Faisons preuve de réalisme politique

P our n’importe quel Guadeloupéen qui s’élève à la com- préhension de la nécessité de sortir notre pays de la tutelle du colonialisme français, l’exigence de réalisme est plus que jamais impérieuse. D’abord, parce que plus de 60 ans après la formulation de la reven- dication de l’autonomie, il serait irresponsable, voire criminel de continuer à opposer cette dernière à l’indépendance nationale. Car, de notre point de vue, l’un et l’autre de ces statuts doivent être appréhendés comme orientation, comme chemin par rapport à l’es- sentiel : la véritable libération sociale de notre peuple. Ensuite, parce que sur le plan économique et social, la situation qui nous est faite par la départementalisation érigée en système de domination coloniale, ne cesse de se dégrader. En effet, en plus des problèmes récurrents qui pourrissent quotidiennement la vie des Guadeloupéens, notre pays (qui se vide de ses meil- leures jeunes tandis que fleurissent les EHPAD) risque chacun le sait aujourd’hui de devenir une immense plate-forme de trans- bordement chargé de conteneurs parmi lesquels déambule- raient des ombres d’un peuple «zombifié». Mais plus grave encore, on assiste à un net recul sur le plan poli- tique et idéologique, un réel tassement dans le développement de la conscience identitaire. Nous sommes confrontés à des comportements surprenants, irra- tionnels qui vingt ans en arrière ne se manifesteraient point. On voit des compatriotes qui se mouillent le maillot, pour ne pas dire plus, pour figurer en bonne place sur la liste de Marine Lepen, laquelle a juste procédé à un lifting de son parti, le Front national, devenu aujourd’hui le Rassemblement national. D’autres encore qui, pour se lancer en politique n’hésitent pas à rechercher le parrainage de partis nationaux français n’ayant ni dans leur programme, ni dans leur pratique aucune attention pour le peu- ple guadeloupéen, aucune attache avec le pays Guadeloupe. Enfin, parce que c’est la réalité, en dépit de tout ce qui précède, de plus en plus de nos compatriotes se prononcent à travers les médias à l’occasion de moult émissions de proximité pour un changement qualitatif, un statut d’autonomie. Faire preuve de réalisme politique, ce n’est pas simplement admet- tre que qui peut le plus peut le moins. C’est analyser de fond en comble la crise que traverse notre société, donner l’attention qu’elles méritent aux aspirations des masses populaires et ne pas se tenir trop éloignés de leur réel positionnement.

Faire preuve de réalisme politique, c’est donner au pays et à son peuple la possibilité d’aller de l’avant en les sortant du carcan mortifère de la départementalisation. C’est faire avancer la cause anticolonialiste en s’accordant sur la plate-forme minimale de statut de large autonomie dont le contenu politique, juridique, économique, social et culturel constitue une garantie, une base sérieuse pour assurer le développement multi- forme du pays, le progrès réel de notre peuple.