Les AFRÈS : Yo pété chenn pou libèté an nou !

Il faut reconnaître que notre situation actuelle est une forme d’asservis- sement moderne des travailleurs qui sont embrigadés dans un style de vie qui ne laisse que peu de place à leur propre décision, à leurs aspirations profondes à leurs traditions.

N ous ne sommes plus au temps où quelques dizai- nes de Guadeloupéens, répondant à l’appel du PCG, com- mémoraient le combat de Delgrès, de Ignace, de Solitude et de leurs autres compagnons de lutte. Plus au temps où le mérite de l’abo- lition de l’esclavage revenait en prio- rité à Victor Schoelcher qui était vénéré dans tout le pays. Plus au temps où l’image du «nèg mawon» se reflétait davantage en termes de sauvage, de sangui- naire, d’abruti… que de résistance à l’oppression et de lutte pour conquérir sa liberté.Nous en sommes heureux et fiers. C’est le fruit du travail complémen- taire de tous ceux qui ont tenu contre vents et marées, à démythi- fier, voire dénoncer, l’histoire frela- tée qui était officiellement servie aux Guadeloupéens.Avec des hauts et des bas, les choses ont évolué. Nous en sommes à la reconnaissance offi- cielle de l’esclavage : Crime contre l’humanité. C’est un progrès indé- niable. Mais nous sommes encore très loin de la libération totale de l’Homme guadeloupéen. Notre situation actuelle ressemble beau- coup à un esclavage moderne, sans chaînes apparentes, mais avec des entraves multiples sur le chemin de notre libération. Alors, si aujourd’hui, la multiplicité et la diversité des manifestations commémoratives autour de l’aboli- tion de l’esclavage restent des élé- ments assurément positifs, nous sommes sincèrement inquiets de l’absence ou de l’insuffisance de base visant notre responsabilité, à nous Guadeloupéens, descendants des AFRÈS, de nous montrer à la hauteur du sacrifice de nos héros.

Ceux-ci ont par leurs luttes «pété» les chaînes de l’esclavage. Ils ont fait leur part à leur époque avec les moyens dont ils disposaient. Commémorer de nos jours, ces tranches d’histoire héroïques, c’est non seulement nous rappeler leurs luttes, leurs souffrances, leurs sacri- fices, mais aussi, nous imposer à nous-mêmes, le devoir de continuer leur combat sur un terrain nouveau et en allant plus loin qu’eux. C’est reconnaître que notre situation actuelle est une forme d’asservissement moderne des travailleurs qui sont embrigadés dans un style de vie qui ne laisse que peu de place à leur propre décision, à leurs aspirations pro- fondes à leurs traditions. Alors, pouvons-nous baisser les bras face à une telle situation qui se dété- riore sous nos yeux ? Ne devrions-nous pas, à l’exemple de nos ancêtres, refuser la situa- tion actuelle et nous engager réso- lument sur le chemin, assurément semé d’embûches pour arriver à la totale émancipation de l’Homme guadeloupéen ? Nous devons définitivement com- prendre que nous ne pourrons jamais être libres et nous épanouir dans le cadre d’un système basé sur l’oppression et l’exploitation de l’homme, ce qui engendre absence de liberté et de dignité. Nous devons dire NON à la situa- tion actuelle et en même temps, choisir en toute lucidité, un cap commun, pour avancer ensemble dans la construction d’une Gua- deloupe responsable, au travail et dans la dignité. «La résistance à l’oppression est un droit naturel».