LETTRE AUX GUADELOUPÉENS

Nous sommes créoles, et par- tant l’avenir du monde: « culture-tout-couleur ». Nous avons réalisé l’union des différences, elles nous permettent de jouer la symphonie de la vie. Nous qui avons subi les pires outrages pouvons témoigner que les diffi- cultés sont la nourriture de l’Homme qui veut tutoyer l’ex- cellence. Là ou certains ne veu- lent que la pureté de la race et une identité qui ne respire pas telle une momie, nous somme pluralité, mouvement, vie… Héritiers de la sagesse amérin- dienne, qui nous invite à respec0 Tc - ter le vivant, car chaque fois que nous la profanons nous en payons tôt ou tard le prix ; Irrigués par nos racines africai0 Tc nes ; Baignés par une mystique indienne qui nous montre que c’est en soi qu’on peut trouver la force permettant de rayonner à l’extérieur… Pétri de cette certitude J’ai juste été étonné et n’ai pas réagi quand: Il y a quelques années, quelques cellules de ce corps créole se sont mises à attaquer ‘l’autre nous-mêmes’ celui qu’on s’est mis à épingler comme ‘étran0 Tc ger’-0.037 Tw . Et dans notre délire de pro- tection supposée nous n’étions pas loin de monter un mur dans la mer caraïbe qui nous entoure pour nous couper encore plus de cette Caraïbe. Nous qui avions déjà auparavant réussi à transformer un archipel, carre- four des Antilles, en cul-de-sac. Ceci en rationalisant, car on a toujours de bonnes raisons de faire ce qu’on fait. En harmonie avec une loi essentielle du psychisme : Le besoin de cohéren- ce. Loi préservée même quand le mental se lézarde… Un degré supplémentaire a été atteint lorsque dans nos écoles nos enfants percevant la haine que nous nous portions, se sont mis à crier l’insulte suprême, en traitant l’autre noir “d’Haïtien”. Nous voila, nous ‘tout-couleur’ fils de l’Afrique et de la misère, insultant l’autre nous-mêmes. Haine qu’on retrouve quand on insulte nos hommes politiques, nos enseignants, nos chefs d’en- treprises etc. Tous ceux qui à leur poste sont nos champions char- gés de nous représenter, de créer des emplois, de nous permettre d’être plus fort économique- ment, de préparer l’avenir... Et ainsi le ver est dans le fruit! Exactement comme quand un parent insulte l’autre parent… J’aurais pu comprendre la pro- fondeur du problème si j’a - vais, rapproché cela de cette attitude que nous avons à creuser notre tombe avec nos dents tout en affirmant notre totale -0.0347 Tc irr esponsabilité. Collectivement nous ne chan- geons rien à notre obsession des « bwè-é-manjé»0.0591 Tw , tout est prétex - te à cela, à croire que nous ne sommes qu’un tube digestif. Ignorant royalement la sagesse indienne, qui comme tant d’au- tres fait la part belle au jeûne, manière essentielle d’entrainer l’esprit à dominer le corps… Et pendant ce temps les chiffres de l’obésité galopent, le «diablebèt-0.033 Tc 0.197 Tw » monte au ciel, l’hyperten- sion n’est pas pour nous digne d’attention... Mais il faut dire que ces morts nombreux de nous-mêmes, ces suicidés de la bouffe, se font dans l’obscurité, cette violence froide ne fait pas à la une des journaux et nous lais0 Tc - sant indifférents… Pourtant Individuellement chacun est libre de mettre dans son assiette ce qu’il esti- me bon pour lui. Serait-ce de l’irr esponsabilité, une addic - tion, une toxicomanie ? Je me suis mis à réfléchir à m’in- terroger lorsque l’onde de la peur s’est mis à croitre et à se propager dans toute la société, comme un air à la mode, de radio à radio, faisant tout vibrer au diapason dans une sorte de danse de Saint Guy… Il faut savoir que celui qui a peur est dans une grande faiblesse. Il vaut mieux éviter un chauffeur qui conduit en ayant peur de faire un accident, car il a plus de chance d’en faire. Mais en sus elle se communique rapide- ment. D’où, il faut isoler celui qui a peur où il y a foule car très vite elle diffuse devient panique avec des conséquences souvent plus catastrophiques que la cause elle-même. Sans compter qu’un parent qui a peur ne peut ras- surer son enfant, lui donner confiance dans