Le Grenelle de Macron : «Gwan parad piti kout baton !»

Les violences contre les femmes qui s’exercent à l’échelle de la planète sont une réalité bien tenace, même si elles sont très souvent largement occultées.

Elles se parent souvent de considérations à caractère culturel, quand elles ne sont pas directement liées aux guerres non déclarées, dont les ravages en termes de viols, de mutilations, d’en- lèvements, de séquestrations et autres faits barbares, n’apparaissent pas au grand jour à travers la presse. En France, la question des vio- lences faites aux femmes est sur- tout prise en compte par de nom- breuses associations qui font la preuve de leur engagement à tra- vers les nombreuses démarches effectuées près des différents ministères, et directement auprès de l’Etat, sans compter toutes les formes de sensibilisation du public. On a pu penser que cette cause a été entendue, puisque le gouverne- ment Macron l’a présentée : «grande cause du quinquennat». Hélas, cette grande cause est conduite avec le plus petit budget de l’Etat et elle prend la forme d’un grand plan de communication, par le biais d’un grenelle auquel ni les victimes, ni les familles ne sont conviées. Seules quelques organisa- tions ont été invitées pour la forme.

Pouvons nous donc en Guadeloupe en attendre quelque chose de pal- pable ? Rien n’est moins sûr. Nous ne pouvons-nous reposer sur des déclarations ministérielles qui mon- trent que leurs auteurs ne savent pas ce qui se passe chez nous (leurs propositions phares pour la plupart existent déjà ici). C’est dire que les moyens nouveaux découlant de ce Grenelle auront du mal à joindre nos rives. Il convient donc d’approfondir notre réflexion sur les causes pro- fondes de ces violences, et de conti- nuer nos démarches pour les traiter comme un sujet prioritaire, dans notre société issue de l’esclavage et toujours colonisée. Il faudra pour cela une réelle volonté politique, des moyens financiers et humains, et un indispensable enga- gement citoyen de tous ceux, qui par leurs compétences acquises, sont qualifiés pour aider le pays à combattre ce fléau. Nous avons dans le pays des travail- leurs sociaux expérimentés qui peu- vent aider les hommes et les femmes à surmonter les difficultés qu’ils rencontrent dans leur couple, et faire de la prévention avec les adolescents. Encore faut-il que la puissance publique mette en place des lieux dédiés à ce travail, qu’elle dégage les moyens pour un nom- bre conséquent d’intervenants sociaux pouvant aider celles et ceux qui en ont besoin.
Il faut chercher à inverser la ten- dance actuelle, en développant l’emploi pérenne, pour que les hommes et les femmes en âge de t ravailler puissent «gagner leur vie», et ainsi, échapper à la dépen- dance économique qui les empri- s onne dans des relations deve- nues toxiques, et où l’amour et la bienveillance n’ont plus de place. Il faut que l’Etat consacre un budget conséquent pour soutenir l’action effective des associations de béné- voles qui font déjà un travail de ter- rain souvent remarquable. Les centres de planning familial qui sont en grande difficulté doivent être réellement soutenus dans leur mission éducative auprès des familles et des jeunes. L’école à la Guadeloupe doit apprendre aux enfants le respect mutuel, la pratique de la discus- sion, la tolérance, l’égalité en droit entre homme et femme. Elle doit préparer les jeunes à être des adultes capables de contrôler leurs pulsions négatives.

Il faut apprendre aux filles dès leur p lus jeune âge, les techniques d’auto défense pour qu’elles soient en mesure de se protéger en cas d’urgence. I l faut par la pratique de l’éducation populaire, aider les familles à don- ner à tous leurs enfants une éduca- t ion capable de les préparer à une vie d’adulte débarrassée des préju- gés sexistes qui ont la vie dure et qui doivent être éradiqués. Mais la violence a aussi des causes qui relèvent de troubles psy- chiques, ou d’addictions qui doi- vent être pris en compte, donc, dépistés, soignés, suivis et enca- drés. D’où la nécessité d’un plan d’équipements en structures adaptées et personnels formés, pour que les victimes de violence soient bien accueillies et que les auteurs reçoivent une prise en charge répondant à leurs besoins. Il existe aujourd’hui 3 centres d’ac- cueil pour les femmes aux prises avec la violence conjugale, qui offrent en tout 42 places. C’est peu par rapport aux besoins. Mais encore faut-il que les femmes concernées soient au courant de ce qui existe, pour qu’elles en profitent a u besoin. Toutefois, cet accueil a une durée limitée. Il faut donc pré- parer la sortie car, la récidive est tou- j ours possible. Enfin, il faut lier la lutte contre l es violences faites aux femmes à celle contre la pauvreté, et donc, à celle plus large pour une société guadeloupéenne débar- rassée de la tutelle coloniale qui stérilise ses efforts de dévelop- pement endogène, et se nourrit des préjugés et idées reçues rétrogrades, qui freinent son élan vers la responsabilité et la vraie liberté. On voit donc qu’il s’agit d’un travail continu de co-construction d’une mentalité nouvelle, adaptée à notre époque et basée sur le respect mutuel, la tolérance, l’indispensable solidarité dans le vivre ensemble, et l’amour vrai qui n’a pas perdu tout son sens et qui peut refleurir demain si nous le voulons.