3 décembre 1976

U ne aube pâle et grise couvre de son manteau la commune qui semble ne pas vouloir sortir de son sommeil.

Les premiers rayons du soleil arrachent ça et là quelques lambeaux de brume, qu'un temps humide et pluvieux prend plaisir à faire naître.

Dans son grand lit, un fils de Capesterre lutte contre la mort, essayant de garder à tout prix quelques lambeaux de vie pour continuer le combat d'où sortira l'espoir pour tout un peuple.

Un rayon de soleil perce enfin les nuages, tandis qu'un cri retentit, jailli des gorges contractées, répété à l'envie par des femmes et des hommes attérés : Paul Lacavé est mort !

Comme une traînée de poudre la nouvelle se répand, s'enfle, s'infiltre dans les maisons, dans les champs, dans les campagnes, les écoles, pour aller se perdre dans les communes voisines.

Personne ne veut croire que cet homme estimé de tous s'en est allé sans bruit, vers une aube sans fin.

Hier encore, rassemblant ses dernières forces, il prodiguait ses conseils : «Fais bien tout ce que tu fais, ne t'arrête pas aux critiques va toujours plus haut, toujours plus loin». Il avait tant de choses à faire encore lui qui avait tant donné, tant sacrifié pour sa commune et ce peuple qu'ilaimait.

Cet amour, il l'avait sublimé, un certain jour de mai en lançant ce cri venu du fond du cœur : «Tirez sur moi, ne tirez pas sur monpeuple».

Tant de projets, tant de rêves se bousculaient dans sa tête de patriarche, dans son désir immense de voir vivre Capesterre et ce peuple dont il était si fier.

Capesterre orphelin vit un temps de recueillement, exprime sa douleur, montre son attachement dans un défilé incessant de visages graves et d'yeux embués de larmes.

L'Hommage de Capesterre, de la Guadeloupe et au-delà ouvre les portes de l'histoire à ce fils généreux, épris d'idéal, amoureux d'un pays, d'une commune, d'une terre.

Henrie Jabot, novembre 1996