“Les nouveaux chiens de garde”

“La première liberté consiste pour la presse à ne pas être une industrie.”Karl Marx

“Lesnouveaux chiens de garde”(1) , est le titre d'un brûlot écrit en 1997 par Serge Halimi, porté à l'écran par Gilles Balbastre etY annick Kergoat. Le film, sorti le 11 janvier 2012, est d'une cuisante actualité. Il dénonce comme jamais la jungle médiatique qui sévit, ses serviteurs les plus zélés.

Il revisite, microscope rivé aux yeux, toutes les turpitudes, lâchetés et autres vilénies aux - quelles se sont livrés grands et “petits soldats du journalisme”, au cours de ces trois dernièresdécennies.

Un journalisme, ou, plutôt, une propagande férocement anticommuniste, sous couvert de journalisme, en direction d'une opinion publique plutôt désem - parée, après l'éclatement de l'Union Soviétique.

Le contenu du livre de Serge Halimi n'est pas nouveau. C'est le témoignage de la persistance d'un système quasi mafieux entre journalistes, qui ont renoncé à toute notion de “con - tre-pouvoir”, pour se mettre, toute honte bue, délibérément, à la disposition du système capi- taliste, sans autre forme de discernement.

De son temps, Paul Nizan, auteur du livre “Les chiens degarde”(2) , avait donné de vio - lents coups de pieds dans cette fourmilière nauséabonde, dénonçant les compromissions et les dérives des petits et grands négociants du savoir, qu'étaient les intellectuels de son époque. Les choses ont empiré ! Contre- pouvoir, pluralisme, indépendance d'esprit, objectivité, tous ces concepts sont tabous, passés à la trappe !

Nous sommes au temps du capi - talisme triomphant. T out doit être à l'image de ce capitalisme dit “démocratique.” L'information pervertie, marchandisée, y compris ! Ce sont les mêmes réseaux qui sévissent, se congratulent, se reproduisent entre eux.

Radio, télévision, presse écrite ou ce qui en reste, tout est ver- rouillé, surveillé, expurgé, débarrassé de tous les velléitaires. L'irrévérence, la satire, l'humour décapant aux dépens des servi - teurs du capitalisme, ne sont pas admis.

Adieu Stéphane Guillon ! Adieu Didier Porte !

Ce sont les Pujadas, Ockrent, Joffrin, Field, Giesbert, Zemmour,Barbier , Thréard, et autres Chazal, qui of ficient, donnent le ton. Que vaut l'avis d'un ouvrier, d'un employé, d'un citoyen lambda, face à la parole, face à la “science infuse”, au savoir encyclopédique “d'experts”, d'intellectuels roués, madrés, bardés de diplômes et de suffisances ? Intellectuels payés en millions d'euros pour pervertir l'opi- nion publique, la démobiliser, la rendre sensible aux mensonges, aux calomnies des plus mauvais goûts.

C'est le règne des pensées prêt-à-porter, des mensonges à consommer sur place, du sensationnel, de la langue de bois, des images dramatiques, du populisme à quatre sous, infligés quotidiennement par les têtes d'affiches de la politique et de l'économie. Le bon peuple, lui, devra subir, en permanence, ce que ces jour - nalistes désignent sous le vocable : “la construction de l'opinion publique”...

Sale boulot, que Daniel Mermet décrit par cette phrase : “L'art de la politique est de faire en sorte que les gens se désintéressent de ce qui les concerne.”

La dilution de la presse dans l'ar - gent, contrairement aux recom- mandations de Marx, condition- ne ses contenus, son orientation, détermine sa fonction de soupa - pe de sûreté, au bénéfice de l'idéologie capitaliste.

Après Pascal Boniface(3), François Ruffin(4) , Ignacio Ramonet(5) , l'association Acrimed, les revues “Le Plan B” et “Fakir”, c'est au tour du film “Les nouveaux chiens de garde”, de jeter un énorme pavé dans les eaux glauques du marigot des “petits soldats du journalisme.”

(1) “Les nouveaux chiens de garde”, de Serge Halimi, directeur du “Monde Diplomatique”, Editions Liber-Raisons d'Agir, 1997 (2) “Les chiens de garde”, de Paul Nizan, Editions petite Collection Maspero, 1967 (3) “Les intellectuels faussaires, le triomphe médiatique des experts en mensonge”, Editions Jean-Claude Gawsewitch (4) “Les petits soldats du journalisme”, Editions les Arènes (5) “Fidel Castro, Biographie à deux voies”, Editions Fayard/Galilée