UNIVERSITÉ ANTILLES-GUYANE : Ne pas confondre, vitesse et précipitation

C réée depuis 1982 dans sa forme actuelle, et répar ties sur trois pôles,Guadeloupe Martinique,Guyane,cette université qui,avec ses difficultés, voire ses dysfonctionnements, répondait glo balement à l'attente des étudiants,non seulementantillo-guy anais mais aussi d'autres régions,s'achemine-t-elle vers sa désintégration ou sa refondation ?

C ompte tenu de tout ce qui a été dit ou écrit, de tous les sous-entendus ou non dits, depuis la grève déclenchée par les étudiants guyanais, le 08 octobre 2013, on peut légitime - ment penser que les choses sont plutôt bien mal engagées.

En ef fet, la grève s'étant durcie et amplifiée et les revendica- tions des étudiants et des personnels se faisant de plus en plus pressantes, le ministre de l'enseignement Supérieur et de la recherche, madame Geneviève Fioraso annonçait, à l'issue du Conseil des ministres du mercredi 30 octobre 2013, sa décision, «en accord avec le ministre des Outre-Mer», Victorin Lurel, de nommer un administrateur pro - visoire, pour assurer la gestion des affaires courantes et de doter le pôle guyanais d'une autonomie renforcée, 1ère étape vers une université de plein exercice, à brève échéance. Il n'en fallait pas davantage pour créer, pratiquement, une situation d'af folement, une dyna - mique politicienne ou électora- liste, au niveau de certains décideurs de la Région Guadeloupe, en particulier , madame la Présidente de Région, Josette Borel-Lincertain et le premierV ice-Président, Jocelyn Sapotille

. A l'instar de ce qui s'était passé en 1997 pour la création de l'Académie de la Guadeloupe, dans le sillage de la création de l'Académie de la Guyane, confondant vitesse et précipita - tion, sans aucune concertation préalable, ni avec les politiques, ni avec les personnes directe- ment concernées, en l'occurrence les étudiants et les personnels universitaires, encore moins avec la population guadeloupéenne, madame la Présidente de la Région Guadeloupe, soutenue par les interventions médiatiques de son premier V ice- Président, Jocelyn Sapotille, monte en première ligne pour réclamer «dans des délais raisonnables, une université de plein exercice en Guadeloupe» (références : communiqué de presse de la Région Guadeloupe en date du 31 octobre 2013 ; Lettres de madame la Présidente de la Région Guadeloupe à madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso et à monsieur le ministre des Outre-Mer, Victorin Lurel, en date du 31 octobre 2013). Cette précipitation n'échappe d'ailleurs pas aux lecteurs, dès la première ligne du courrier adressé à madame le ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche : «Je pris connaissance des décisions que vous avez prises concernant l'avenir du pôle uni - versitaire de la Guyane….», écrit madame la Présidente, mettant à mal la concordance des temps de la conjugaison. Il y a un peu plus de trois mois, tel autre maire-député, surestimant ses compétences et ses capacités à résoudre les problèmes de la Guadeloupe, demandait à l'Université Antilles-Guyane d'organiser les examens pour les étudiants de I2M Sup de co, oubliant peut-être ou négli- geant la concertation avec d'au- tres organismes concernés, l'université de L yon 2. Cette dernière, en réglant le problème avec le Rectorat de la Guadeloupe, allait lui signifier qu'elle était seule maîtresse à bord,

Loin de nous l'idée de ne pas accéder en Guadeloupe à une université de plein exercice, revendication qui serait bien en phase avec la lutte du Parti Communiste Guadeloupéen, pour une Guadeloupe souverai - ne, selon les étapes démocratiquement choisies par le peuple guadeloupéen. Nous voudrions seulement affirmer que, des décisions qui engagent le deve- nir de la société guadeloupéen- ne, à travers la formation de sa jeunesse, doivent déclencher un véritable débat, une très large concertation, d'autant plus que ce problème n'a jamais été évo- qué lors de réunions importantes, les Congrès des élus, notam - ment. On ne peut solutionner les problèmes qui conditionnent le développement de la Guadeloupe par des décisions à l'emporte-pièce.

Certes, le pôle universitaire de Guadeloupe compte 6 000 étu- diants sur les 23 000 que compte l'UAG ; 14 Unités de recherche sur les 23 et, en conséquence, un plus grand nombre d'enseignants que les deux autres pôles, ce qui le place au même niveau que d'autres Universités françaises, en termes d'ef fectifs. Cependant, pour faire face à sa caractéristique d'archipel, à son implantation géographique dans le bassin caribéen, au moment où chacun s'accorde à parler de coopération avec la Caraïbe, une université de plein exercice en Guadeloupe, pourrat-elle compter , au moins, sur les moyens dont dispose actuelle- ment le pôle de Guadeloupe, pour entreprendre une politique de formation efficiente ? Ne serait-il pas légitime de penser que la désintégration de l'Université Antilles Guyane, loin de conduire à une refondation de l'entité, aurait pour conséquence, naturellement, un «saucissonnage» de la carte des formations entre les trois Universités nouvellement créées ? Un tel dossier demande une lon- gue réflexion. Une Université regroupant plusieurs régions doit bénéficier du même regard, de la même attention, que l'on porte à une communauté de communes ou d'agglomérations, à une époque où l'on tient de plus en plus le discours de la mutualisation des moyens. On ne peut se contenter d'écrire au ministre des Outre-Mer que la Région Guadeloupe est «d'ores et déjà prête à entamer des discussions en ce sens, avec tous les acteurs de cedossier , selon un calendrier et un mode opératoire que le gouvernement pourrait prochainement nous proposer». Ah ! Ces farouches défenseurs des statuts octroyés que sont nos compatriotes socialistes ! Non ! Nous, Guadeloupéens, nous devons être en mesure, avant tout, de faire des fortes propositions, après concertation avec la Guyane et la Martinique. Nous ne cesserons de répéter que nous devons, à la faveur de notre capacité à réfléchir , antici - per et savoir quelle politique convient pour la gouvernance de notre pays.

C'est d'ailleurs le sens de la lett - re ouverte que nous publions, signée par six universitaires de l'Université Antilles Guyane.

A l'approche des prochaines échéances électorales, il ne faut pas céder à la politique politicienne et à l'électoralisme. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Sa ki bon pou zwa pa oblijé bon pou kanna.