l’avenir . Or toutes les couches de la socié- té sont atteintes: les parents, d’être posés comme mauvais, de déplaire à leur rejeton; Le corps «-0.0001 Tc en-saignant» -0.0002 Tc souf frant du doute; Les politiciens de n’être pas réélus, de perdre leur mandat… Une sempiternelle rengaine est répétée encore et encore disant que hier était magnifique et aujourd’hui catastrophique. Oubliant alors par la même occasion que c’est nous qui avions fait évoluer la société en trente ans plus que dans le siècle précédent. Oubliant, qu’il nous appartenait en adulte de nous remettre en cause, de regarder en face nos faiblesses, nos erreurs pour les corriger. En citoyen, en père, je me suis remis en cause. (J’allais dire en adulte. Mais ce mot est, tombé en désuétude et pas pour rien. Vous n’entendrez parler que de jeunes. Il vous suffit d’écouter pendant 48h les discours autour de vous pour le noter.) J’appartiens, à ce qu’on a appelé la génération du baby-boom. Avec le recul, je pense que nous avons été des privilégiés. Et nous ne nous sommes pas fait prier pour changer la société, pour bâtir celle d’aujourd’hui où se trouvent nos enfants. Nous avons bénéficié d’une école qui après s’être contentée d’appren- dre à lire et compter à certains de nos parents, a joué un rôle d’ascenseur sociale pour notre génération. Ecole qui ne joue pratiquement plus ce rôle, mal0 Tc - gré tous ses efforts, et qui n’est plus le seul chemin. Nous avons porté notre rêve d’émancipation à travers des révoltes avec comme mot d’ordre «siguem réaliste, démandarem l’impossible». Nous avons réussi à dissou- dre le mariage, réputé pendant des siècles, indissoluble. Nous avons libéré le sexe, embastillé par une morale catho-bourgeoi0 Tc - se, responsable à nos yeux de bien des névroses. Nous avons légalisé l’avortement, car nous estimons que notre corps nous appartient et qu’il n’y a aucune raison d’avoir des enfants, comme nos parents, à la grâce de quelque Dieu que ce soit. Mais, seulement quand on le voulait, juste pour notre plaisir... C’est vrai que rien n’étant par- fait, pour participer au produire plus, nous, domien, avons accep- té un autre transbordement, appelé je crois «baby-dom» nous sommes devenus des «sexe-pastrié» car sur place le développe0 Tc - ment était, à croire les grands chefs, -0.0475 Tc im-po-ssi-ble. Mieux, il fal0 Tc - lait fermer les quelques usines restantes. C’était un remède de la même veine que ses saignées prescrites par les médecins d’un autre temps. Ainsi de 50% de moins de 20 ans, nous voilà à 50% de plus 50 ans, avec tou- jours cette même problématique de l’emploi de nos jeunes, et par0 Tc - tant du développement. Et depuis, nos enfants ne rêvent tout haut que d’être «-0.034 Tc 0 Tw Miss-n’importe-quoi» ou -0.0163 Tc «fou-bâcleur» professionnel. Pour nous conso- ler, les progrès de la médecine, ont mis à portée de notre main, notre idéal d’éternelle jeunesse. Et nous avons commencé à être plus jeunes que nos enfants, allant jusqu’à inventer l’œdipe à rebours. Il y a certains qui dans leur désir de vaincre même la mort se sont fait congeler à vil prix pour renaitre dans quelque temps. Tout, nous était permis dans une frénésie totale avec comme objectif : No-limite…

Mais -0.0527 Tc Je ne pouvais pas ne pas réagir, fusse par ce courrier. Lorsque j’ai vu que dans la fou- lée que pour justifier la peur, loin de s’interroger, se remettre en cause, prendre conscience de notre part de responsabilité dans la société d’aujourd’hui, autant d’actes essentiels pour changer le cercle vicieux où on se trouvait, nous n’hésitions pas à présenter, nos enfants en délin- quants, drogués… Dans une belle unanimité, la violence chaude est érigée en principal problème en GUADELOUPE. Primo ces enfants qu’on présen- te comme drogués et délin - quants ne nous renvoient-t-ils pas à notre peur. Ne s’arment-t- ils pas pour certains, car ils ont peur du danger qu’on ne cesse de leur rabâcher, eux qui en sus ne veulent pas perdre la face ? Nous sommes issus de la violen0 Tc - ce. Et nous ne pouvons concevoir