Guadeloupe : Bilan économique 2018

Le 11 juin dernier, l’Iedom* et l’Insee* ont organisé une conférence de presse au cours de laquelle a été pré- sentée deux ouvrages impor- tants : Le rapport annuel 2018 de l’Iedom et le bilan économique 2018 de l’Insee.

L’ Iedom devenu filiale à 100% de la Banque de France depuis 2017, poursuit les métiers de banque centrale, ainsi que des missions de service public qui lui ont été confiées par l’Etat (traitement du surendettement des ménages, médiation du crédit, accompagnement des T.P.E., rôle d’éducateur économique, budgé- taire et financier). Par cet ouvrage et ses autres publi- cations : études macroéconomiques financières du territoire, utilisation des cotations d’entreprises selon le fichier bancaire des entreprises de la banque de France ; il apporte aux responsables politiques et écono- miques ainsi qu’aux acteurs de la société civile, des données, des ana- lyses, des études «fondamentales» à la réflexion, au diagnostic et aux décisions sur les sujets concernant notre pays de Guadeloupe. Le bilan économique présenté par l’Insee Guadeloupe dans son bulle- tin de conjoncture est un ouvrage qui retrace la situation économique de la Guadeloupe en 2018 à travers cinq thèmes relatifs à l’activité régionale, complétés par deux cha- pitres consacrés à la conjoncture nationale et internationale

. Il résulte de la coordination par l’Insee Guadeloupe des contributions de l’Iedom, de la Deal*, du Dieccte*, de la Daaf*, du Gpmg*. Ces deux ouvrages constituent une documentation importante dans la mesure où elle sert de référence à tout ce qui se décide et se prépare pour la Guadeloupe en termes économiques. C’est dire qu’il est indispensable pour tout citoyen d’en prendre connaissance avec un esprit critique aiguisé pour mieux saisir la diffé- rence entre l’image de la Guadeloupe qu’on veut montrer pour justifier les politiques publiques conduites jusqu’à ce jour, et le réel guadeloupéen dont les «résur- gences» se manifestent sous des formes diverses et gravissimes.

De prime abord, ces ouvrages peuvent réjouir le lecteur avant de l’interpeller sérieusement. Jugez-en ! Lorsqu’en couverture on lit : «Bilan économique 2018. La trajectoire positive de l’écono- mie se confirme. (…) L’emploi salarié augmente, les autres indi- cateurs montrent des signes d’amélioration : la création d’en- treprise retrouve le niveau record de 2012, l’investissement est en hausse, la consommation des ménages résiste malgré une légère reprise de l’inflation. La fréquenta- tion hôtelière, la croisière et le tra- fic aérien profitent de la très forte embellie du tourisme».Cela met du baume au coeur, mais, quant on va au fond des choses, on réalise le contraste qui existe entre des formulations basées sur des chiffres, peut-être exacts, et le vécu des Guadeloupéens.

A titre d’exemple, une page annonce en gros caractères :«Synthèse régionale : une activité qui se consolide». Les sous-titres d e la synthèse sont les suivants : • «Hausse de l’emploi salarié», mais o n précise que le taux de chômage ne baisse pas soit 23% de la popula- tion active ; que le nombre de d emandeurs d’emploi chez les séniors (autour de 50 ans) aug- mente de 4,8%. Chez les 25-40 ans et les moins de 25 ans il diminue respectivement de 2% et 10%. • «Les crédits augmentent». Les collectivités locales recommencent à investir, les crédits à l’investisse- ment augmentent de 3,9%, la sinis- tralité bancaire s’améliore avec une baisse de 10% des créances dou- teuses. • «Inflation des prix modérée» + 1.2% de l’indice des prix à la consommation. Tous les secteurs sont en hausse mais particulière- ment celui des produits pétroliers +7.8% et des produits frais +6.2%. (Sans noter que ces deux secteurs constituent les 2/3 des dépenses des ménages.) • «Dégradation de la balance com- merciale». Hausse des importations de 6% portée par les biens d’équi- pement dont les voitures. Les exportations vers la France aug- mentent de 20% ce qui limite la baisse globale. (Mais on découvre que cette augmentation corres- pond à la hausse de réexpédition de matériels de transport.) • «Une activité touristique dyna- mique» qui se base uniquement sur la hausse de la fréquentation hôtelière, des transports aériens et maritimes. (Peut-on ignorer les circonstances particulières de cette année ?) • «L’entrepreneuriat en bonne santé» Au regard de 12% d’aug- mentation de créations d’entre- prises dans tous les secteurs avec 11% des créations dans le seul sec- teur de la construction. Les défail- lances d’entreprises ont baissé de 3,4%. (Il faut regarder plus loin pour découvrir que 78,8% des établissements n’ont aucun sala- rié, seuls 3% en ont plus de 9 et que c’est l’ensemble des secteurs qui sont ainsi atomisés. Le tribu- nal a-t-il connaissance de toutes les petites entreprises qui dispa- raissent sans faire de bruit ?). • «L’agriculture reprend douce- ment» On pourrait dire plus fran- chement que les résultats de ce secteur se dégradent même en tenant compte du passage des ouragans en 2017. C es sous-titres peuvent embellir la réalité aux yeux du lecteur non averti, mais les données chiffrées q ui les accompagnent, même en l’absencede commentaires judi- cieux qui permettraient de mieux c erner le réel guadeloupéen, montrent bien les incohérences, les non-sens, et le caractère génocidaire des orientations de l’Etat colonial dans notre pays. Il est souhaitable que très rapide- ment des économistes libres de leurs opinions se penchent sur un travail d’élaboration d’indicateurs fiables pour analyser la situation économique du pays afin d’éclairer o bjectivement la population. O n ne pourra pas avancer dans le «vèglaj» permanent, car les faits sont têtus et on ne pourra pas tou- j ours les masquer par une «custo- misation» habile. L es Nouvelles Etincelles se propo- sent de vous livrer la suite de son analyse.A suivre… * Iedom : Institut d’émission des départements d’outremer * Insee : Institut national de la statistique et des é tudes économiques * Deal : Direction régionale de l’environnement, de l’amé- n agement et du logement * Dieccte : Direction des entreprises, de la concurrence, de l a consommation, du travail et de l’emploi de la G uadeloupe * Daaf : Direction régionale de l’agriculture et de la forêt.