En Israël le vote arabe se met à compter

Les élections israéliennes qui viennent de se dérouler le mardi 17 septembre n’offrent pas beaucoup de motifs pour une satisfaction quelconque. Les deux formations arrivées en tête, Likud et Kahol Lavan, sont toutes les deux partisanes de la colonisation des territoires occupés. Il n’y a rien à attendre, non plus, de leurs dirigeants principaux.

N etanyahu qui a essayé par tous les moyens d’infléchir les électeurs s’est encore illustré par son attitude anti-démo- cratique (tentative d’introduction de caméras dans les bureaux de vote, appels haineux sur Facebook, voire interviews, en contravention avec la loi électorale, le jour même du scrutin). De l’autre côté l’alliance centriste Kahol Lavan arrivée en tête en nombre de sièges est dirigée par Benny Gantz un ancien chef d’état- major de l’armée. S’il souhaite faire la paix avec les Palestiniens c’est en gardant Jérusalem comme capitale d’Israël ! Il n’y a rien à attendre non plus de partis comme Israël Beitenou de Avigdor Lieberman ou d’une coalition comme Yamina avec à sa tête l’ancienne ministre de la justice Ayeled Shaked, ce sont des formations profondément anti- arabes. On note que leurs discours racistes et violents ne les ont pas mis hors jeu sur le plan politique. Et pour finir, il s’en est fallu de peu que la formation Otzma Yehudit inspirée par le rabbin Kahane assas- siné an 1990, ne parvienne à entrer au parlement, alors que ce parti souhaite une loi interdisant les mariages interreligieux (très concrètement juif-arabe). C’est dire l’état dans lequel se trouve une partie de la société israélienne tra- vaillée au corps depuis dix ans par les discours d’extrême droite de Netanyahu.

La gauche israélienne, elle, élection après élection n’en finit pas de payer ses compromissions idéologiques, ayant abandonné toute ambition de pouvoir revenir aux affaires. N’ayant jamais su inventer un modèle démocratique pour tous les Israéliens elle se retrouve marginali- sée sans doute pour longtemps. La seule bonne nouvelle vient de la Liste Unifiée (Joint List). Cette alliance comprend à la fois des com- munistes du parti Hadash, des par- tis arabes comme les partis Balad ou Ta’al ou la liste arabe unie. Originalité de cette élection la Liste Unifiée a refait surface après avoir perdu un grand nombre d’électeurs à l’élection du mois d’avril 2019, du fait des intimidations du pouvoir (présence de caméras dans les bureaux de vote qui menaçaient de fait l’impartialité du scrutin), et de la division de ses composantes. Les sondeurs estiment généralement que le nombre de citoyens arabes s’étant porté sur la Liste Unifiée a augmenté de plus de 10% entre le scrutin d’avril et celui de septembre, passant de 50 à 60%. Bien plus, un nombre important d’électeurs arabes ont porté leur voix sur le parti centriste (Kahol Lavan) lui faisant gagner selon les analystes entre un et deux sièges. Il y a enfin la certitude qu’un nombre non négligeable d’électeurs juifs ont voté pour la «Liste Unifiée». Toutes ces données montrent que dans une conjoncture aussi déses- pérante que celle qui prévaut actuellement (négociations israélo palestinienne sans doute définiti- vement ajournées, colonisation accélérée voire annexion, coups décisifs portés à l’égalité citoyenne etc) des citoyens israéliens n’ont pas hésité à montrer qu’autre chose est possible. Une prise de conscience que, unis malgré leurs différences, de petits partis, peu- vent donner un résultat qui est un cinglant désaveu de Neta- nyahu et de sa politique. Arrivée troisième avec 13 sièges, d’après les derniers résultats, la «Liste Unifiée» fait mieux que toutes les formations de droite ou d’extrême droite à l’exception du Likud. Cette bonne nouvelle doit être saluée comme il se doit. Elle main- tient l’espoir et la résistance. Elle confirme que voter peut avoir dans certaines circonstances un poids politique de première importance.