L'Amérique latine se consolide à gauche (suite et fin)

COMMENT ONT ÉVOLUÉ LES RAPPORTS ENTRE LES ETATS-UNIS ET L'AMÉRIQUE LATINE ?

A l'orée de son premier man- dat, George Bush -qui baragouine l'espagnol-, avait annoncé son intérêt pour le sous-continent, ce qui n'était pas de bon augure. Les circonstances ont fait qu'il s'est trouvé mobilisé après le 11 septembre. Le malheur des uns. Il faut cependant mettre à son “actif”, l'appui au coup d'Etat avorté du 11 avril 2002 au Venezuela, comme à l'«actif» d'Obama l'appui de fait au coup d'Etat de juin 2009 au Honduras contre le président élu Manuel Zelaya. La politique des Etats-Unis en Amérique latine est restée pratiquement identique d'un président à l'autre. Mais elle a trouvé en face d'elle un conti - nent de plus en plus soudé pour lui résister. En témoignent, comme nous l'avons vu plus haut, l'échec de la ZLEA, la création de l'ALBA, de l'UNASUR et de la CELAC. Aujourd'hui, la priorité des prio- rités de Washington est de dés- tabiliser le Venezuela dans la perspective de l'élection présidentielle d'octobre 2012 à laquelle Chavez sera à nouveau candidat. Les services américains financent les opposants au gou - vernement bolivarien, organi- sent contre lui des campagnes de presse, parfois grotesques, mais qui trouvent des relais complaisants dans les grands médias, plus particulièrement en Espagne et en France. Dans les mois qui viennent, il faut s'attendre à une intensifica - tionde la désinformation contre Chavez. A cet effet, les agents de la CIA implantés dans les ambassades américaines sont à la manœuvre un peu partout en Europe. Un de leurs objectifs est de créer un “cordon sanitaire” autour du gouvernement vénézuélien pour l'isoler non seulement de la droite, mais aussi des forces de gauche en Europe. Sont aussi visés les mouvements de solidarité avec le Venezuela et l'Amérique latine.

L'AMÉRIQUE LATINE POURRAIT- ELLE SERVIR D'EXEMPLE À L'EUROPE ?

Bien sûr ! Ce qui frappe en Amérique latine, c'est que l'inté- gration passe moins par l'économique que par le politique. C'est la volonté politique qui prime, l'exemple de l'ALBA étant à cet égard significatif. C'est aujourd'hui le continent le plus sta - ble du monde, on devrait donc s'y intéresser ! Or ce qui est sidérant, c'est le peu d'intérêt que la majorité de la gauche européenne lui porte, pour partie en raison du matraqua - ge médiatique hostile. A cet égard, les agissements de la CIA et du département d'Etat ont porté leurs fruits. Le terrain est d'autant plus facile à occu- per pour la propagande américaine que peu nombreux sont les dirigeants de gauche qui ont un minimum de cultu- re “latine” et qui parlent espagnol ou portugais. Ceux qui ont une bonne connaissance de l'Amérique latine et qui en tirent vraiment les enseignements sont Alain Lipietz (mais il n'a plus de responsabilités nationales chez les verts EE) et surtout Jean-Luc Mélenchon. Le candidat présidentiel du Front de gauche y a fait plusieurs voyages d'études, il parle bien espagnol, et le titre de son livre “Qu'ils s'en aillent tous!” est un clin d'oeil au mouvement social argentin du début des années 2000 avant l'arrivée au pouvoir de Nestor Kirchner . A un degré moindre, j'ajouterai Olivier Besancenot qui se réfère souvent au Che et qui a fait des visites à Cuba et au Venezuela.

ET , CHEZ LES SOCIALIS TES, ARNAUD MONTEBOURG ?

Posez-lui la question ! Je note que, dans son entourage pro- che, Christiane Taubira, élue de la Guyane, est très sensibilisée aux questions latino-américaines. Par ailleurs, Montebourg a cité la modalité du référendum révocatoire prévue par la Constitution vénézuélienne comme un exemple à suivre pour la VIème République.

Au sein de la gauche du PS, Benoît Hammon et le maire de 14ème arrondissement de Paris, Pascal Cherki, sont également très attentifs à ce qui se passe en Amérique latine.

En revanche, je n'ai jamais entendu François Hollande ou Martine Aubry s'exprimer sur le sujet.

POURQUOI CE MANQUE D'INTÉRÊT ?

Je crois que l'Amérique latine donne mauvaise conscience aux dirigeants sociaux-démocrates : il y a dans cette région du monde des processus de transformation sociale qu'ils n'auraient peut-être pas le courage de mettre en place en France. Au mieux, ils ne veulent pas voir ce qui se passe làbas, ils regardent ailleurs. Au pire, ils reprennent à leur compte les campagnes de désinformation et de dénigre - ment des grands médias.

L'Amérique latine est aujourd'- hui la seule région du monde où, certes de manière parfois désordonnée, des gouvernements mettent en œuvre des mesures réellement

progressistes, créent les condi - tions de la participation popu- laire, rompent avec les dog- mes néolibéraux, mettent le projet politique au poste de commandement et instaurent, dans le cas de l'ALBA, des formes de relations internationa - les fondées sur la solidarité et non pas la concurrence.

Ces expériences mériteraient logiquement d'être étudiées et soutenues par tous les mou - vements de gauche en Europe. Ce n'est pas -ou pas encore- le cas. Sans doute parce qu'elles constituent un vivant reproche pour tous ceux qui ont renoncé à chan - ger la société autrement qu'en paroles.

Source : LG