L’autonomie économique est-elle possible en Guadeloupe ?

Extraits de l’intervention de Félix Flémin à la conférence organisée par le SNEG et le CIPPA sur le thème : L’autonomie politique est-elle possible en Guadeloupe ?

Je ne vais pas en 10 mn expo- ser 60 ans d’analyses, de réflexions, de propositions, mais aussi d’actions du Parti Communiste Guadeloupéen. Le temps imparti nécessite d’aller à l’essentiel, et l’essentiel n’est pas dans l’économisme, mais d’appré- hender notre réel et de projeter un autre devenir pour la Guadeloupe en cherchant à élaborer avec les Guadeloupéens une plate-forme globale, politique, économique sociale culturelle et sociétale, autre- ment dit un «Projet commun gua- deloupéen». Le constat et l’analyse de notre dépendance économique, du non développement de la Guadeloupe a été dressé il y a plus de 60 ans par le Parti Communiste Guadeloupéen et ne s’est pas démenti depuis. Depuis 1946, il y a eu la départe- mentalisation, la départementalisa- tion adaptée, la départementalisa- tion économique, on ne compte pas le nombre de lois, lois d’Orientation, lois programme. Sur les deux dernières décennies on peut citer, la loi d’orientation pour l’Outre-Mer en 2000, la loi de Programmation pour l’Outre-Mer en 2003, la loi pour le Dévelop- pement économique de l’Outre- Mer en 2009,la loi Lurel de régu- lation économique Outre-mer en 2012, la loi Egalité réelle en 2016

. Je passe sur les Etats généraux, les Assises, les livres blancs, les livres bleus, etc. La vérité, c’est qu’aucune de ces nombreuses lois votées depuis des décennies, et censées assurer notre développement, n’a empêché la catastrophe économique, sociale et sociétale qui défigure le pays. La vérité, c’est qu’aucune des mesures dedéfiscalisation, d’exo- nérations de charges sociales patro- nales, de zones franches, d’emplois aidés … n’a enrayé le chômage. La vérité, c’est qu’en dépit du volume des subventions de l’Etat et de l’Union européenne, la situation de la Guadeloupe continue de se dégrader. La vérité qu’il faut reconnaître, c’est que l’assimilation est un échec, que le droit commun français et l’inté- gration européenne, défendu par la quasi-totalité des partis et du per- sonnel politique ont conduit à la liquidation économique, sociale, culturelle, patrimoniale et environ- nementale de la Guadeloupe.

La vérité qu’il faut entendre, c’est que le modèle économique, de la libre concurrence, de la liberté d’ins- tallation des entreprises et des res- sortissants de l’Union européenne, est une entrave au développement de l’économie de la Guadeloupe. La vérité qu’il faut admettre, c’est que la Guadeloupe ne pourra se développer tant qu’elle sera enfer- mée dans le système de domination politique et économique qui sert les intérêts d’une minorité. La vérité qu’il faut reconnaître et admettre, c’est que la Guadeloupe ne peut pas se construire et se développer pour elle-même dans le cadre de l’assimilation, du droit commun français, de l’intégration européenne. En revendiquant à son Congrès constitutif «la gestion démocra- tique des affaires guadeloupéennes par les Guadeloupéens eux-mêmes, sur la base de rapports nouveaux avec la France», le Parti Commu-

niste Guadeloupéen a ouvert un nouveau chapitre de l’histoire de la Guadeloupe. C’est cette revendica- tion d’un statut d’Autonomie qui structure, depuis 60 ans, la vie poli- tique de la Guadeloupe. L’Etat colonial français a parfaite- ment compris, que le projet d’Autonomie du Parti a un contenu de classe et est d’abord orienté vers la satisfaction des besoins des couches laborieuses et populaires. Contrairement à la propagande qui tend à accréditer l’idée d’un pays de handicaps, la Guadeloupe, pays archipel, dispose de très impor- tantes ressources : -

Un espace maritime important avec une Zone économique exclu- sive d"environ 100 000 km 2 qui appartient à l’Union européenne. - Un patrimoine de biodiversité terrestre et marine dont l’ex- ploitation est soumise à l’autori- sation de l’Etat via l’Agence française de la biodiversité.

- Un environnement naturel excep- tionnel (forêts, rivières, plages, mangroves) sous contrôle de l’Etat. - Un potentiel de ressources en énergies renouvelables (éolien, solaire, énergies marines) et géo- thermique qui a été bradée à un consortium israélo étasunien.

