(Extrait du discours ouverture colloque) Gardons-nous bien de penser que les médias sont la solution !

L a question qui va mobiliser notre réflexion pendant ces deux jours de Colloque est la suivante : Les médias, peuvent-ils contribuer au développement et à l’intégration Caraïbe ? Car, c’est bien une interrogation que «l’Etincelle» soumet à la pertinence des réflexions, observa- tions et expériences des professionnels des médias. Nous avons certes, notre approche de la question, qui repose sur notre conception de la société, notre vision du monde et de son devenir, nos pratiques dans le domaine del’information. Mais, nous abordons ce débat, ouverts, convaincus que l’apport conceptuel, l’expérience de chacun permettront de construire des réponses collectives. Il ne peut échapper à votre attention aiguisée que, nous abordons là trois questions qui, séparément font l’objet de débats, de controverses et des fois, d’antagonisme : médiasdéveloppement-intégration.

LES MÉDIAS

Mot devenu mythique avec le déve - loppement rapide des nouvelles technologies de l’information et de communication mais, entouré aussi de beaucoup de confusions. Les médias ne sont au fond que l’en- semble des moyens de diffusion del’information. Le journal, la radio, la télévision, le Net ou le Web sont des outils, des véhicules. Ils ne font pas l’information. Leur importance tient à leur capacité, à la performance et à la qualité qu’ils peuvent donner à l’information. Les médias renvoient à la question de l’information qui est bien sûr, le problème central dans la thématique posée par «l’Etincelle». Au cœur donc de notre réflexion va se trouver la position, l’intervention, le comportement de celui qui recherche, élabore le contenu des informations diffusées par les médias. Je parle du journaliste, du professionnel de l’information. Par-delà le rôle que peuvent jouer les médias avec les évolutions ou révolutions technologiques, ce qui à nos jours sera déterminant dans la réponse à la question centrale posée à notre Colloque : c’est la place et le rôle du journaliste, celui, qui, par son intervention, est en situation de former, d’influer, de désorienter une opinion publique. Je dois exprimer ici, tout le respect que nous portons à ceux qui ont choisi d’exercer ce métier d’infor- mer. C’est un métier noble, exi- geant, plus difficile que l’on ne croit, avec ses pressions et ses risques. C’est aussi un métier qui demande un grand sens éthique eu égard à l’influence incontestable que les nouvelles et informations diffusées par les médias de masse peuvent avoir sur la formation de la cons- cience des gens et sur leur comportement social. Le film qui sera projeté ce soir sur la vie et la mort du journaliste haïtien, Jean Dominique, assassiné dans son studio et le débat qui suivra sur le thème : «Le métier d’informer : responsabilité et risques» contribuera certainement à mieux cerner les relations du journaliste à l’informa - tion, à ses lecteurs ou auditeurs et à son pays.

LE DÉVEL OPPEMENT

La notion de développement aussi, va certainement faire l’objet d’un débat passionné. Là, c’est la ques - tion du modèle de développement qu’il faut promouvoir et mettre en place qui fait problème. Aujourd’hui, des modèles écono - miques hérités de la colonisation subsistent encore dans la Caraïbe, c’est le cas en Guadeloupe ; des tentatives de développer un capitalisme assujetti aux intérêts de grandes puissances USA, Union européenne sont en cours ; mais aussi un modèle alternatif : l’Alternative Bolivarienne basée sur la solidarité, les échanges réciproques, équitables et complémentaires émergent, se mettent en place. Comment les médias, qui ont besoin eux aussi d’un environnement économique favorable à leur propre développement vont-ils se positionner ? La question est, com- ment garantir la liberté de l’information avec des médias qui ont besoin de plus en plus de capitaux pour exister et comment ces médias, ou plutôt, les journalistes vont-ils assurer la responsabilité de former une opinion publique responsable regardant à l’intérieur de son espace naturel plutôt que de se mettre à la remorque de la domination extérieure ? Notre Colloque permettra-il d’éclairer ces problématiques, d’une certaine complexité ? Nous sommes ici, tous, je crois, pour chercher ensemble.

L’INTÉGRATION

Enfin, la nécessaire intégration de la Caraïbe pour le développement économique et social des peuples de la région. La recherche d’intégration est une démarche de reconstruction. Bien avant l’invasion européenne et pendant le processus de domination coloniale caractérisée par le système esclavagiste, les Caribéens étaient en relation. Ils se déplaçaient d’île en île, échangeaient, commerçaient, seconnaissaient. Ces relations et les formes de coopé- ration qui existaient ont subi des distorsions créées par le colonialisme qui a imposé à nos pays des relations verticales entre eux et les pays européens au détriment de leurs relations horizontales. Ce colonialisme a élevé toutes sortes de barrières pour diviser la Caraïbe en anglophone, hispanophone, francophone, sans pour autant apporter un développement réel dans la région. Des hommes de la Caraïbe de Marty à Chavez en passant par Bolivar, Toussaint Louverture, Rémy Nainssouta ont de tout temps refusé cette partition de notre Caraïbe. Aujourd’hui, les enjeux écono- miques d’une mondialisation capitaliste destructrice des peuples et des petits pays accélèrent l’exigence d’un développent intégré, solidaire des peuples et pays de la Caraïbe.L ’enjeu, c’est d’aller vers une inté - gration globale à la fois écono - mique, sociale et politique. Comment les médias caribéens vont-ils se développer , s’exprimer dans cette phrase de construction d’une nouvelle communauté humaine s’appuyant sur ses atoutsgéopolitiques. La question peut être posée autrement : Existe-t-il des médias Caraïbes liés aux intérêts économiques des peuples de cette région et considérant que leur mission, c’est de promouvoir leur développement, leur rayon - nement à l’intérieur de leur zone géographique et sur plan inter national. Je formule le vœu, sans prétentions aucune, que nous arrivions à appro - cher la vérité de notre appartenan ce à la Caraïbe, à mesurer notre responsabilité dans cette phase historique où l’af frontement, toujours en cours des grands ensembles, nous oblige à repen - ser le monde et à concevoir l’a - venir dans notre environnement. Les médias, incontestablement, peuvent jouer un rôle, mais, gar - dons bien de penser qu’ils sont la solution.