La France, les USA et la taxe sur les GAFA
Votée une première fois en avril 2019, puis examinée par le Sénat, la taxe sur les GAFA a été adoptée par l’Assemblée natio- nale le 4 juillet et confirmée par le Sénat une semaine plus tard. Elle est présentée par le ministre des Finances comme une mesure provisoire en attendant une taxe internationale atten- due pour 2020.
Les USA ont immédiate- ment répondu par la voix de Trump qu’il s’agissait d’une mesure discrimina- toire vis-à-vis des entreprises amé- ricaines et ils ont promis de s’en prendre aux droits de douane du vin français. De quoi s’agit-il ? Les GAFA (ou GAFAM) sont les entreprises géan- tes du numérique Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft qui ont deux points communs : une part de leur activité utilise inter- net et leurs bidouillages juridiques leur permettent (léga- lement) de ne payer que des mon- tants d’impôt minimes dans les pays où elles réalisent des profits considérables. Ce sont les cham- pions toutes catégories de l’éva- sion fiscale. Apple par exemple, vend des films et des musiques en ligne avec son application Itunes. Si un consom- mateur français se connecte pour faire un achat en ligne, il utilise le réseau français de communication internet, le réseau électrique etc. mais il ne se doute pas que la société filiale Itunes filiale d’Apple est luxembourgeoise. La TVA au Luxembourg est de 6% contre 20% en France. Google a 4 millions d’uti- lisateurs déclarés en Irlande (impôt sur les sociétés 12.5%) pour un chiffre d’affaire de 22.5 milliards d’euros, et 55 millions d’utilisateurs en France pour un chiffre d’affaire de 200 millions d’euros ! Mécontent de la situation irlandaise pas assez intéressante à son goût Goggle vient d’ailleurs de délocaliser ses profits aux Bermudes. Cette éva- sion fiscale à grande échelle choque jusqu’aux USA même qui, à l’époque d’Obama, se sont déclarés partisans d’une harmonisation fis- cale internationale pour lutter contre cette aberration (parfaite- ment compatible pourtant avec le libéralisme généralisé). La taxe GAFA qui a été votée par la France consiste à taxer (à hauteur de 3% du chiffre d’affaire à partir de janvier 2019) les activités numériques (publicité, ventes de données personnelles, et mise en relation dans le e-commerce) des sociétés qui pratiquent l’optimisa- tion fiscale : les GAFAM, mais aussi Alibaba, Booking, Criteo, Expédia, Airbnb, Uber etc. En tout une tren- taine de sociétés américaines, chi- noises, européennes. En agissant ainsi la France entend pousser les autres pays à s’engager dans la voie d’une taxation interna- tionale. En Europe le Danemark, la Suède et la Finlande ont refusé de s’associer mais l’Italie, l’Espagne et la Grande-Bretagne se sont eux pré- parés à légiférer dans le même sens. Les Allemands ont renoncé par peur de représailles américaines sur leur industrie automobile. De fait le dernier rendez-vous des ministres des finances du G7 s’est conclu par un consensus sur la nécessité d’un accord international en 2020, dans le cadre de l’OCDE. 127 pays se sont déjà prononcés pour un accord. Et les rodomon- tades de Trump, en direction de son électorat, sur des représailles doua- nières ont été dénoncées par le puissant lobby de l’industrie tech- nologique ITI, dans lequel se retrou- vent Apple, Amazon et Google, en soulignant la nécessité de recourir à la «coopération internationale». En réalité la taxe GAFA de la France est très timide. Elle ne concerne que la part numérique de l’activité (soit 36% de l’activité totale pour les GAFAM). Elle est mal engagée, car en visant le chiffre d’affaire et non les profits elle est illégale selon les normes européennes ou celles de l’Organisation Mondiale du Commerce. Elle se révèle sous dimensionnée L’organisation ATTAC a calculé qu’une taxation comparable à celle qui concerne l’impôt sur les sociétés en France rapporterait sur les revenus de 2017, 600millions d’euros pour les seules GAFA, au lieu des 160 prévus. Le pire dans cette situa- tion serait d’aboutir à une mesure indolore pour les sociétés concer- nées, elle montrerait l’im- puissance des états devant le pouvoir des mul- tinationales.
Car, le véritable enjeu est clair. L’imposition des gran- des sociétés n’est pas une question technique mais politique. Et à ce stade si le principe d’une taxe GAFA est souhaitable, qui peut croire à la sincérité du gouverne- ment français le même qui a réformé l’impôt sur la fortune en excluant les placements bancaires et financiers et qui a accentué le démantèlement des services pu- blics. La vivacité de la réaction de Trump correspond beaucoup plus à des conflits entre oligarchies. Les intérêts des peuples sont bien loin. Mais nous sommes tous concernés. Car, les GAFA et l’in- dustrie du numérique font au- jourd’hui partie d’une façon ou d’une autre de la vie de tout un chacun (du téléphone portable, aux organismes de vacances en passant par les services de taxis et le e-commerce). La vigilance de tous est donc de mise pour faire cesser le pillage des états par les multinationales. C’est une tâche considérable qui demande une coopération interna- tionale de toutes les forces progres- sistes. Un défi pour le futur.