Kréyol an mouvman

Le Conseil Général a procédé, le lundi 03 octobre,au lancement du mois du créole,à la résidence départementale du Gosier.C'est le Conseiller Général Jacques Kancel,en charge de la Commission Culture et Patrimoine,qui a présenté le programme des différentes manifestations. Nous avons profité pour lui poser quelques questions sur cette forte initiative.

Nouvelles-Etincelles : Pourquoi fêtez-vous le mois du créole ? Jacques Kancel :

Il y a trente années qu'est célébrée la journée internationale du créole. Dans tous les pays où est parlé le créole, il y a des manifesta- tions de tout genre pour valoriser le créole. Depuis cinq ans, nous avons estimé qu'une journée pour la mise en valeur du créole n'é - tait pas suf fisante. C'est une honte car , nous sommes dans un pays ou la majorité de la population s'exprime, au quotidien, en créole. Alors, nous avons étalé cette fête sur le mois. Cela fait donc cinq bonnes années que nous célébrons «kréyol an mouvman». Durant le mois d'octobre, nous essayons de défendre et de valoriser le créole. Ne nous m'éprenons pas ! Quand je parle de créole, il faut comprendre, le créole écrit, parlé, mais aussi nos mœurs, nos habitudes, c'est-à-dire tout ce qui constitue la culture du peuple. Nous organisons des rencontres, des bik, nous allons dans des écoles, nous apprenons à écrire et parler le créole. Nous organisons des «ripaj kréyol» c'est-à-dire des dictées créoles. Aussi, nous avons un concept : «Pran ti ban-là sizé», pour accompagner et développer les contes créoles. Cette année, ce qui est fort quand même, c'est que nous sommes entourés de beaucoup de colla- borateurs. Beaucoup de personnes sont entrées dans le «larèl», c'est-à-dire dans la dynamique, telles les communes des Abymes, de Baie-Mahault, de Sainte-Rose, de Bouillante, avec la contribution du CO.RE.CA, (Contact et Recherche Caraïbe). Nous sommes très satisfaits de la manière que cela se présente car, le concept est bien lancé. Plusieurs associations et communes ont répondu. Notons que le groupe culturel Mas Ka Klé aux Abymes, a pris une bonne initiati- ve, «ça pran balan !». Nous espérons et appelons de nos vœux que, d'ici l'année pro- chaine, d'autres communes rentreront dans la «ronde». Nous travaillons de manière à défendre et préserver «manman a vant gwadloup» c'est-à-dire notre cul- ture. Si un peuple abandonne sa langue, ses coutumes et ses habitudes, il deviendra un «zombi», c'est-à-dire un peu- ple sans identité. Il deviendra ce qu'il n'est pas et disparaîtra.

N-E : En dehors de l'aspect festif du mois du créole, quelle analyse faites-vous de la place du créole dans la conscience du peuple guadeloupéen ? J.K :

C'est une bonne question mais qui s'avère délicate. Nous devons faire attention car, il est vrai que nous avons fait un bond en avant parce qu'on ne s'exprimait pas en créole à l'école, ni à l'église, ni au salon, ni dans les grandes réunions. Aujourd'hui, le créole est partout. Je ne suis pas contre c'est une bonne chose. Cependant, le créole ne doit pas devenir un gadget, une sorte de «glouglou en limousine». Cela veut dire que nous employons le créole pour que cela fasse beau. Il faut que le peuple guadeloupéen prenne conscience que c'est sa langue. Nous ne devons avoir aucune honte de parler créole. Nous ne devons pas avoir honte de manger ce qui est à nous, nous ne devons pas avoir de gêne de nous habiller comme nous avions l'habitude. Nous ne devons pas avoir honte de parler, marcher, habiller avec ce qui est à nous. Je crois qu'il y a beaucoup de travail de fait mais il en reste encore beaucoup à faire. C'est un travail qui est culturel, politique. C'est un travail de prise de conscience. Tant que nous ne comprendrons pas que nous sommes guadeloupéens, que nous appartenons à un peuple, à un territoire, que nous avons une langue, une cul- ture qui est différente de celle des autres, nous aurons à pour- suivre nos efforts. Quand je dis cela, je ne parle pas d'indépen- dance ou autre, je parle de l'iden - tité guadeloupéenne. Quand nous saurons cela, nous saurons comment faire pour avancer poli - tiquement et culturellement. Mais le «fondal», la base, le «potomitan», c'est que les Guadeloupéens doivent prendre conscience qu'ils appartiennent à un peuple, à un pays, à une com - munauté, c'est, me semble t-il, ce qui est important.

N-E : En tant qu'enseignant, êtes- vous d'accord avec ceux qui disent que l'usage du créole en maternelle peut être bénéfique aux enfants ? J.K : Oui, mais tout le monde le sait !

T ous les grands grecs en pédago - gie reconnaissent qu'il faut que l'enfant prenne le départ dans son milieu naturel pour s'ouvrir . Qu'est-ce qui se passe malheu - reusement ? C'est un sujet que les gens évitent d'aborder . Le plus souvent, quels sont ceux qui enseignent en maternelle, en cours préparatoire ? Ce ne sont pas les Guadeloupéens. Donc, comment demander à quel - qu'un qui ne connaît pas la culture, la langue, les mœurs et les habitudes de l'enfant, de la mère et la grand-mère de l'enfant peut lui apprendre des choses qu'il ignore ? Donc, c'est un problème politique que vous posez également. Qui doit enseigner à nos enfants dans les petites classes maternelles et cours préparatoires ? Donc oui, c'est important, c'est même indispensable que nous partions de la réalité des enfants mais, pour que cela puisse être réalisé, il faut des éducateurs qui connaissent ces réalités.