Mais notre principale richesse, c’est notre capital humain, les travail- leurs, les jeunes de notre pays, qui pour beaucoup sont exilés et qui o nt besoin de perspective, d’un projet collectif pour la Guadeloupe. P our créer les conditions de son développement économique, la Guadeloupe doit disposer du pou- v oir politique d’élaborer les lois et règlements lui permettant : - de décider de ses règles fis- cales, douanières et d’un code d’investissements. - de protéger et de favoriser la pro- duction guadeloupéenne. - de mettre en oeuvre la priorité guadeloupéenne à l’emploi. - de privilégier l’accès au mar- ché public aux entreprises gua- deloupéennes. - de maîtriser l’exploitation et la gestion de ses ressources. - de fixer les contributions fis- cales et sociales des TPE. - de déterminer le régime des prix et des marges et d’en assu- rer le contrôle. - d’intégrer pour son propre compte les instances de coopé- ration Caraïbe. - de fixer les règles de ses échanges commerciaux avec les pays de la Caraïbe. Elle doit opter pour un modèle de développement endogène con- sistant en la création d’activités économiques à partir de l’exploi- tation des potentialités, des richesses et des savoir-faire du pays et qui ait pour finalité de répondre au mieux à la satisfaction des besoins de la population. Sans ces outils, parler de dévelop- pement et d’autonomie écono- mique est illusoire, démagogique et mensonger, il nous faut sortir du régime de l’application du droit commun français et européen ; c’est tout le sens de notre combat politique qui vise, par la voie démocratique, à négocier avec le pouvoir français, un statut d’auto- nomie, non pas une autonomie de gestion des collectivités, mais un statut de «souveraineté parta- gée» avec l’Etat français. L’Autonomie, c’est le cadre poli- tique qui nous donnera les outils juridiques, administratifs, fiscaux, douaniers, nous permettant de décider de nos orientations écono- miques en déterminant le régime général des prix et des marges des produits, et de mettre en place un projet de développement non capi- taliste en faveur des intérêts du peuple guadeloupéen. C’est là, la condition pour rendre possible l’au- tonomie politique. J’appelle, au nom du Parti Commu- niste Guadeloupéen, les patriotes, les anticolonialistes, les nationa- listes, les hommes de progrès à dépasser leurs ambitions person- nelles, à sortir des postures, des divisions et des oppositions stériles, qui font le jeu du colonialisme. J’appelle, toutes les forces politiques, sociales et culturelles engagées dans la lutte pour l’émancipation et la défense des droits du peuple guade- loupéen à s’accorder sur un projet commun guadeloupéen, c’est-à- dire sur une plateforme minimale de développement économique, de justice et de solidarité sociale, de valorisation culturelle et d’émanci- pation politique, qui ouvre des pers- pectives au pays et aux générations qui viennent. Je verse comme contribution la proposition d’un statut de large autonomie, défendue par le Parti Communiste depuis 61 ans et constamment enrichie depuis. L’autonomie que nous revendi- quons, c’est un statut de souverai- neté partagée, pour construire

avec l’Etat et la nation française de nouvelles relations, en rupture avec le système colonial et assimi- lationniste et de nouveaux rap- ports avec l’Europe. L’autonomie que nous revendi- quons, ce n’est pas l’autonomie locale qui ferait de nous des géreurs de la colonie, mais l’autonomie poli- tique qui institue un véritable pou- voir politique disposant des compé- tences législatives et réglementaires, pour porter des solutions concrètes aux problèmes récurrents du pays dans les domaines de l’emploi, de l’exclusion, de la formation, du loge- ment, de la santé, de l’éducation, de l’organisation du transport terrestre et maritime, de l’eau, des énergies, de l’environnement, de l’aménage- ment de notre archipel… L’autonomie que nous voulons c’est pour mettre en oeuvre la priorité guadeloupéenne à l’em- ploi, avoir la propr

iété et la maî- trise de toutes nos ressources et de notre patrimoine naturel, his- torique et culturel, de vivre notre identité de guadeloupéen et d’af- firmer notre appartenance et notre apport à l’humanité. La question qui nous est posée c’est celle de la décolonisation, il est plus qu’urgent de s’accorder sur un Projet commun guadelou- péen pour ouvrir une telle perspec- tive à la Guadeloupe. C’est une question politique qui engage chaque Guadeloupéen.