Changer de statut pour moraliser la vie publique et assurer le progrès réel de notre pays

Depuis longtemps déjà, le sys- tème colonial départementalisé a introduit chez nous une éco- nomie parallèle. Et l’on est géné- ralement enclin à l’admettre, en tous cas, à ne pas la combattre vraiment, considérant que compte-tenu du chômage endé- mique qui sévit en Guadeloupe, le recours à la «débrouillardise» constitue une parade pour ceux qui n’ont pas pu entrer sur le marché du travail «régulier».

Ce que nous feignons d’ignorer, c’est que cette économie paral- lèle a conduit inévitablement au développement d’une moralité parallèle. Ainsi, ce qui a monté en flèche au cours de ces dernières décennies, c’est la surconsommation de bois- sons alcoolisées (nous sommes classés au premier rang des consommateurs de champagne), la toxicomanie, le trafic d’influence, la corruption, la contrebande ainsi que la prostitution. Autant de déviances qui produisent des vio- lences qui s’ajoutent à celles déjà exacerbées de la domination colo- niale et de la pwofitasyon. Nous ne pouvons pas oublier les propos d’un père de famille lors d’une activité militante en direction des masses : «Vous les commu- nistes, on peut raconter ce que l’on veut, mais vous avez raison sur tout. Autant sur votre analyse de la situa- tion qui nous est faite, sur la dénon- ciation du système, que sur les changements que vous préconisez. Mais je ne peux pas être avec vous. An sé on débouya (je suis un débrouillard dans le système. Vous me comprenez n’est-ce pas ?». Nous avions très bien compris sur- tout qu’avec exemples à l’appui, il nous indiquait clairement qu’il était à fond dans l’économie parallèle.

Pourrait-on comparer le comporte- ment de certains de nos élus avec celui de «notre père de famille ?». Ceux-ci qui se rendent parfaite- ment compte que le statu quo qui ne peut en aucune façon générer le développement éco- nomique et apporter le progrès et le mieux-être pour notre peu- ple, n’osent pas franchir le pas. Cependant, parmi eux, se trou- vent quelques-uns qui n’hésitent pas à se dire autonomistes tou- jours en privé naturellement. Alors, pourquoi donc préfèrent-ils au nom de leurs intérêts person- nels de carrière, se comporter en vassaux dans le cadre mortifère de l’assimilation ? Pourquoi remettent-ils sans cesse aux calendes grecques le changement de fond au lieu de montrer le chemin aux masses populaires qui de plus en plus prennent conscience de la nécessité de celui-ci ? «Je suis pour l’autonomie, mais pour moi, c’est une question de calendrier» avait carrément confié l’un d’eux au Secrétaire Général de notre Parti.

Aujourd’hui, avec la convocation d’une énième réunion du congrès les 26 et 27 juin, voici l’ultime occa- sion pour ces élus qui ne cessent de pratiquer la fuite en avant sur cette question capitale pour notre peu- ple, l’heure de vérité. Les propos formulés sur les ondes par un autre d’entre eux la semaine dernière et qui écartait la mise en oeuvre d’une simple Assemblée unique peuvent-ils indiquer la pro- messe de déboucher sur quelque chose de tangible permettant l’érection d’un réel pouvoir auto- nome du peuple guadeloupéen ? De notre point de vue et au regard de la situation de profonde crise que vit notre pays, le mini- mum qui pourra permettre d’aller vers des changements décisifs de fond garantissant le développe- ment endogène et le progrès réel, c’est l’érection dans les meilleurs délais d’une large autonomie avec une Assemblée délibérante pour voter des lois adaptées à nos besoins, à notre réalité. Oui, il faut changer de statut pour moraliser la vie publique dans notre pays, assurer le développe- ment multiforme et le progrès réel de notre peuple.