Pour un débat loyal sur la question des institutions

L orsque dans son discours général, après sa réélection à la présidence du Conseil régional, Victorin Lurel a parlé de refondation sociale, économique, politique, et surtout, a lancé un appel au dialogue avec les forces sociales et politiques, j'ai sincèrement pensé qu'une nouvelle ère politique allait s'ouvrir pour la Guadeloupe. Certes, l'argumentaire mis en place pour tenter d'opposer la revendication d'un changement institutionnel ou statutaire à la résolution des problèmes quotidiens des Guadeloupéens ne m'a pas échappé, ni son caractère pernicieux. Cela m'a ramené 56 ans en arrière, lorsque toutes les forces réactionnaires coalisées de la Guadeloupe, y compris les socialistes, opposaient à la revendication de l'Autonomie formulée par les communistes : la peur de perdre les avantages sociaux, la retraite, la solidarité «nationale». Ces farceurs ont poussé le bouchon en titrant en première page de France-Antilles «Autonomie = zasièt vide» ! Cela s'est reproduit d'une manière encore plus agressive en 2003. Il faut tordre le cou et vite, à ces arguments apparemment flatteurs tous ceux, et ils sont la majorité qui font face à des problèmes de travail, de logements, de transports, bref, à tous les besoins humains et publiques non satisfaits dans notre société. Il faut le faire parce que dans la brèche ouverte par le Président Lurel pour atténuer certainement l'essentiel de son discours : la levée de son opposition à toute évolution institutionnelle, s'engouffrent déjà des politiciens opportunistes prêchant soi-disant le «réal politique» qui consisterait à s'occuper des problèmes comme l'eau, les ordures, l'énergie, qu'ils ne sont jamais arrivé à résoudre en plus de 50 ans de statut monodépartemental, avant de parler de statut . De plus, il est absurde de développer l'idée que le statut se résume simplement à plus de pouvoirs pour les élus et que cela n'aurait rien à voir avec la vie des citoyens. En réalité, un statut politique est un cadre juridique constitué d'un ensemble de textes législatifs et réglementaires qui organisent le fonctionnement d'une collectivité et garantissent les droits des citoyens. Le pouvoir des élus de traiter les questions liées à la vie en société s'exerce dans ce cadre et dans le strict respect des lois et règlements. Lurel qui est par formation un administrateur territorial, connait mieux que quiconque l'histoire des institutions françaises. Il sait bien que depuis la monarchie absolue à la Ve République dans laquelle on vit aujourd'hui, en passant par la Révolution française de 1789, les institutions françaises n'ont jamais cessé d'évoluer et voir des fois, de reculer. En fait, aucune institution ou constitution n'est figée une fois pour toute, n'est jamais définitive. Aujourd'hui en France, il y des politiques qui militent pour un changement constitutionnel en réclamant une VIe République. L'exemple de la Guadeloupe est lui-même édifiant. De la colonisation en 1635 au statut de Région monodépartementale aujourd'hui, en passant par la départementalisation de 1946, nous avons connu plusieurs évolutionsinstitutionnelles. La vérité, c'est que les institutions, statuts et constitutions correspondent à des étapes historiques qui découlent des évolutions des rapports économiques et sociaux, de la nécessité de répondre aux besoins humains nouveaux, aux phénomènes culturels qui s'expriment dans la société. Qui peut valablement soutenir que le cadre institutionnel et statutaire dans lequel évolue la Guadeloupe aujourd'hui, permet de résoudre positivement dans l'intérêt de tout le peuple, les problèmes qui se posent dans notre société ? C'est à partir de cette question que peut s'ouvrir loyalement le débat souhaité par le Président Victorin Lurel dans son discours d'investiture.