Le CETA : Un grand danger

Comme souvent en France, les gouvernants font voter honteu- sement pendant les vacances de juillet-août des décisions contes- tables pour mieux éviter les réactions trop fortes et faire ainsi passer des choix dont on sait pertinemment qu’ils ne sont pas populaires. Mais avec le CETA, on est dans une autre catégorie de dangers. Il ne s’agit pas d’augmentation des tarifs de l’électricité ou d’une nouvelle taxe, mais de l’urgence clima- tique et de la vie économique de pays entiers, sur des décennies.

Le 23 juillet le Parlement français a adopté le CETA, Traité entre l’Eu- rope et le Canada, qui vise à établir les bases du libre échange entre ces deux puissances économiques. La France se rajoute à 13 Etats euro- péens, dont la Grande-Bre-tagne et l’Espagne, qui l’ont déjà ratifié. Ce Traité qui concerne donc 510 mil- lions d’Européens et 37 millions de Canadiens est prévu pour suppri- mer les droits de douanes sur 98% des produits échangés entre les deux zones. Il a déjà été pratiqué à titre expérimental depuis deux ans et les autorités européennes se sont déclarées satisfaites. Cette satisfac- tion est en soi préoccupante, car à quel moment a-t-on vu les déci- sions des autorités européennes rejoindre l’intérêt des peuples ? A priori, ce Traité semble anodin. Il ne l’est pas et tout indique au contraire, qu’il va dans la mauvaise direction sur plusieurs plans : - il est censé amener une harmoni- sation des normes en particulier dans l’agriculture, mais on a tout à craindre du respect de ces normes lorsque le profit est en jeu. Nous sommes bien placés ici aux Antilles avec le chlordécone pour savoir de quoi l’on parle. Il y a, par exemple, des dizaines de milliers de fermes d’élevage au Canada et seules une infime minorité est aux normes de l’Europe. Quelles garanties pour le consommateur de ne pas retrou- ver dans son assiette des produits OGM ou de la viande gorgée d’antibiotiques ? Aucune sinon de belles promesses. - il va augmenter les échanges transatlantiques et du même coup multiplier les transports de mar- chandises de toutes sortes donc polluer, et aggraver encore le bilan carbone, alors que tous les experts sonnent l’alarme pour aller dans le sens inverse. - il va enfin autoriser les multinatio- nales à trainer en justice les états devant le CIRDI (centre internatio- nal pour le règlement des différends liés aux investissements), une éma- nation de la Banque mondiale. C’est probablement un des points les plus inquiétants du Traité. Il montre à
q uel point nous sommes aujourd’- hui dans une véritable dictature des mastodontes économiques qui r ègnent sur la vie des peuples, dans tous les domaines. Faire un procès à un Etat parce que les intérêts économiques (lisez les p rofits) sont en jeu est devenu une réalité. Un exemple, parmi des dizaines, de cette démission des Etats devant les monstres écono- miques d’aujourd’hui, qu’ils s’appel- lent Google, Veolia ou Monsanto… En 2004 le groupe Cargill a gagné un procès contre le Mexique et l’a contraint à une amende de 90 mil- lions de dollars. De quoi s’était rendu coupable l’Etat mexicain ? D’avoir, pour des raisons de santé publique, créé une taxe sur les sodas… qui bien sûr pénalisait les profits de Cargill. En France, des dizaines d’organisa- tions, la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, tous les partis et les syn- dicats de gauche et des personnali- tés aussi opposées que Nicolas H ulot ou Dominique de Villepin (c’est dire !), ont dénoncé les dan- gers de ce Traité. Il correspond à u ne vision de l’économie que l’on connaît bien et qui a précipité la crise climatique, privatiser les pro- fits et laisser à la collectivité la gestion des dégâts humains, sani- taires ou écologiques. Dans la période charnière que nous vivons, ce Traité est un vrai retour en arrière sous couvert de moder- nité. Et tout se tient, nous le savons. Pour revenir à l’exemple cité plus haut, la société Cargill est mise en cause dans la déforestation en Amazonie pour la culture du soja. Cette société a même construit illé- galement un port sur l’Amazone, à Santarem, pour exporter son soja vers l’Europe, comme le dénonce u n rapport de Greenpeace. Or, les scientifiques sont de plus en plus certains que cette déforestation de l ’Amazonie (à laquelle d’autres géants de l’agriculture participent) est une des causes principales de l’invasion des sargasses dont nous sommes victimes. Cette société Cargill, qui impacte donc gravement l’environnement, est aussi présente au… Canada ! Elle est bien sûr concernée par le CETA. Qui peut croire un instant qu’elle va subitement devenir ver- tueuse ? C’est un des multiples exemples illustrant le véritable danger du Traité qui vient d’être adopté par l’Assemblée nationale. En empruntant ces termes à Lénine, il est clair que le CETA n’est qu’une des faces du nouveau visage de l’impérialisme, stade suprême du capitalisme. Il doit être combattu avec force et détermination.