Oscar Micheaux, pionnier du cinéma afro-américain

“L a puissance du monde blanc est menacéechaque fois qu'un Noir refuse d'accepter les définitions imposées par le monde blanc.Aussi aucun effort n'est épargné pour humilier ce Noir et ceci est aussi vrai aujourd'hui qu'hier.”James Balwin :“La prochaine fois le feu”

T ombé dans l'anonymat le plus total,Oscar Micheaux n'est autre que l'homme dont la récompense nommée “Oscar”, qui honore chaque année les meilleures productions cinématographiques, porte le prénom. En dépit du racisme, de la ségrégation, des humiliations, des méfaits du Klu Klux Klan, du vote de la “Loi Jim Crow” qui officialisait juridiquement la ségrégation noire, l'arbre Oscar Micheaux a éclos, et porté une multitude de fruits magnifiques. De Oscar Micheaux à Stève Mc Queen, le réalisateur britannique de “Douze années d”esclavage”, en passant par Spike Lee, la liste des réalisateurs et acteurs noirs qui se sont imposés dans le cinéma est longue. Harry Belafonte (Le monde, la chair et le diable), Sidney Poitier (Devine qui vient dîner) à commencer par les plus anciens, refusent d'interpréter le rôle du “Noir” tel que le conçoit le blanc : domestique, travailleur des champs, musiciens amuseurs,chauf feur de taxi, sportif robot, gardien d'immeuble, etc, dans lequel le cinéma américain voulait les cantonner

. Les comédiens blancs ne jouent pas le rôle d'un “Blanc” ! Ils jouent le rôle d'un boulanger, d'un médecin, d'un avocat, d'un enseignant, d'un scientifique, d'un écrivain, d'un cosmonaute... Confrontés à un contexte défavorable, les comédiens noirs font de la résistance, “pètent” les barreaux de leurs prisons. Leurs combats finissent par payer, se confondant avec le combat général mené par toute la communauté afro-américaine pour leur dignité, la reconnaissance de leurs droits de citoyens, aidés en cela par la montée irrésistible de la musique de jazz, qui s'impose à toute la société américaine. A telle enseigne qu'un couple de “Noirs” a fini par “atterrir” à la “maison Blanche.” Mais attention, la société américaine blanche n'en a pas fini pour autant avec le racisme. Un sujet reste tabou : les histoires d'amour à l'écran entre un homme noir et une femme blanche. Le métissage n'est pas au rendez-vous ! La société américaine fourmille aujourd'hui d'acteurs noirs, de réalisateurs noirs, qui, grâce à leur talent, leur détermination, leur volonté de ne pas se laisser faire ont réussi à imposer le respect de leurs droits. La culture noire américaine prend de plus en plus sa place dans l'intégration ou dans la contestation.

Un prix cinématographique annuel porte son nom : Oscar

Issu d'une généalogie d'esclaves et d'une famille de 13 enfants, Oscar Micheaux a représenté pour le cinéma afro-américain une figure de proue dont Spike Lee a sûrement suivi les pas... 1901, nous sommes en tout début de siècle et Oscar Micheaux a 17 ans. Il fuit de chez ses parents pour rejoindre son frère qui est serveur à Chicago. Bien que sa mère soit institutrice, il reste né d'une famille d'esclaves et gagner sa vie dans ce monde de préjugés raciaux n'est pas facile. Il débute donc en bas de l'échelle (dans des parcs à bestiaux, des aciéries ou comme cireur de chaussures) mais sa bonne éducation et son instruction lui permettent d'être engagé comme “boy” dans les chemins de fer , un emploi très recherché par les “Noirs” à cette époque car il était le seul tremplin de leur ascension sociale.

Là, en cotoyant tous ces gens, Micheaux découvre une sensation de liberté. Il voyage autant que son esprit voyage... Il économise alors le moindre dollar et s'achète une ferme. Mais tout propriétaire qu'il est, il s'avère qu'il n'est pas un bon fermier , de plus une sécheresse le met sur la paille (oui, je sais, facile celle-là). Intrigué par l'avènement de l'industrie cinématographique et de la richesse qu'elle procure, il décide en se basant sur sa vie personnelle de devenir écrivain/scénariste et qu'un jour, il finira peut-être par percer !

En 1913, une 1ère réussite se profile à l'horizon : son premier article apparaît dans le Chicago Defender, un hebdomadaire afro-américain alors très influent. Sûr maintenant de son talent pour l'écriture, Micheaux écrit des nouvelles puis un roman (“The Homeleader”) devient un best-seller.Ce dernier est lu par G. Jonhnson, directeur de la Lincoln Motion Picture Company à Los Angeles et il voudrait en faire une adaptation cinématographique. Refusant de céder ses droits d'auteur, Micheaux se dit qu'avec ses 1000 $ en banque, il pourrait produire et diriger luimême ce film faisant partie des “races movies”. Et c'est ce qu'il fait en fondant la “Micheaux Films” ! Alors qu'Hollywood renferme les Afro-Américains dans des rôles de chanteurs ou servants, il fait exploser sur les écrans la vie de ses paires...

Durant la Grande Dépression, Micheaux continue de tourner en une seule prise mais son petit studio a du mal à faire face à cette crise économique et lorsqu'il s'aperçoit que cela n'est plus rentable, il arrête le cinéma et retourne à l'écriture.Avec 44 films de 1919 à 1948, il n'eut de son vivant aucune reconnaissance cinématographique (la 1ère cérémonie des Oscars eut lieu en 1929) pourtant, Oscar aurait bien mérité un Oscar ! C'est à la fin des années 80 que le Cinéma récompense son indéniable talent avec une étoile sur Hollywood Walk of Fame ainsi qu'avec un Prix cinématographique annuel portant son nom : Osca r .

Source Canalblog