Soudan : le peuple fait tomber le dictateur Omar el-Béchir
Omar el-Béchir est tombé. Militaire de formation, il s’était auto-proclamé Président de la République en 1993, après avoir renversé le pouvoir en place en 1989. Il s’était fait réélire en 1996 et en 2010. Il est aujourd"hui visé par deux mandats d’arrêt internatio- naux émis par la CPI en 2009 et 2010 pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au Darfour, province de l’Ouest du Soudan, en proie à une guerre civile depuis 2003.
Le 11 avril 2019 le Président âgé de 75 ans, a été des- titué par l"armée, après plus de trois mois de manifestations contre son pouvoir. Assigné à rési- dence au palais présidentiel, dans un premier temps, il a été transféré dans une prison du nord de Khartoum le 16 avril. Des milliers de manifestants sont toujours rassem- blés devant le quartier général de l"armée, pour le 12 ème jour consécu- tif. Des unités militaires ont égale- ment pris position à des points stra- tégiques de la capitale. Cette situation est l"aboutissement de quatre mois de révolte contre le régime. La contestation a démarré après la hausse du prix du pain déci- dée par le gouvernement le 19 décembre 2018. La mobilisation s’est ensuite muée en mouvement de protestation contre le régime lui- même, Omar el-Béchir a tenté de réprimer la contestation par la force, puis instauré, le 22 février, l’état d’urgence à l’échelle nationale. 65 personnes sont mortes dans des violences liées aux manifestations, de sources officielles
. Trois éléments peuvent permettre de faire une analyse à chaud de ce qui est en train de se passer au Soudan. Le premier tient, là comme ailleurs, à la crise économique qui touche le pays et qui s"est aggravée après l"indépendance du Sud Soudanen 2011, qui a entrainé la perte des deux tiers des revenus pétroliers. En 2018, l"inflation a été de 70%, les pénuries répétées d"es- sence et de diesel ainsi que la hausse importante des produits de pre- mière nécessité ont été le terrain sur lequel le triplement du prix de pain, en décembre, a été la mèche qui a embrassé le pays. Le deuxième élé- ment qui retient l"attention est la forme puissante de la mobilisation du peuple qui, là encore comme ail- leurs, est passée par les réseaux sociaux, via des organisations trans- parti comme la Sudanese Profes- sionnals Association (Association des Professionnels Soudanais), à l"origine du mouvement. Enfin, der- nier aspect qui dépasse les fron- tières du seul Soudan et rejoint les évènements algériens, la présence massive visible et énergique des femmes, à la pointe de la révolte. Une des images symboliques de cette révolte montre une jeune femme, Alaa Salah, juchée sur une voiture en train de chanter devant les manifestants qui l"entourent et reprennent ses paroles en choeur. Après la mise en prison de Omer el- Béchir ce que réclament aujourd"hui les manifestants, c"est de ne pas se voir confisquer leur mouvement historique par l"armée comme cela a été le cas dans bon nombre de Printemps arabes. Le couvre feu, la prolongation de trois mois de l"état d"urgence et l"annonce d"une transi- tion militaire de deux ans ne présa- gent rien de bon, et les manifesta- tions dans tout le pays, ces derniers jours, indiquent clairement que les Soudanais ne sont pas dupes. Face à cette situation, la plupart des instances internationales, l"ONU, l"Union Africaine, l"Union Europé- enne ainsi que l"Egypte voisine appuient les demandes des mani- festants pour une transition civile. Tâche qui s"avère difficile car, le régime déchu possède certaine- ment de nombreux relais dans l"ar- mée. Mais, là aussi, comme en Algérie, la leçon des autres Prin- temps arabes sera retenue par ces manifestants qui secouent une société très conservatrice, et mar- chent pour une société plus libre et plus juste. Notre soutien dans leur combat leur est totalement acquis.