La guerre civile en Syrie : Un ressortissant se prononce

La rédaction de Nouvelles Etincelles a rencontré un ressortissant syrien vivant en Guadeloupe qui a bien voulu lui accorder cette interview que nous publions.

Nouvelles-Etincelles : Vous êtes, cher ami, ressortissant syrien et vous suivez avec beaucoup d'in- térêts la guerre civile qui se déroule en Syrie. Mais en plus de l'horreur et des meurtrissu- res que tout cela génère en vous, comment vivez- vous cette situation ? Ressortissant .Syrien :

Nous la vivons très mal et cela pour plu- sieurs raisons. Tout d'abord l'éloignement par rapport à nos familles avec lesquelles nous gardons le contact grâce aux moyens de communication, donc la peur de recevoir un coup de fil nous annonçant une mauvaise nouvelle. Mais également, une certaine honte de cette situation que nous avons du mal à comprendre.

N.E : Quelles sont, d'après vous, les véritables raisons qui ont provoqué ce désastre ? A qui selon vous revient la responsabilité de tout cela ? R.S :

Cela est très difficile à expli- quer car, il faut très bien connaî- tre la situation géopolitique du Moyen-Orient dans son ensemble. On pourrait penser que le fameux «printemps arabe» des pays du Maghreb ainsi qu'en Egypte s'est propagé jusqu'en Syrie. Ma is la situation d'aujourd'hui montre bien que les Syriens ne maîtrisent rien. Selon moi, tous ces morts, toutes ces excitations ne sont pas le fait uniquement de Syriens contre Syriens.

N.E : Vous n'avez pas craint un moment que l'accusation par les dirigeants occidentaux améri- cains et français contre le pouvoir en place pouvait se vérifier et ne soit pas seulement une manipulation de l'opinion publique ? R.S :

La position des puissances occidentales à l'encontre de Bachar El Assad ne m’étonne pas (rappelez-vous l'Irak et laL ybie). T outes ces manipulations pour justifier une invasion et une guerre régionale. Où en sommes- nous aujourd'hui ? Nous avons encore en mémoire la guerre de 1967 et ses conséquences politiques dans la zone. Seule la Syrie, soutenue par ses alliés (la Russie, l'Iran), affiche son opposition à l'égard d'Israël. Ce qui a pour ef fet, probable - ment de gêner toutes les tenta - tives d'un soit-disant règlement du conflit israélo-palestinien. Comment comprendre le massacre perpétré dans un village «Maloulah» berceau du christianisme où l'araméen (langue du Christ) est celle des habitants de ce village ? Guerre civile ou guerre de religion ?

N.E : La menace d'une inter- vention belliqueuse «même des frappes limitées» des puissances occidentales pouvant dégénér er en conflit régionale ne vous a-t-elle pas quand même ef frayée ? R.S :

Evidemment, mais cette zone demeure une poudrière et cela depuis plus de quarante ans.T rop d'intérêts économiques et stratégiques sont en jeu et, à mon sens, intervenir militaire- ment en Syrie aujourd'hui serait plus dangereux qu'on ne le croit. Il n'y a qu'à regarder une carte et on peut comprendre très vite qu'un conflit dans la péninsule d'Arabie où la Syrie au nord - e Yémen au sud- L'Iran à l'est- La Jordanie à l'ouest, conduirait à une véritable catastrophe.

N.E : Maintenant que cette menace semble à peu près écar - tée, quel aboutissement pour cette guerre civile et quelles perspectives pour le pays ? R.S :

Je crois que les Syriens doi- vent se retrouver. Cette guerre dite civile est loin d'être une confrontation entre Syriens. Les rebelles sont-ils des Syriens dans leur intégralité ? En Syrie près de 17 confessions religieuses se côtoient depuis des décennies, sans aucun dérapage et aujourd'hui on voit sur les écrans des exé - cutions frisant la barbarie. J'ai du mal à croire que les Syriens puis - sent décapiter ou tuer d'autres Syriens de cette manière. Il y a sûrement d'autres intérêts qui se précisent dans cette guer - re dite civile. Loin de ce qu'on veut nous faire croire, (je reviens du Liban où j'ai récupéré ma femme et mes enfants qui se trouvaient en Syrie en vacances) la majorité des Syriens ne souhaite pas le départ de Bachar El Assad. Le calme doit revenir en Syrie et la paix entre les différentes communautés doit s'installer afin que notre pays continue à se développer. La Syrie, avec une façade importante sur la mer Méditerranée a son avenir devant elle. Il semblerait que la Méditerranée devienne un enjeu mondial s'agissant, entre autres, des réserves immenses de gaz et de pétrole qui sont détectées. Cela pourrait être une raison de cette volonté des grandes puissances à vouloir déstabili - ser ce pays.