l’éducation sans coup. L’écrasante majorité d’entre nous pense que «si yo té ka fouté bon fwèt en lè sé ti mal- maké-la, tout biten té ké réglé»0 Tc . D’où l’enfant intègre que lors- qu’il est devant une difficulté, il faut crier, il faut taper. En sus notre société n’a pas le sens du dialogue car notre histoire est dépourvue de cette tradition : Dans une société esclavagiste on ne discute pas! Alors dans cette société de consommation ou les biens s’exposent à la vue de tous, attisant encore et encore le désir , hors de portée de beaucoup. Certains se sentant exclus, s’or- ganisent pour prendre leur part. Dans notre soif irrépressible de toujours plus, n’avons-nous pas profané la vie, empoison- né la terre, au grand dam de nos ancêtres, non Européen? Que léguons-nous à nos enfants, une augmentation cli- matique en marche avec son corolaire de montée des eaux, des cyclones de plus en plus terri- ble, et j’en passe ? Secundo Nous sommes à un stade où nous vendons cinq pour cent de ce que nous achetons. En d’autres termes nous finançons du travail à l’extérieur au détri - ment de chez nous, alors que 50% de nos enfants se tournent le pouce. Et nous savions depuis des années que l’ennui est la mère de tous les vices. Mais cette situation ahurissante, cette vio- lence froide faite à nos enfants nous laisse de marbre. La dégra- dation économique se continue depuis plus de cinquante ans et nous sommes dans l’illusion d’êt- re riches, malgré le fait que ceux de nos enfants qui réussissent sont condamnés à l’expatriation. Notre réalité fait que notre cout de production est de 50% plus cher qu’en métropole, France qui elle-même est montrée du doigt malgré ses richesses importantes. Le pire c’est que la violence glo- balement recule, oui! Car , ici comme ailleurs nous n’acceptons plus la mort. Même en guerre nous la refusons. La France va en Afghanistan faire la guerre et le fait que 5 de ses soldats soient morts est pour le français insup- portable. Pensez à ce qu’il y a eu comme morts français au Vietnam il n’y a pas si long- temps… D’où l’illusion du plus de violence ! En guise de conclusion ? Mon but est modeste et énorme: Inciter chacun à la réflexion en posant quelques éléments d’une problématique, ouvrant éven- tuellement le champ de la dis- cussion. Dans un contexte où notre haine de nous-mêmes, associé à une irresponsabilité forte, nous amène à externaliser le conflit, à accuser ceux qui nous ressemblent, voire même nos enfants. Nous sommes notre plus grand ennemi et de façon répétitive nous saccageons nos potentialités nombreuses. En ne regardant pas en face la réalité ; En privilégiant l’avoir phagocy- tant l’être, dans une grande voracité de frivolité et un délire de l’apparence pour soigner notre mal à être. Notre premier problème est donc d’ordre psychologique. Or quel que soit les atouts qu’un individu ou qu’une société possède, quand le mental ne suit pas, Il ne va pas loin. On peut nous offrir les arti- cles 73, 74, voire même l’indé0 Tc - pendance, mais quand notre comportement, notre personna0 Tc - lité, bref notre esprit n’est pas en accord avec les exigences à fournir l’échec est au bout. C’est pour cela que l’indépendance ne se donne pas, elle se prend. Il nous faut réussir à mettre notre corps au service de notre esprit, dans la verticalité de notre rai - son, en remportant cette victoi- re sur nous-mêmes, alors les ennemis de l’extérieur ne seront que peccadilles. Et chaque fois que nous serons face à une diffi- culté, c’est une chance qui nous sera offerte pour grandir, être plus fort, trouver des solutions permettant de transformer le négatif, en positif avec pour objectif l’excellence… Ces leçons nous sont données par les Gandhi, Mandela, et bien d’autres appartenant au pan- théon de notre histoire foi - sonnant d’homm-0.0335 Tc es verticaux, qui sont allés quelquefois jus- qu’au sacrifice. A nous d’être fier d’être leur descendant et digne de leur exemple. A nous de changer notre peur en soif de victoire, pour éclairer l’avenir de nos enfants. n