L’exécution de Jacques Bangou n’effacera pas la faillite du modèle colonial imposé par l’Etat français en Guadeloupe

N ous n’allons pas hurler avec les loups, au prétexte que nous avons un lourd contentieux politique avec le père, que nous considérons par ailleurs, comme un complice de l’Etat colonial dans la désagrégation de la Guadeloupe. Nous n’allons pas non plus absoudre Jacques, des fautes qu’il aurait pu commettre dans la gestion de la ville de Pointe-à-Pitre. Depuis 1992, nous avons élaboré un code moral pour les élus que nous n’avons cessé d’approfondir et d’améliorer. Malgré quelques avancées arrachées de différents gouvernements français, il reste encore beau- coup de dispositions à appliquer dans ce domaine. Nous maintenons donc l’appel que nous avons lancé, après la mise au grand jour du scandale de la CAGSC, pour en finir avec l’impunité des élus. Mais, dans le cas du maire de Pointe-à-Pitre qui n’est pas encore mis en examen, encore moins condamné pour des faits de corruption, de détournement ou de dilapidation des fonds publics, il faut reconnaître que la violence de l’attaque, à quelques mois des élections munici- pales, nous semble disproportionnée, voire suspecte. C’est à croire que le pouvoir veut faire payer quelque chose au maire de Pointe-à-Pitre, lorsque l’on voit que des élus mis en examen pour des faits de corruption continuent sous la protection des lois de la République française à gérer les finances des collectivités. Dans ce domaine de la moralisation de la vie publique et du res- pect des principes dans la gestion des fonds publics, l’Etat doit commencer par balayer devant ses portes. Cela dit, il nous faut reconnaître qu’il y a un véritable problème dans la gestion des collectivités locales et autres organismes publics ou semi-publics en Guadeloupe. Le nombre de budgets épinglés chaque année par la Chambre régio- nale des comptes, la faillite révélée des communes de la Guadeloupe dont 30 sur 32 sont en situation de déficit extrême, le cas des EPCI et autres syndicats des eaux totalement exsangues, le nombre d’entre- prises qui croulent sous les dettes sociales et fiscales, montrent que quelque chose ne tourne pas rond dans le système d’administration et de gestion des finances en Guadeloupe. Par-delà les fautes de gestion et les faits de corruption des décideurs qui, s’ils sont prouvés, doivent être sanctionnés, force est de constater qu’il y a aussi des causes structurelles à ce désastre financier. La responsabilité des décideurs politiques guadeloupéens est dou- blement engagée parce qu’ils n’ont pas fait preuve de transpa- rence envers ceux qui les ont élus, préférant jouer aux roitelets dans un mano à mano avec les représentants de l’Etat. Jacques Bangou, ne peut pas être l’arbre qui cache la forêt. Il est plus que temps d’ouvrir le débat sur une véritable politique de financement des col- lectivités publiques et des activités économiques en Guadeloupe.