Porto-Rico : La révolte d’une colonie Nord-Américaine

Porto-Rico va mal. Très mal. Tous les indicateurs sont au rouge et l’ouragan Maria n’a fait qu’aggraver une situation géné- rale déjà catastrophique. En 2019 pour la quatrième année consécutive le PIB de l’île sera en baisse (près de 8% en quatre ans). Avec 45% de la population en dessous du seuil de pauvreté et une dette publique considéra- ble qui étrangle l’Etat, Porto- Rico se débat dans un cercle vicieux déjà vu ailleurs.

Les ingrédients sont connus. Pour rem- bourser les intérêts de la dette Porto-Rico doit de nou- veau emprunter, et alourdit encore le fardeau d’une dette qui est tout aussi illégitime que ne l’était celle de la Grèce. En gros, rembourser la dette sert à payer les fonds de pen- sions américains qui ont prêté à Porto-Rico lorsque l’Etat US a sans véritable transition, arrêté les exemptions fiscales sur l’île. Depuis cette fin de la défiscalisation version américaine, en 2006, l’éco- nomie de Porto-Rico a dégringolé. Le taux de chômage dépasse les 11%. Les emplois qui se raréfient, la pauvreté grandissante, ne sont pas les seuls indicateurs de la crise. Des dizaines d’écoles ont été fermées (autour de 180 en tout), le budget des universités baissé de 70%, le prix de l’eau a augmenté de 60%, la liste est longue. Conséquence immédiate les Portoricains quittent leur île pour les USA : 400 000 habi- tants ont émigré depuis 2000 sur une population de 3.2 millions. Il y a désormais plus de Portoricains aux USA qu’à Porto-Rico même. Le sentiment d’une situation dans l’impasse est lié au statut colonial dans lequel se trouve Porto-Rico. État associé c’est-à-dire ni état sou- verain, ni Etat américain, Porto-Rico est sous tutelle. Les Portoricains ne votent pas pour les présidentielles et n’ont pas de représentants de plein exercice au Congrès améri- cain. Lorsqu’ils votent pour le chan- gement de statut les Portoricains savent que le seul choix qui leur res- tera est l’indépendance. En effet quand les référendums de 2012 puis celui de 2017 ont donné comme résultat une majorité pour le rattachement aux USA en tant qu’Etat de plein droit, les autorités américaines ont sèchement répli- qué : c’est non pour le rattache- ment. Et Porto-Rico est donc resté dans le statut actuel, celui d’une colonie. Pire, les autorités améri- caines ont envoyé en 2016 (sous le mandat d’Obama) une sorte de gouvernement parallèle dans le cadre de la loi Promesa, pour super- viser le système des pensions, le budget du gouvernement et sur- tout la législation et les conventions collectives passées avec les syndi- cats. Véritable affront humiliant qui a le mérite d’abattre les cartes et de montrer la nature de la prétendue autonomie de gestion de Porto- Rico. Les Portoricains sont des citoyens de seconde zone lorsqu’il s’agit de droits politiques, et surveil- lés de près dès que les intérêts des fonds spéculatifs sont en jeu. La res- semblance avec la situation de la Grèce de Tsipras face à l’Europe de Merkel est frappante. Dans la crise actuelle les messages homophobes et sexistes du gouver- neur Rosello insultant la maire de San Juan et le chanteur Ricky Martin, sur la messagerie Telegram, ne sont que les gouttes d’eau qui ont fait déborder le vase. Après la catastrophe Maria et plus de 4 000 morts, on se souvient de l’attitude méprisante de Trump venu faire la leçon et l’aumône à tout un peuple. Les Portoricains sont descendus en masse dans la rue dans d’immenses manifestations qui ont rassemblé plus de monde que jamais (400 000 personnes cette semaine sur l’auto- route Las Americas). Dans la tour- mente actuelle c’est la bonne nou- velle. Ne pas subir, se révolter devant la situation créée par le capi- talisme libéral qui se moque totale- ment des peuples et ne connait que la logique du profit. La route sera parsemée d’embuche pour les Portoricains qui relèvent la tête mais nul ne peut douter que la crise actuelle plante des graines pour le futur. C’est une leçon pour tous les peuples de la région.