Le chikungunya : une affaire de salubrité publique

Les indicateurs épidémiologiques confirment l'intensification de l'épidémie du chikungunya en Guadeloupe,placée depuis le 10 avril 2014, en phase 3a du Psage : situation épidémique avérée avec chaines locales de transmission.

L' augmentation du nombre hebdomadaire de cas cliniquement évocateurs diagnostiqués par les médecins généralistes se poursuit. Dans un communiqué rendu publique par la préfecture le 12 juin on apprend que 6600 nouveaux cas ont été enregistrés cette semaine contre 5200 la semaine dernière. Au total 23 100 cas cliniquement évocateurs vus en médecine de ville ont été estimés depuis le début de la surveillance fin 2013. Un décès a été enregistré. Les autorités sont bien obligées de reconnaitre la gravité de la situation et la préfète a convoqué une conférence de presse accompagnée des présidents du Conseil régional, du Conseil général et du directeur de l'ARS. En l'absence de traitement connu pour lutter contre cette maladie, les mesures les plus efficaces pour enrayer la progression de l'épidémie, c'est de détruire le vecteur connu de sa propagation : le «moustiquetigre», l'aedes albopictus. Depuis l'apparition de cette maladie qui avait déjà frappée La Réunion, il y a deux ou trois ans, les autorités sanitaires savaient qu'une telle situation pouvait se répéter en Guadeloupe, comme elles savaient que la lutte contre le moustique Aedes aegypti exigeait la mise en œuvre d'une politique de salubrité publique active et efficace. Qu'est-ce qui a été fait dans ce domaine ?

Depuis l'apparition de la maladie en Guadeloupe, les campagnes de communication ont porté d'abord sur les efforts demandés aux individus pour assainir leur cadre de vie en éliminant toutes les réserves d'eau, les déchets et récipients qui pourraient recueillir les larves du moustique. Il faut reconnaitre que cesef forts ne sont pas suf fisants pour contenir la maladie et renverser la tendance. Certes, l'engagement des habitants qui sont les premières victimes de cette infection doit se poursuivre et s'amplifier. Mais il faut passer à un autre niveau de lutte pour enrayer cette épidémie. Les autorités sanitaires ont beaucoup communiqué sur le chikungunya, mais, il faut plus que cela. Les pouvoirs politiques doivent s'impliquer très fortement dans cette bataille et déclencher un véritable plan de salubrité publique en Guadeloupe. Car, le moustique en cause ne vit pas seulement, dans et autour des foyers individuels. Quel résultat durable pourraiton obtenir dans les foyers qui voient déjà augmenter considérablement leurs dépenses pour se protéger des moustiques et se soigner, si les pouvoirs publics ne se décident pas à assumer leur responsabilité dans l'assainissement du pays ?

Car, en définitive, en laissant s'installer et se développer des décharges d'ordures ménagères à ciel ouvert, des cimetières de carcasses de voiture et de déchets blancs, des zones d'insalubrité avec écoulement des eaux usées, c'est tout l'environnement du pays qui a été pollué et livré à la reproduction desmoustiques. En supprimant, il y a quelques années le service de pulvérisation anti-moustique pour des raisons budgétaires dit-on ou pensant que la Guadeloupe avait atteint un niveau d'assainissement qui la mettait à l'abri d'un tel phénomène, le Conseil général n'avait pas pris la bonne décision. Aujourd'hui, on paie le prix en termes de santé publique. Nous partageons l'idée avancée par la préfète de Guadeloupe dans son communiqué du 12 mai : Les mesures déjà déployées par les autorités sanitaires et les collectivités doivent être amplifiées et complétées. Seulement, nous ajoutons que cela doit se faire dans le cadre de salubrité publique mobilisant les institutionnels, le grand public, les services de l'environnement, les services de ramassage d'ordures et des encombrants, les services des eaux et les organismes de santé et de recherche.