Le congé bonifié des fonctionnaires «Outre-mer» dans le collimateur de Macron

Le Président Emmanuel Macron a annoncé, lors de la restitution du «Livre bleu» des Assises des Outre-mer, une réforme des congés bonifiés, à compter de 2020. Il a présenté cette réforme sous la formule : «Des congés moins longs mais plus réguliers. Un mois tous les deux ans».

C ette réforme qui pourrait se faire dans les six mois après la publication d’un décret en juillet 2019, cristallise le méconten- tement des fonctionnaires origi- naires de l’Outre-mer, exerçant en France. Cette décision de Macron est vu comme une marque de désintérêt, une façon de stigmatiser ces fonc- tionnaires et de balayer avec mépris la spécificité des départements, régions, collectivités et territoires «d’Outre-mer». Car, il faut le savoir, le congé bonifié a été acquis de hautes luttes, conduites notamment par les camarades de la CGT comme notre camarade Jocelaine Chipotel, aujourd’hui décédée. Instaurés en 1978 dans une optique de continuité territoriale, les congés bonifiés permettent aux fonction- naires de rentrer dans leur territoire d’origine. Ils concernent les trois secteurs de la fonction publique : Etat, hospitalier, territorial. Jusqu’à présent les agents bénéfi- cient de 65 jours (dont 35 jours de bonification) qu’ils peuvent pren- dre d’affilés pour rentrer dans leur pays et maintenir les liens familiaux, tous les 3 ans. Ils bénéficient d’une prise en charge de leurs frais de transport ainsi que ceux des conjoints qui touchent 1500 euros brut par mois et des enfants mineurs du foyer. A cela s’ajoute, bien sûr, la prime de vie chère pour le temps de résidence sur place.

Dans un rapport d’information adopté par la délégation Outre- mer de l’Assemblée nationale le 16 mai 2019, les députés souli- gnent que ces congés bonifiés ne constituent pas un privilège, mais sont la contrepartie de l’éloignement, un acquis social qui résulte de l’histoire. Les syndicats, les associations des «Outre mers», les élus sont mobili- sés pour s’opposer au contenu de la réforme que le gouvernement a tenté de faire passer en force et qui s’articule autour de 3 points : a) Départ tous les deux ans dès 2020 pour ceux qui ont utilisé leurs congés bonifiés en 2018. b) Suppression du congé supplé- mentaire (la bonification 30 jours), instituée par décret. c) Suppression du versement de la surrémunération (appelée indemnité de vie chère) insti- tuée aussi par décret. Il est clair que cette réforme intitu- lée «Plus souvent et moins long- temps» ne vise qu’à faire des écono- mies pour l’Etat. Face à cette offensive, les organisa- tions syndicales appellent les origi- naires des «Dom» à préparer une riposte d’envergure. La délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale appelle le gouvernement à une plus grande concertation avec les personnes concernées et formule 7 préconisa- tions parmi lesquelles : - Passer un marché interministériel permettant d’acheter des billets d’avion au meilleur prix et avec un maximum de souplesse. Réfléchir à un mécanisme permettant d’asso- cier les deux autres fonctions publiques de manière à les faire bénéficier des meilleurs tarifs. - Acheter le plus précocement pos- sible les billets d’avion, d’autant que les dates de départ sont générale- ment fixées six mois à l’avance. - Examiner les critères relatifs au CIMM (Centre des intérêts maté- riels et moraux) avec bienveillance et ne pas les utiliser comme un moyen de réguler le nombre de congés bonifiés. - Appliquer strictement les mêmes critères à tous les demandeurs de congés bonifiés, qu’elles que soient leurs administrations d’origine. Créer, si nécessaire, un groupe de travail interministériel pour harmo- niser les pratiques et réduire le nombre de recours contentieux. Les rapporteurs de la commission d’information invitent les ministres à prendre le temps de la réflexion et de la concertation et surtout à ne pas réformer contre la volonté des fonctionnaires de «l’Outre-mer». Ils vont même jusqu’à citer Nelson Mandela : «Ce que vous faites pour moi, mais sans moi, vous le faites contre moi».