Henry Bernard dit “Rasin”

«Henri Bernard,militant nationaliste et anticapitaliste engagé,professeur de philosophie, ancien prisonnier politique est mort le 12 décembre 2011. Ces camarades et anciens compagnons de lutte,lui ont rendu un hommage public le samedi 14 janvier au Palais de la Mutualité à Pointe-à-Pitre. Les patriotes et les Guadeloupéens qui ont le sens de «l'homme et du pays»,qui se sont associés à cet hommage ont pu voir une exposition sur ses combats,entendre des témoignages sur sa vie.La manifestation s'est terminée par une partie culturelle. Nous publions l'article d'hommage que Luc Reinette l'un de ses compagnons de combat a adressé à la rédaction de Nouvelles Etincelles.

Henry Bernard nous a quittés lundi 12 décembre 2011 vers midi, à l’âge de 73 ans. Henry Bernard, né le 10 septem- bre 1933 au Carmel à Basse-Terre a consacré sa vie d’une part à la conscientisation de son peuple et du peuple martiniquais qu’il a fréquenté des années durant, d’autre part à son combat politique résolu contre l’occupation de la Guadeloupe par la France. Cette conscientisation s’est concrétisée en 1970 par la sortie d’un disque qui sera attaqué en justice par les autorités françaises en raison de son titre et de son contenu : ‘’Conscience de race, Conscience de classe, Conscience nationale’’. Ce disque ‘’33 tours’’ a constitué une arme à l’époque, puisqu’il s’identifiait comme une charge contre le colonialisme français, contre l’occupation de nos pays de Guadeloupe et de Martinique, contre les exploi- teurs békés et autres qui pratiquaient déjà la ‘’pwofitasyon’’. Cette conscientisation s’est égale- ment concrétisée par l’édition en 1981 de deux livres de contes illustrés, respectivement intitulés ‘’Pèsiyet ‘’et ‘’Ti-Jan Lorizon’’ qui combattent pour l’un les supersti- tions quinous bloquent dans nos initiatives et pour l’autre la prétendue supériorité de certains hommes par rapport à d’autres. Dans ce conte, Ti-Jan réussit-à force de ruse- à se débarrasser de son ‘’maître’’ le béké Bofon et à le remplacer sur la plantation. Professeur de Philosophie, Henry Bernard enseigne en Martinique dès 1968, après plusieurs années passées en France où il passera son CAPES et exercera dans différents établissements scolaires. Il a été un proche de Guy Cabort- Masson ce militant indépendantiste martiniquais disparu en mars 2002, qui jeune officier dans l’Armée française en Algérie, déserte, et rejoint comme Frantz Fanon, les rangs du Front de libération Nationale algé- rien. Lorsque Guy Cabort-Masson rentre en France clandestinement en 1967, alors qu’il est sous le coup d’une condamnation de 20 ans de prison par contumace, Henry Bernard fait p artie du réseau de ceux qui l’hébergent et le cachent. C’est donc tout naturellement qu’en 1970, Guy Cabort-Masson et Henry Bernard deviennent membres fonda - teurs de l’AMEP , l’Association Martiniquaise d’Education Populaire, établissement scolaire alternatif qui développe des méthodes pédago - giques plus adaptées au contexte socio-culturel martiniquais. Rentré en Guadeloupe en 1979, où il va également enseigner , Henry Ber nar d va s’engager corps et âme dans le combat devant mener à la libération de la Guadeloupe.

Il va être un membre dirigeant du MPGI et plus tard un membre actif de l’ARC et du Conseil National de la Résistance Guadeloupéenne (C.N.R.G). Il quitte clandestinement la Guadeloupe par voie maritime le samedi 18 juillet 1987 pour se rendre au Guyana, via la Dominique, en compagnie de Michèle Fabre, Henry Amedien et Luc Reinette. A vec eux et le grand pilote d’avion Georges Marechaux, il sera fait prisonnier par les français le 21 juillet 1987 à Saint-V incent, et déporté le 25 juillet en France à la maison d’Arrêt de Fresnes. Entre le 18 et le 21 juillet 1987 ce groupe de rebelles dont il faisait par - tie va parcourir en mer et dans les airs plus de 2500 kms, passant successive - ment à la Dominique, à Canouan, au Guyana, au Surinam et enfin à Saint- Vincent. Cette véritable épopée dont la finalité était de poursuivre la Résistance contre les colonialistes français, par l’installation au Guyana d’un Gouvernement Provisoire, s’est soldée par le Rapt à Saint-Vincent qui a mis en lumière la complicité entre le Premier Ministre de l’é - poque, James Mitchell et le gouver- nement français. A cette période, Henry Bernard avait déjà été condamné par les juges français à 8 ans de prison par défaut. Il était en mawonaj lors de sa condamnation et fut d’ailleurs le premier marron guadeloupéen de l’ère moderne !

S’il faut retenir de ce penseur et homme d’action une maxime forte, cela serait celle-là : ‘’La matière ne peut pas triompher de l’esprit !’’ Son enseignement auprès des jeunes et des moins jeunes consistait à toujours privilégierl’êtr e par rapport au paraîtr e, à tou - jours croire en ses capacités à concrétiser ses rêves, à toujours avoir une foi inébranlable en la cause pour laquelle on s’engage, en dépit des obstacles et décon venues. Henry Bernard jugeait un militant politique en fonction de la disponi- bilité de ce dernier pour la lutte cont- re l’occupant français : pour lui cette disponibilité devait être permanente et primer sur toute autre activité ou considération.

Enfin, devant l’apparente résigna- tion de certains et l’aliénation extrê- me d’autres, il affirmait avec force que : ‘

’Nul Peuple ne peut renoncer à lui même, et le Peuple guadeloupéen ne fait pas exception à cette loi fondamentale et naturelle’’.

Le nom de combattant d’Henry était RASIN (RACINES) et ce nom à lui seul symbolisait l’Homme. Ce grand pen- seur était aussi poète et peintre dont les aquarelles de petite taille et d’une extrême précision étaient signées Zyé, l’œil qui voit plus loin que le simple regard. Depuis la prison de Fresnes, il avait écrit ce texte, en forme de testament qui prône l’unité et nous engage à poursuivre le combat libérateur :

Lè ou vwè nou ké sanblé Adan on sel rasanm-ansanmLè ou vwè nou ké bwaré Rèdomawto é byen bandéAsiré pa pétètNou ké pété chenn-laKi ka maré nou laDépi nanninannan.