Fò pa twota baré nou !

Il n’y aura pas de change- ment dans la gouver- nance sans une indispen- sable cohésion entre toutes les forces du chan- gement, qui doivent de toute urgence, coordon- ner leurs actions. La ten- dance actuelle doit être inversée. Le peuple ne doit plus se contenter de suivre ses élus. Il doit les encadrer, éclairer leur chemin et les obliger à entendre raison.

On dit souvent «qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire». Mais, peut- on se fier totalement à cette maxime ? Je ne le dirai pas, s’agis- sant de l’avenir de la Guadeloupe. Le bilan des 70 dernières années montre que l’Etat français a construit sur nous, une domina- tion empreinte de perversité.Il a colonisé le pays, mais surtout nos cerveaux, jusqu’à faire de nous des victimes consentantes. Il n’est pas allé par quatre chemins chaque fois qu’il a noté un soupçon de remise en cause de sa politique : (ordonnance de 1960, mutation d’office de fonctionnaires au pré- texte d’atteinte à la sûreté de l’Etat -évènements de mai 1967-, fraudes électorales grotesques…). Il a aussi employé des méthodes plus sour- noises, mais autrement plus effi- caces pour nous aliéner. Toutefois, les résultats de ce qu’il a fait sont bien là, à travers ce que nous vivons, et nous pourrons toujours y revenir pour mieux les analyser. A mon avis, ce qui importe aujourd’hui, c’est la décision que nous devons prendre au fond de nous-mêmes. Si comme nous l’af- firmons, «la Gwadloup sé tan nou - yo péké fè sa yo vlé èvè péyi an nou» alors, comment jugeons- nous la situation actuelle sur laquelle nous n’avons aucune prise sérieuse ? Répond-elle à nos aspirations ? Si c’est non. Alors que faire ? Et comment faire ? Faut-il compter sur les élus que nous avons pour remettre en cause les bases structurelles de la gestion de notre pays ? Je ne le pense pas, car même avec de la bonne volonté, ils sont pris dans les filets toujours tendus, de ceux qui gouvernent effectivement la Guadeloupe à 8 000 km. Certes, le discours officiel a changé. Le pouvoir en place ne parle plus tellement de nos handicaps struc- turels, il parle surtout de nos richesses et s’empresse toujours de préciser qu’elles appartien- nent à la France. La hantise d’une «Guadeloupe handicapée», c’est nous Gua- deloupéens qui l’avons encore dans nos têtes. L’Etat lui, veut paraître crédible aux yeux des jeunes générations qui savent que le pays a de réelles potentialités. Mais comment valoriser ces poten- tialités au bénéfice de la Guade- loupe et des Guadeloupéens ? Voilà la question qui dérange ! Il y a longtemps, Rosan Girard a bien expliqué le concept de «klé à gyel aw», et on peut se réjouir qu’il existe dans notre pays des hommes et des femmes qui ont cette préoccupa- tion chevillée au corps. Mais ces der- niers ne peuvent agir qu’à la marge du système en place, en essayant de trouver quelque opportunité dans l’architecture de la politique euro- péenne, pour y puiser quelques moyens de produire. Cependant, il ne suffit pas de pro- duire, encore faut-il vendre. Or, ceux qui tiennent les leviers du marché, ce sont ceux-là mêmes qui ont des intérêts haut placés dans le système actuel. A en juger par l’influence qu’ils ont sur la conduite des poli- tiques publiques mises en oeuvre, on peut dire en quelque sorte, qu’ils ont droit de vie et de mort sur le peuple guadeloupéen. Que faire alors ? Il faut avant tout aujourd’hui requérir le pou- voir du peuple. C’est lui qui, par son bon sens et aussi sa matu- rité politique, aura la force nécessaire pour faire entendre raison à l’Etat et à ses soutiens. Mais ce pouvoir du peuple a besoin d’être conforté par l’inter- vention désintéressée, de tous ceux qui dans le pays aspirent à un changement de gouvernance. Car, c’est bien de gouvernance qu’il s’agit, et pour commencer, de la capacité à orienter nos choix économiques, à décider dans un certain nombre de secteurs vitaux pour notre pays. Il faut que le peuple soit instruit des tenants et aboutissants de la poli- tique voulue par Macron et caution- née par une cohorte de politiciens qui ne peuvent que le suivre. Il n’y aura pas de changement dans la gouvernance sans une indispen- sable cohésion entre toutes les forces du changement, qui doivent de toute urgence, coordonner leurs actions. La tendance actuelle doit être inversée. Le peuple ne doit plus se contenter de suivre ses élus. Il doit les encadrer, éclairer leur che- min et les obliger à entendre raison. Le monde bouge. Chaque pays défend ses intérêts propres et noue ses alliances pour optimiser ses pos- sibilités de développement. Alors que faisons-nous «pou yo pa fè sa yo vlé èvè péyi an nou ?». Le temps ne nous attend pas.