Le racisme tue toujours aux Etats-Unis

A quelques jours du 89 ème anniversaire d’un crime raciste qui a bouleversé la société américaine, les Américains se s ont réveillés tétanisés par l’annonce de deux fusillades qui, à un jour d’inter- valle, ont fait 20 morts dans l’Etat du Texas et 9 morts dans l’Ohio. C es deux crimes sont frappés du sceau du racisme anti-étranger, anti hispa- nique. Le Président Donald Trump dont la rhétorique sur l’envahissement étranger alimente la montée du racisme et l’impunité des supréma- tistes blancs. Pris à son propre piège, il aurait déclaré que «la haine n’a pas sa place aux Etats-Unis». La question est de savoir quelles mesures il va prendre pour interdire la possession et le port d’armes aux Etats-Unis et surtout les dispositions qu’il va mettre en place pour lutter contre la montée du racisme.

Le 7 août 1930 à Marion dans l’Indiana trois Afro-améri- cains Thomas Shipp, Abraham Smith et James Cameron, sont arrêtés et accusés la veille d’avoir volé et assassiné un ouvrier blanc et sa petite amie. Incarcérés les deux pre- miers furent extraits de la prison avec la complicité de l’administration péniten- tiaire par une foule haineuse et déchaî- née. Le premier, battu à mort fut exposé à la fenêtre pour être vu, le second, le corps mutilé, et tous deux, furent par la suite pendus à un arbre en public. Le troisième réussi à s’enfuir avec la complicité d’une femme. Ce crime odieux resta impuni malgré les interventions du procureur de l’Etat et les actions de protestation de l’Association Nationale pour la promo- tion des gens de couleur (NAACP) créée en 1909 par E.W Du Bois, socio- logue et historien, militant des droits civiques et précurseur du panafrica- nisme. Cette association a lutté avec détermination contre le racisme, la ségrégation raciale et pour la promul- gation d’une loi interdisant le lynchage sans succès. Le combat de Du Bois reçut le soutien des Africains et Asiatiques luttant contre le colonialisme et l’impérialisme. Auteur prolifique, plus de 40 ouvrages essais et romans publiés, dont le plus important est «Les âmes du peuple noir» paru en 1903, et est selon Lylian Kesteloot (1931-2018) spécialiste des littératures nègro-afri- caines francophones, un des livres fondateur de la négritude. Les lynchages étaient une pratique courante dans les Etats du Sud. Ils étaient parfois annoncés par la presse. On estime à plus de 5000, le nombre de noirs lynchés entre 1877 et 1950.
Abel Meeropol enseignant juif, membre du Parti Communiste Américain choquépar les images du lynchage de Thomas Schipp et Abraham Smith, composa un poème «Strange Fruit» qui fut pour la pre- mière fois chanté par sa femme lors d’une réunion d’enseignants et par la suite, interprété de manière sublime par la chanteuse afro-américaine Billie Holliday le 20 avril 1939. En ce 7 août 2019, deux jours après le décès de Tony Morrison, intellectuelle engagée et militante infatigable contre le racisme, elle nous a enseigné que : - «Les Etats-Unis ont fait de la cou- leur de la peau, le ciment de la nation américaine» - «De nos jours, on juge le silence étrange et ceux de ma race pour la plupart, ont oublié combien peut- être beau, le fait de signifier beau- coup en disant peu» James Cameron a survécu au lyn- chage du 7 août 1930, il avait 16 ans. En 2006, un an avant sa mort à l’âge de 92 ans, il fut reçu par le Sénat pour entendre les excuses présentées par la Chambre, se repentant de n’avoir pas su édicter une loi fédérale interdi- sant le lynchage. Abel Meeropol enseignant juif et mili- tant communiste connu pour avoir écrit et mis en musique «Strange Fruit» et aussi pour avoir adopté les deux enfants de Julius et Ethel Rosenberg accusés injustement d’avoir livré à l’URSS les secrets de la bombe ato- mique. Ils furent exécutés sur la chaise électrique le 19 juin 1953.