POESIE

Pour la mémoire qui doit conduire à la prise de conscience de nousmêmes nous publions ce poème écrit avec ses «tripes» par Bozz', un jeune Capesterrien engagé dans le mouvement d'émancipation du peuple guadeloupéen. Il a rappelé qu'il a fait ses classes à la jeunesse communiste et nous le remercions.

TROIS SIÈCLES SANS RÉPIT !

Arraché de ma terre de la boue dans mon sang Arraché de moi-même mon corps en pluie de haine Qu'ai-je donc fais de mal puisque je ne suis pas blanc Ai-je mérité mon sort puisque je porte leurs chaines Mon corps n'est plus mon corps mon corps n'est plus Vérités nues d'un corps voulu ramassis d'eau Qans cette calle puante je crache ma vente à la criée Des pensées pleines de gale rongent ma boueuse peau Quand captif j'échoue au fer d'un navire négrier Mon corps n'est plus mon corps mon corps n'est plus Dans de vomi-pipi je bave des mots déments Déjà un mois de mer mon Afrique m'est bien loin Puisque mon corps mange ses propres excréments Dans cet enfer je deviens double j'ef feuille les miens Mon corps n'est plus mon corps mon corps n'est plus Dépotoirs humains brûlés aux cruautés d'monde Et me voilà dans l'ile aux plantations de cannes Comme des baobabs séchés je carême je tombe Corps tout misér eux servile j'avance comme l'âne Mon corps n'est plus mon corps mon corps n'est plus A pleine pleur dans cet enclave mon âme me haie Affamé lent mon ventre pleur e pour d'autr es ventres Je les maudits ces illettrés r ompus aux fouets Que finisse mon calvaire qu'ils arrêtent de me battre Mon corps n'est plus mon corps mon corps n'est plus Mon sucr e mon sel ma sueur résolument aigres Où fuir ou mourir quand l'exil est intérieur Rien ne trahit plus ma condition de bon nègre Ces nègr es disent-ils se mangent vite le cœur Mon corps n'est plus mon corps mon corps n'est plus Et pourtant l'espoir fleurissait aux nègr es mawon Qui refusaient de ramper jusqu'à la vieillesse Oko Afia Keb plus jamais ne souf frir ont Ils ont vaincu le fer ils ont vaincu la laisse Mon corps devient mon corps mon corps le mien Plus tar d je pars je mangerai ma soupe mon pain dur Je quitterai ma case mes peurs ces horreurs Je serai loin loin des chiens car enfin libre Libr e de moi libr e pour toi libr e nos cœurs Mon corps devient mon corps mon corps le sien.

Bozz