Rentrer au pays ou rester après les études : le choix cornélien des étudiants guadeloupéens

Bien que la Guadeloupe dispose d’une université et de plusieurs centres de formation post-bac préparant les jeunes à divers métiers, partir en France hexa- gonale ou à l’étranger pour faire des études est un phénomène qui n’est pas nouveau et qui tend même à se développer. L’objectif de départ est de pour- suivre ses études dans des écoles européennes ou étasu- niennes «pour bénéficier d’une meilleure éducation que celle du pays d’origine».

A près avoir obtenu leur diplôme, certains décident de rester travailler dans le pays d’accueil. Dans le même temps, d’autres rament à contre- courant et tentent l’aventure péril- leuse du «retour au pays natal». À la suite de la demande qui m’a été faite de produire un article pour attirer l’attention des jeunes lauréats aux examens et concours 2019 sur la nécessité de revenir en Guadeloupe une fois leurs études terminées, je voudrais, simplement par le titre que je pro- pose, faire apparaître la problé- matique du sujet. Il est évident que la question du retour des étudiants dans leur pays revêt aujourd’hui un caractère par- ticulier. Bien qu’il ne soit pas possi- ble de détailler en quelques signes tous les aspects de ce sujet, j’espère susciter chez nos lecteurs une réflexion qui leur permettra d’avoir une vue plus globale sur le contexte, les raisons ainsi que les difficultés qui se mettent place. Généralement, on avance deux rai- sons qui compromettent l’hypo- thèse du retour : la première est professionnelle et économique. La deuxième est culturelle, les étu- diants anticipant les problèmes que paraît leur poser leur réintégration dans le cadre social et culturel de leur pays d’origine : en rentrant chez lui, l’étudiant doit faire face à un dif- ficile exercice de réadaptation. Mais le non-retour n’a pas seule- ment une perspective écono- miste ou mécaniste. Il existe une logique existentielle qui concerne les étudiants. En effet, on peut constater que les transformations identitaires vécues peuvent entraîner des remises en cause parfois radicales des projets ini- tiaux et des représentations. Quoi qu’il en soit, l’impact de ces départs en masse ou de ces non- retours est colossal sur ce pays encore en voie de développement. Aussi, la question qui se pose de manière lancinante est la suivante : devons-nous assister, impuissants, à l’exil des élites et seulement espérer qu’elles reviennent ? Il n’y a bien évidemment pas de solution miracle pour endiguer cette fuite. Chaque pays en proie à ce phénomène possède ses propres limites économiques, politiques et éducatives. Les moyens de résoudre le problème sont donc spécifiques à l’environnement de chaque pays.

Pourtant, peu importe le pays concerné, il est essentiel pour un gouvernement de réfléchir à une véritable stratégie de retour poten- tiel des cerveaux, et de fournir les efforts nécessaires pour l’appliquer. Il faut voir une telle initiative comme une direction des ressources humaines à l’échelle nationale : s’in- téresser aux plans de carrières, aux cadres de travail, à la qualité du management, etc… Autrement dit, si en ce qui nous concerne, on peut toujours mettre en avant la nécessité pour ces jeunes de ne pas se couper de leurs racines ; si on peut évoquer le para- digme de la «fuite des cerveaux», comme développé à partir des années 60 ; si on peut souligner l’état de la société guadeloupéenne dont la population de plus en plus vieillissante risque de disparaître, subissant selon l’expression consa- crée, un génocide par substitu- tion…, une réalité s’imposera tou- jours, celle du développement éco- nomique de notre pays et des emplois proposés à cette jeunesse, parfois très diplômée, dans des dis- ciplines qui ne sont pas toujours exploitables en Guadeloupe.