Solitude au Panthéon : Pour ou contre ?

C'est le Président du centre des monuments nationaux,Philippe Beleval qui a lancé une consultation sur le site internet du centre,investi par le Président Français François Hollande d'une mission dont le but est de répondre à la question sur le rôle du Panthéon dans la promotion des principes de la République.

La question qui est posée aux Français c'est : «Qui mériterait d'être honoré au Panthéon et quelle devrait être sa principa - le qualité ?». Les réponses doi - vent parvenir, au plus tard, le 22 septembre 2013.

Un collectif de féministes (Osez le féminisme, les Féministes en Mouvement», la Coordination pour le lobby européen des femmes et la barbe) qui avait déjà manifes - té, au mois d'août, pour l'in - troduction d'autres femmes au Panthéon, a pris l'affaire à bras le corps.

Par ailleurs, le collectif a établi sa liste de cinq femmes esti- mées méritant d'être transférées dans le monument pari - sien. Il s'agit de Olympe Gouges, pionnière du féminis - me (1748-1793) ; en deuxième position la mulâtresse Solitude, figure de la résistance des esclaves noirs en Guadeloupe (1772-1802) ; la révolutionnaire Louise Michel (1830-1905) ; l'ethnologue et résistante Germaine Tillion (1907-2008) et enfin la philo - sophe féministe Simone de Beauvoir (1908-1986)

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On a l'impression, vu de Guadeloupe, que c'est une affai- re franco-française car, malgré le nombre considérable d'associa- tions culturelles dans le pays, malgré le nombre d'historiens ou de professeurs d'histoire, on a le sentiment que le sujet est passé à l'as.

Tout de même, notre journal a voulu faire sa part en matière d'information et a interrogé MM. Michel Bangou, homme politique et de culture et M. Luc Reinette, Président du CIPN ( Comité International des Peuples Noirs) pour avoir leurs impressions.

Nouvelles-Etincelles : Comment accueillez-vous la proposition défendue par le Collectif de féministes françai - ses qui vise à faire entrer la mulâtr esse Solitude au Panthéon, en France ? Michel Bangou :

La question centrale me semble t-il, c'est d'abord de savoir ce que le Pan-théon représente et à quoi sert-il ?

Il me semble que le Pan-théon est le lieu pour honorer la mémoire des personnages qui ont fait quelque chose de remarquable pour le pays ou du moins, que les citoyens estiment remarquables leurs actions dans des domaines telles que les sciences, les lettres, ou l'histoire.

Il faut éclaircir l'existence ou non de la mulâtresse Solitude parce qu'il y a une polémique qui considère qu'elle ne serait qu'un symbole des femmes en lutte pour la liberté, aux côtés d'Ignace, de Delgrès, de Massoteau et les autres, pour ne pas accepter l'esclavage et résister contre l'injustice que le système colonial, européen et français a imposé à une par- tie de la population guadeloupéenne d'origine africaine.

Pour que nous puissions nous pencher sur la question, je me montre très modeste. Je pense qu'il faudrait que nous demandions à Solitude, en prenant en compte l'hypothèse qu'elle eût existé, son avis sur la question.

Serait-elle d'accord, après qu'el - le eût été massacrée, après que tous ses compagnons eurent été décimés et qu'on vienne la déposer dans le musée de ses assassins, aux côtés de ceux qui l'ont torturée.

C'est là que je renverrai la question. Pour ma part, je pense que c'est lui faire endu- rer une

mort encore plus cruelle. Ce serait une façon de lui faire fermer la bouche pour l'éternité.

Nouvelles-Etincelles : Comment accueillez-vous la proposition défendue par le Collectif de féministes fran- çaises qui vise à faire entrer lamulâtr esse Solitude au Panthéon, en France ? Luc Reinette :

T out d'abord, je dirais que la question n'appel - le pas de réponse spontanée. En effet, cette réponse sera essentiellement fonction de la présentation même qui sera faite de Solitude. Si elle est présentée comme une victime de la barbarie française du temps de Napoléon, et que cette «consécration» voulue par une association de femmes françaises s'apparente à un acte de repentance de la France, alors je dirai pourquoi pas ? Voilà des Français qui le 29 novembre 1802 ont pendu Solitude quelque temps après son accouchement, en l'accablant d'injures et en la traitant de criminelle, qui reconnaissent que les criminels c'étaient eux-mêmes et ceux qu'ils ont immolés étaient des justes, fondés à se révolter contre le rétablissement de l'esclavage. Pourquoi dirai-je aux Français : «Ce n'est pas la peine», car , nous ici, nous honorons déjà Solitude comme une héroïne ? Non, ils doivent réparer sur divers plans, à commencer sur le plan de la mémoire et de la vérité historique. Si par contre Solitude devait présentée comme le symbole d'une «Française» qui a résisté à la tyrannie d'un pouvoir français pour faire triompher un quelconque idéal français de liberté, alors là, je serais absolument contre la présence de Solitude au Panthéon, puisqu'il s'agirait la d'une vul - gaire opération de récupéra- tion politique. Dans le même ordre d'idée, la visite conjointe, le 4 septembre 2013, du président français François Hollande et du président allemand Joachim Gauck, dans le village d'Oradour sur Glane, dont la population avait été massacrée par les nazis, a suscité certaines polémiques. Faillait-il accepter que les Allemands viennent sur les lieux du crime commis par leurs parents ? Une majorité de Français a compris que cette démarche constituait une reconnaissance pour les victimes, et surtout un acte de repentance de la part des Allemands. Alors pourquoi Solitude ne ferait pas un pied de nez aux Français, et ne profiterait pas de sa présence au Panthéon (sous les conditions énoncées..) pour narguer , certains hommes «illustres» figurant au Panthéon et qui considé- raient alors que la Mulâtresse Solitude n'était qu'une fille d'esclave, juste bonne à être vendue comme une vulgaire marchandise ?