Inde : Réélection du populiste Narendra Modi à la tête du pays

Les élections législatives se sont tenues en Inde du 11 avril au 19 mai. La longueur du scrutin s’ex- plique par la taille de l’électorat : 900 millions d’inscrits ! Le parti du Premier ministre Modi en sort grand vainqueur avec la majorité absolue pour son parti (BJP), soit 282 sièges sur 543.

Avec ses alliés, le parti BJP écrase littéralement le parti du Congrès de Rahul Gandhi et ses alliés (352 sièges en tout pour la droite contre 91 pour la gauche modérée). Le front de gauche marxiste implanté essen- tiellement dans le sud est à 2,6% et n’obtient que 6 sièges. Cette victoire historique, la droite n’ayant jamais conservé le pou- voir plus de cinq ans depuis l’indé- pendance de l’Inde, est inquié- tante à plus d’un titre. En effet, élu en 2014 Narendra Modi vient de remporter haut la main une élection qui était tout sauf gagnée. Son bilan écono- mique est mauvais. Avec un chô- mage qui dépasse les 6%, l’Inde a la plus mauvaise conjoncture sur le plan de l’emploi depuis 1971. On estime le nombre de très pau- vres à plus de moitié de la popula- tion soit 660 millions d’Indiens vivent avec moins 3 dollars. Organisée par dix syndicats de gauche, une grande grève (200 mil- lions de grévistes) venait de signi- fier au pouvoir la colère des classes populaires au début 2019. Cela fai- sait suite à des élections régionales perdues dans trois états essentiels au pouvoir (Chhattisgah, Madhya Pradesh et Rajasthan). De fait, Modi a redressé la barre avec des cadeaux électoraux de dernière minute qui ont, semble-t-il, porté leurs fruits : électricité, routes et pose de toilettes dans les cam- pagnes, mais aussi promesse d’une discrimination positive à l’égard des castes supérieures (10% d’emplois réservés dans la fonction publique et l’université pour cet électorat aisé en contradiction flagrante avec les promesses de départ en direc- tion des dalits (intouchables). Mais ce qui inquiète le plus dans cette élection, c’est le renouvelle- ment d’un homme politique qui, depuis 2014, n’a cessé de travailler à attiser le nationalisme hindou, pour mieux masquer ses échecs sur le plan économique. Détourner l’at- tention des problèmes sociaux en excitant les passions nationalistes ethniques est un vieux procédé de tous les régimes forts. Ici les «bri- gades de la vache sacrée» sont là pour imposer aux non-Hindous (Musulmans ou Chrétiens) une vision d’une Inde exclusivement hindoue, dans ce qui s’apparente à une forme de suprématisme. Sachant qu’il y a dans le pays un peu plus de 170 millions de Musulmans et 25 millions de Chrétiens, on mesure le genre de conflits en germe. Cette politique s’appuie sur des réseaux culturels très implan- tés, les RSS (Association de volon- taires nationaux) qui sont eux aussi une grande source d’inquiétude pour les démocrates. Car, ces réseaux servent à diffuser cette pensée d’une pureté hindoue (et particulièrement de l’Inde du Nord) qui finit par considérer tout oppo- sant comme «antinational». Des USA à Israël, du Brésil à la Turquie, de la Hongrie à l’Italie on voit ici se développer un nationa- lisme très dangereux qui prépare des lendemains sombres. La parenté avec les USA est d’ailleurs assez trou- blante dans le cas de l’Inde, car Trump et Modi ont en commun d’utiliser à outrance les réseaux sociaux (communication à sens unique qui évite les interviews gênants) et de favoriser largement les services d’officines spécialisées dans ce qu’on appelle aujourd’hui les «fake news» c’est-à-dire, plus sim- plement la propagande. Dans ces conditions, on ne s’éton- nera pas du nombre élevé de journa- listes assassinés en Inde depuis 2014 (18). Non décidément l’Inde n’est pas, en ce moment, la plus grande démocratie du monde. Son évolu- tion récente est un signe de plus d’une crise généralisée de la poli- tique des pays capitalistes. Elle doit inciter à la vigilance de tous pour dénoncer les discours lénifiants qui minimisent un véritable danger pour la paix et la liberté des peuples dans cette région du monde.