Parole et pouvoir !

Il serait difficile de soutenir le contraire. En Guadeloupe, nous par- lons, nous parlons beaucoup et souvent pour nous projeter dans le débat à l'échelle dumonde.

Nous parlons, nous organisons beaucoup d'espaces de paroles où, pour emprunter les paroles du chanteur, nous tournons en won, en won, won, won.

Ces derniers jours, on ne peut compter combien de colloques, de débats, de séminaires qui ont reçu la parole de tous ceux qui se disent experts en quelque chose, investis de la mission de nous dire des choses.

Ce sont d'ailleurs souvent les mêmes, qui parlent et se répètent depuis des années. Bien entendu, on ne voit pas les situations changer vraiment. On peut voir ici ou là, un ravalement de façade, mais le fond n'est jamais touché.

En fait, la parole ne donne pas le Pouvoir de décider, de gou - verner, de changer les fondamentaux. Tout au plus, la puis - sance du verbe, la maitrise de la rhétorique peut aider à se saisir des manettes de commande - ment en prenant le contrôle desInstitutions.

Car, le Pouvoir est dans les Institutions et en définitif, pour parler franchement, entre les mains de ceux qui contrôlent, ce qui est politiquement connu comme l'appareil d'Etat.

Depuis les lois de décentralisa- tion, les élus guadeloupéens vivent dans l'illusion qu'ils ont le pouvoir de décider.

Certes, il faut reconnaitre qu'ils ont un champ, même limité d'intervention libre. Mais, à la marge, ils n'ont pas le pouvoir de retourner le fond.

Deux ministres de la France, celle de l'Enseignement supérieur et celui des Outre-mer ont fait ici la semaine dernière, chacun dans son domaine, la démonstration qu'ils avaient le pouvoir, parce qu'ils portent la parole de l'Etat.

Au même moment, le maire de Baie-Mahault, Ary Chalus, par ailleurs député de la «nation», bloqué dans son projet de port par les contraintes de la loi du littoral, faisait le constat amer que, sa légitimité de parole ne pesait pas un cent, face au pouvoir de l'Etat.

L'ancien recteur de l'Académie de Guadeloupe, Monsieur Alain Miossec, qui animait le débat sur l'aménagement du littoral, ne pouvait que reconnaitre «qu'il y a un vrai problè - me de décentralisation à la française» à la Guadeloupe. Il était dans son rôle.

Mais, les Guadeloupéens qui parlent pour le monde ne com - prennent-ils pas que la question est bien la conquête d'un vrai pouvoir guadeloupéen, même si, par ailleurs nous pou- vons décider de partager certaines compétences avec l'Etat français ?

La parole ou le pouvoir : il faut choisir !