évènement fondateur de la bipolarité gauche droite, en Guadeloupe ces débats n'ont pas lieu, l'histoire de la Guadeloupe étant différente de celle de la France.
En Guadeloupe, c'est d'abord l'affronte- ment entre les blancs restés légitimistes, royalistes, conservateurs, proches du parti de l'usine, adhérents aux valeurs morales chrétiennes et les noirs et mulâtres pour leur émancipation.
C'est dans l'avènement d'une société post esclavagiste, dans les transformations sociales des antagonismes sociaux, des antagonismes de «races» et de classes que naîtra la discorde entre l'église et l'Etat sur la question scolaire.
On ne peut comparer les motivations por- tées par les noirs et les mulâtres pour plus de reconnaissance sociale et politique avec celles des républicains français qui pensent l'école laïque comme la défense de la République.
Les plus ardents défenseurs de la République et de la laïcité sont aussi les artisans des nouvelles doctrines coloniales. Jules Ferry déclarait, dans son discours du 25 juillet 1885, à la Chambre des députés : «La politique coloniale fille de la politique industrielle».
La laïcité française s'applique en Guadeloupe par un long chemin semé de compromis. C'est en 1900 que les Chrétiens en Guadeloupe sont contraints d'abandonner leurs dernières écoles primaires. C'est en 1960 que commence en Guadeloupe la diminution du prestige de l'église.
La laïcité en Guadeloupe, c'est aussi une volonté d'assimilation qui laisse penser que laquestion se poserait de manière identique en France et en Guadeloupe, que la laïcité serait encore un cadeau de l'Etat, le bienfait de la République coloniale «une et indivisible».
Aujourd'hui, le pouvoir français, en mal de solutions politiques, face à la crise économique et sociétale de la société capitaliste et coloniale, brandit le drapeau républicain laïque.
En effet, la laïcité française est un système équilibré où l'Etat est à l'abri des chevauchements de la religion comme la religion évite de rogner l'espace public.
Les patrimoines, les bâtiments de culte construits avant la loi de 1905, continuent à être entretenus par l'Etat, les départements, les communes. Les établissements privés sous contrat sont financés par les collectivités publiques.
La campagne entamée par le gouver- nement de la France sur la laïcité foule au pied toute émancipation de la Guadeloupe ; Comme hier, les cou- leurs sont affichées martelant la République une et indivisible qui marque les traces indélébiles de la pensée coloniale et la volonté exacer- bée des socialistes d'assimiler.