A la découverte des ressources naturelles et de l’économie endogène de notre territoire

Dimanche 30 juin dernier, la dynamique région commu- niste de Basse-Terre compre- nant les communes de Trois Rivières, Basse-Terre, Saint- Claude et Baillif, a organisé la visite d’une exploitation agricole sur les hauteurs de Baillif, précisément sur la route de Campry. C’est l’exploitation de M. Etienne Crane qui a été visitée.

S ous la houlette du très frin- gant octogénaire, qui n’a rien à envier à un sportif de 40 ans, nous avons eu un accueil cha- leureux et une prise en main à caractère pédagogique pour nous permettre de bien faire connais- sance avec ce domaine agricole tenu de main de maître par Etienne Crane aidé de sa famille. Avant d’aller sur l’exploitation, nous avons eu droit à un résumé à caractère historique, qui a notam- ment cerné l’origine de cette pro- priété. Elle fait partie d’un morcelle- ment des terres que l’Etat avait donné aux «Frères dominicains». Ces derniers, ayant quittés le pays à l’approche de la Révolution fran- çaise de 1789, ces terres ont été morcelées et vendues en lots de 150 et 200 ha, puis, au fil des années, en plus petites parcelles. Les Frères dominicains avaient obtenu en 1787, l’autorisation de l’Etat pour prélever l’eau de la rivière Saint Louis. Ce droit d’eau a été transmis avec toutes ces terres après morcèlement. Ce qui consti- tue une donnée particulière. Etienne Crane est un amoureux de la terre, avec laquelle il entre- tient une véritable relation fusion- nelle

. Il croit en cette terre nourri- cière et il l’exploite avec intelli- gence et ingéniosité. Sur 56 000 m 2 , il cultive café, agru- mes, curcuma, gingembre, vanille..., mais en réalité on y trouve de tout : racines, bananes, fruits divers, plan- tes médicinales… Ces différentes espèces se côtoient harmonieuse- ment et en s’aidant mutuellement. M. Crane essaie de se passer le plus possible de pesticides et limite l’achat des intrants en utilisant les déchets de sa production pour amender ses sols. Il fait en perma- nence de l’expérimentation pour affiner ses propres techniques. En fin de visite, on aboutit au point «boutique» où les visiteurs peuvent acheter des produits de la planta- tion : clémentines, avocats, bananes dessert, papayes, curcuma et gin- gembre en poudre, surelles en confiture mais aussi le bon café tra- dition «Man Lisa», du nom de la mère d’Etienne Crane, qui elle- même, faisait déjà son café-tradi- tion. Aujourd’hui, Etienne Crane transforme sur place son café -tou- jours le pur arabica. Il s’est doté d’un parc de matériels modernes qui lui permettent de transformer lui- même son café qui est commercia- lisé par une société. Mais Ernest Crane n’est pas seule- ment agriculteur, c’est un remar- quable chef d’entreprise agricole qui a déjà fait ses preuves dans le pays mais qui a 85 ans a encore la tête pleine d’idées pour l’agriculture gua- deloupéenne et ses dérivés. Il croit
f ermement en la capacité d’auto- suffisance de l’agriculture guade- loupéenne. Aussi nous ne pouvions quitter C ampry sans aller voir le captage de la rivière Saint-Louis qui représente un exemple vivant d’une entreprise a ssociative créée en 1971 par un groupe d’agriculteurs avec à sa tête Etienne Crane. Ce dont ce dernier, en dépit de son important passé de dirigeant de coopérative, est le plus fier, c’est la création de cette association syndi- cale unique en son genre : l’ASISL (Association syndicale d’irrigation de Saint-Louis). En 1971, 40 agri- culteurs se sont regroupés pour créer un réseau d’irrigation à Baillif. Cela a été bouclé en3 ans. Le montant des investissements dépassait 7

50.000 euros. Ils ont pu emprunter 400.000 euros auprès d’une banque qui a accepté de les suivre. Le reste a été obtenu à titre d’aides du Conseil général et du ministère de l’Agricul-ture. Ce sont 800 ha qui ont pu être irrigués par une eau pure, captée en pleine forêt. Mais, de plus, sur ce réseau de 40 km de canalisations dont 7 sont la propriété du syndicat mixte, a été installé en 1995 des micro centrales électriques dont la vocation est de produire de l’élec- tricité revendue à EDF. Aujourd’hui elles produisent 10 millions de kilowatts d’électricité qui rapportent 110.000 euros par an. De plus ces centrales ont per- mis d’éviter l’installation coûteuse de réducteurs de pression sur tout le réseau. Nous avons écouté avec intérêt, curiosité et ravissement l’exposé bon enfant de M. Crane qui nous a accompagnés jusqu’au captage dans la forêt. Nous avons tout de suite mis en parallèle, non seulement les condi- tions de cette réalisation de près de 50 ans d’âge, mais aussi sa rapidité d’exécution, sa bonne tenue à ce jour, et ses évolutions au cours des années passées comparées aux tribulations subies par la population toute entière après des années de gestion opaque, dispendieuse et budgétivore de multinationales pourtant sensées être mieux à même de nous garantir un service de l’eaude qualité à un prix raisonnable. Cette visite que nous allons «appro- fondir», pour en tirer toutes les leçons qui en découlent, nous a per- mis de conforter notre confiance dans un avenir fécond pour notre

pays, dès lors qu’il disposera à sa gouvernancedes hommes et des femmes intègres, courageux, tra- vailleurs et passionnés par sa réus- site économique, sociale, cultu- relle et sociétale. Dès lors que ses enfants refuseront la peur, l’iner- tie, la fuite en avant et toutes les tares d’un vécu colonial déguisé, pour courageusement résister et construire à leur rythme la Guadeloupe de demain : respon- sable, fière, belle et prospère pour ses enfants d’abord.

C’est avec un coeur plus léger mais aussi la tête pleine des réalités du monde agricole guadeloupéen qui se débat dans des difficultés inextri- cables pour le moment, que nous avons échangé autour d’une table campagnarde avec un bon et copieux repas préparé par nos camarades de la région commu- niste de Basse-Terre, et agréable- ment servi chez l’amie de toujours, notre sympathique Catherine. Bravo et merci à nos camarades de la Basse-Terre qui nous ont gratifié de cette visite réussie, qui rentre dans nos pratiques d’éducation populaire, renforçant à la fois notre connaissance du pays, notre mus- culature et surtout, raffermissant les liens intergénérationnels qui nous permettent de mieux résister à la pression ambiante.