Un climat social et politique délétère en République d’Haïti

La situation s’est nettement tendue ces dernières semaines en Haïti, dans la plupart des villes. Au départ de la révolte, la pénurie d’essence, qui pro- voque une ruée vers les stations. Celles-ci sont rapidement vides et elles ferments également lorsque la violence urbaine engendrée par la crise les contraignent à des mesures de prudence.

Les autorités portuaires ont beau affirmé que la crise n’est pas pro- voquée, l’exaspération des citoyens est à son comble. Mais, cette pénu- rie d’essence n’est que la partie émergée d’un ensemble qui ne cesse de conduire le pays vers des jours toujours plus sombres. La première et plus fondamentale cause est la profonde révolte devant les inégalités et l’injustice de la société haïtienne qui, connue de tous, a encore été révélée par les rapports de la Cour de Comptes, en janvier et avril de cette année. Ces rapports ont démontré le méca- nisme et nommé les responsables d’un véritable pillage de l’Etat dans le scandale du contrat Petro-Caribe, passé avec l’Etat vénézuélien. Les ministres et les Présidents de la République d’Haïti (dont l’actuel Président, Jovenel Moïse) compro- mis dans ce détournement farami- neux, jouissent d’une impunité qui, même en Haïti où cette impunité est une marque des fraudeurs d’état, ne passe décidément pas.

QUI EST LE PRÉSIDENTJOVENEL MOÏSE ?C’est un entrepreneur, sans vérita- ble stature politique. Successeur de Michel Marthély, lui aussi compro- mis dans le scandale Petro-Caribe, c’est peu dire qu’il n’a jamais réussi à convaincre qu’il était l’homme de la situation. Il n’est qu’un représentant de plus de la bourgeoisie haïtienne.

Un collectif d’opposition, regroupé sous le nom d’Alternative consen- suelle, considère que le Président n’a pas de légitimité. Son appel à manifester le 20 sep- tembre porte d’ailleurs en lui- même un message sans ambi- guïté : cette date est en effet l’an- niversaire de la naissance de Des- salines (le 20 septembre 1758). En faisant le lien entre ces deux dates, ces opposants renvoient au projet de départ d’Haïti : «Justice sociale, indépendance nationale, Etat fort». On en est loin.

QU’EN EST-IL DU PEUPLE HAÏTIEN ?La grande majorité de la population haïtienne vit toujours dans une extrême difficulté au quotidien. Les comportements politiques comme ceux de Jovenel Moïse sont une insulte permanente à la précarité du peuple. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que des manifestants se soient opposés à la déclaration de politique générale du nou- veau premier ministre Fritz William Michel, le 23 septembre 2019. Le chaos engendré de- vant le Parlement, par l’arrivée des manifestants, a donné lieu à une scène de panique, lorsqu’un sénateur a tiré au revolver pour se dégager de la foule, à l’exté- rieur du bâtiment. Dans les conditions actuelles, il est difficile de voir le bout du tunnel pour le peuple et la nation haïtienne. Une économie qui s’effondre, conséquence de la corruption, mais également des dégâts colla- téraux de l’agression économique des USA, contre le Venezuela. En outre, on relève un pouvoir cor- rompu mais une absence de figure d’opposition suffisamment forte. Et, par-dessus tout, une urgence sociale plus que politique. C’est dire qu’Haïti est aujourd’hui encore une terre de révolte et de lutte pour l’égalité. A ce titre, nous restons d’une solidarité sans faille vis-à-vis du peuple haïtien.